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Critique de nadejda


J’ai su dès le début que j’allais aimer ce livre avec, à la première page, la vision de cette femme qui pédale dans Paris le long du quai de Valmy et dont chaque inspiration est pleine de celui qui l’a quitté. Tout ce qui l’environne lui offre, sans que sa volonté y prenne part, des réminiscences de son mari décédé Grigori, « Chacune des milliers d’actions minuscules qui se déroulent autour d’elle trouve un écho dans ce qui fut leur histoire. »
« Voilà les petites consolations que la mort procure . Son mari parvient toujours à tourner la clé pour ouvrir une chambre inconnue au fond de son coeur. »

On comprend tout de suite en poursuivant la lecture que Paris c’est après, des années après ce mois d’avril 1986 qui verra l’explosion d’un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl ; une explosion qui va bouleverser la vie de tous à des degrés et dans des directions différents, en provoquant des rencontres et aussi des séparations improbables auparavant.

Et c’est aussi toute la société russe, le régime dictatorial installé depuis 70 ans qui est en train, comme le réacteur de se lézarder et s’écrouler progressivement avec l'apparition d'une violence larvée à laquelle chacun est confronté : Maria dans l’usine où elle travaille, Evgueni son neveu, enfant différent, habité par la musique qui est persécuté à l’école, Grigori qui va soigner ceux que les radiations ont atteints dans leur chair, la mère de Artiom et Sofia, contrainte de quitter sa maison qui se trouve dans la zone irradiée, dont le mari comme bien d’autres sera emmené sans qu’elle puisse savoir où …

L’auteur a l’art de nous faire pénétrer au coeur des êtres, des coeurs souvent malmenés à cause de la douleur de la perte d’êtres aimés mais aussi perte de leurs rêves broyés par cette société où la peur, le soupçon pendant des dizaines d’années ont été érigés en principe de gouvernement, ont imprégné leur quotidien divisant amis et familles, perte de leur enfance… Et malgré tout c’est la violence qu'il va traverser, un soir où il aurait du se produire pour la première fois en public, qui va permettre à Evgueni l’enfant prodige de dépasser enfin les contradictions qui le déchiraient pour se consacrer pleinement à la musique.
Violence aussi du silence qui entoure tout ce qui est arrivé à Tchernobyl.

L’un des textes cités en épigraphe est un excellent raccourci de l’ensemble du roman :
« Tout ce qui est solide, bien établi, se volatilise, tout ce qui était sacré se trouve profané, et à la fin les hommes sont forcés de considérer d’un oeil détrompé la place qu’ils tiennent dans la vie et leurs rapports mutuels. »
Karl Marx, Friedrich Engels, « Le manifeste communiste ».
(Oeuvres. Economie I, Gallimard La Pléiade 1965 p 163-164)

Energie et lumière baigne ce livre : énergie et lumière semeuse de mort, dégagée par l’explosion du réacteur de la centrale mais aussi énergie et lumière qui émanent d' êtres rares tels que Maria, tante d'Evgueni, Grigori chirurgien, Nadia mère courage généreuse et d'autres qui se croisent, s’entraident et luttent pour préserver la vie ; énergie et lumière qui les enveloppent, les protègent au milieu des souffrances qu’ils traversent. Et c’est ce mélange violent et beau qui fait de « Tout ce qui est solide se dissout dans l’air » un roman inoubliable.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Belfond qui m’ont offert là une lecture bouleversante.




Lien : http://www.babelio.com/livre..
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