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Critique de Godefroid


On doit à Actes Sud la révélation au public français de cet auteur formidable qu'est Andrew McGahan, grâce à la publication, en l'espace de 12 mois - de février 2007 à février 2008, de ses trois derniers romans sortis en Australie en 2000, 2004 et 2008. "Terres noires, terres blanches" s'intercale donc entre "Derniers Verres" et "Australia Underground", parus dans la collection Actes Noirs.

Si Terres noires, terres blanches aurait tout aussi bien trouvé sa place dans la collection noire de l'éditeur, ce dernier a peut-être estimé que ce texte s'apparentait davantage à un roman d'atmosphère et qu'il trouverait plus justement sa place dans une collection "blanche". Soit. On peut en effet considérer que l'ouvrage se démarque des deux frangins qui l'entourent chronologiquement ; mais s'il est assurément bien plus lent, il est au moins aussi lourd et oppressant.

Au début des années 90, le très jeune William, 9 ans, perd son paternel dans l'incendie d'un champ de blé qu'il était en train de travailler. La pauvre famille ainsi amputée est prête à basculer dans la misère noire quand le vieil oncle John McIvor se pique de recueillir l'enfant et sa mère névrosée et cupide dans son gigantesque domaine de Kuran, laissé pratiquement à l'abandon. Une place leur est faite dans l'imposant manoir de Kuran, lui aussi en voie de délabrement avancé. Il est clair que le patriarche en bout de course a une idée derrière la tête. La narration suit principalement l'évolution de l'enfant, soumis à des influences qui le submergent très rapidement. Les puissances en présence ne sont pas toujours très rationnelles ; la mort, la maladie et d'autres forces malsaines non identifiées planent sur le domaine dès leur arrivée. William n'a d'autre choix que de se raccrocher à cette impressionnante figure paternelle qu'est le vieux John McIvor.

Au delà du roman d'atmosphère, McGahan nous parle une fois de plus de politique. Visiblement passionné par l'histoire de son pays, Terres noires, terres blanches est surtout l'occasion pour lui de revenir sur le crime originel qui a permis la construction de la nation Australienne - l'expropriation et le massacre des aborigènes, et de s'interroger sur la culpabilité qu'il suscite dans la population citadine, population qui a perdu tout lien avec la terre exploitée par les générations précédentes. Ce texte dresse aussi quelques portraits magistraux et captivants. Celui de John McIvor tout d'abord, dont on découvre progressivement le terrible itinéraire au travers de flash back s'intercalant régulièrement dans l'histoire présente. Puis, tout aussi passionnant, celui de sa fille Ruth avec qui il est en rupture totale, même si elle n'apparaît qu'aux deux tiers du roman.

L'ensemble constitue un texte envoutant et profond que l'auteur clôt avec une grande intelligence, en évitant tout cliché, dans un style impeccable et sobre admirablement transposé dans notre langue par Cécile Schwaller. Voilà donc un roman recommandable sans aucune réserve, mais avec cet avertissement à ceux qui ont apprécié les deux autres ouvrages de l'auteur également pour leur relative nervosité, qu'ils ne retrouveront pas ici... même si c'est un livre qu'on ne lâche pas facilement.
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