Glamour Attitude -Titre original : Model Behavior.
Connor McKnight travaille dans un magazine "people" à New York, c'est pourquoi il se retrouve souvent dans les soirées mondaines à traquer la star, à l'affût de potins mondains. Il y rencontre un soir son meilleur ami, Jérémy Green, écrivain dépressif et égocentrique à l'humour noir ravageur. Connor vit avec un top model, Philomena qui part subitement en voyage sans laisser d'adresse. Il commence alors à traîner sa déprime de boîtes en boîtes, d'endroits branchés à endroits branchés, tentant entre autre d'entrer en contact avec la star de cinéma Chip Ralston qui lui a promis une entrevue. Dans le quotidien new-yorkais de Connor, il y a sa rédactrice en chef, sa soeur anorexique et brillante, obnubilée par les malheurs du monde et amie avec un chirurgien attentionné que le frère déteste. Il y a aussi cette fan, lectrice des articles de Connor, qui lui écrit des emails de plus en plus étranges. Tout ce petit monde de la mode, du cinéma, du show-biz passe le temps comme il peut, profitant de leurs moments de gloire et de richesse et si Connor promène son regard de cynique au-dessus de la mêlée, c'est pour mieux éprouver sa chute, où les amours déçues finissent en pleurs dans le giron maternel.
On pourrait parler de l'histoire très années quatre-vingt-dix d'égoïsmes divers. Comme protégé par la notoriété de son amie du moment, Connor se sent invulnérable dans toute cette faune et regarde les autres d'un oeil expert pour mieux sentir sa propre souffrance :
« Je considère les autres hommes. Tas de pauvres types. En groupe, ils s'enhardissent, ricanent et échangent des clins d'oeil, agitant leur tête cornue avec une nonchalance affectée, mais les solitaires sont aussi timides et solennels que des fans de rock japonais, ne sachant trop que faire de leurs mains ou de leurs muscles faciaux. Ils sont, en un mot, ridicules. Et je suis l'un d'entre eux. »
Il faut préciser que la boîte de strip - où il rencontre la divine Pallas - n'a d'autre nom que le Mont Olympe, l'endroit où les hommes devraient se prendre pour des dieux comme Chip Ralston, la star qui accable Connor de son indifférence et qui permet au narrateur de dire tout le bien qu'il pense d'icelui :
« ...il se goinfre toute la gloire, tout le pognon et toutes les nanas qui dans un monde plus juste iraient à des gens qui en sont plus dignes. »
Jérémy, l'écrivain, a d'autres problèmes pour écouter les plaintes amoureuses de Connor et ses réactions comme ses réflexions participent à la touche tragicomique du roman :
« C'est toi qui vis avec une cover-girl, mon salaud, moi, je n'arrive même pas à récupérer mon chien. »
D'autres détails ou protagonistes jalonnent la narration de ce microcosme new-yorkais. On y croise de "vraies" célébrités tel Liam Neeson et sa compagne du moment, de "vraies" pollutions sonores telles que le fameux "Do Ya Think I'm Sexy" de Rod Steward diffusé dans les ascenseurs.
La narration comporte plusieurs chapitres courts qui s'enchaînent de façon plus ou moins chronologique, l'auteur s'autorisant quelques retours en arrière ou des inserts telles les histoires que racontent les protagonistes ou les délires imaginatifs de Connor sur son avenir et ses désirs de vengeance. En ce sens, Connor utilise la méthode que Jérémy appelle la version ''si'', la version "ça aurait pu se passer comme ça", une vie imaginée comme une auto parodie de l'auteur qui fait apparaître son nom dans une critique du livre de Jérémy :
« ...je ne peux envisager avec effroi l'éventualité d'un hommage de
Jay McInerney à «
Feuilles d'herbe » de
Walt Whitman. »
La multiplication des supports (narration, bouts de lettres, critiques, conversations, emails...) et les chapitres courts empêchent non seulement l'ennui mais décrivent, à mon sens, efficacement la vie trépidante de New York et des personnages qui la peuplent ici.
Jay McInerney m'a paru un romancier moderne et très intéressant qui sait, à partir d'une histoire somme toute, banale rendre le récit à la fois fluide, intelligent, plein de verve et d'humour. J'ai adoré ce ton détaché mais aussi ces descriptions un peu impressionnistes de New York "comme on voit dans les films", par exemple ces patineurs et le sapin, à Noël au Rockefeller Center.