Délaissons les verts pâturages, les charmants murets de vielles pierres délimitant les parcelles d'herbe grasse, les feux de tourbe brûlant dans l'âtre, les flammes jouant de ses reflets sur la mousse de notre pinte...
Bref... Voyons un peu la lutte. Pardon. LA LUTTE. Renvoyer les Anglais colonisateurs chez eux, en plusieurs fois s'il le faut.
Les troubles comme l'on disait.
Le versant noir de la riante contrée.
Quelle époque. Belfast en 1980 ! Une ville où les catholiques du cru et les protestants venus de l'Angleterre honnie se ramassent pour prendre de l'élan et se sauter à la gorge !
Sean Duffy, le héros de ce roman génial qu'est
UNE TERRE SI FROIDE, est catholique et travaille pour la police de Belfast. Il est donc tout à la fois un collaborateur pour les catholiques tendance lutte armée et un traître potentiel pour les forces de l'ordre qui prennent leurs directives de Londres.
Personnage ô combien attachant que ce Sean Duffy qui trouve une saine distance pour envisager le bourbier qu'est devenu son pays où les hommes (les femmes sont à la maison à torcher les gosses, repasser et autre saines taches ménagères) de chaque camps s'affrontent à grands coups de visions binaires, d'un manichéisme d'école, à grandes volées de slogans accompagnées de bombes remplies de clous et de vis, d'arrestations arbitraires et une injustice, une ségrégation institutionnalisée.
Sean Duffy qui serpente entre l'IRA, guérilla insurrectionnelle qui n'oublie pas de vaquer à ses petites affaires et fait cracher une protection coûteuse aux commerçants du quartier et les autorités britanniques brutales, partiales, d'une incompétence grotesque, premières recruteuses de l'IRA.
UNE TERRE SI FROIDE est un instantané saisissant d'une ville en état de siège, coupée en deux et irréconciliable.
Et d'un conservatisme. Ouch... Enquêter sur la mort d'homosexuels n'est pas une priorité. Des invertis ! Ils ont bien mérité cette fin abrupte, un châtiment divin voilà. Dans une pays où l'identité catholique est exacerbée pour faire pièce au protestantisme Britton, l'ouverture d'esprit n'est pas la qualité première de certains de ses habitants. Les homos promis à tous les cercles de l'enfer, plusieurs fois ; l'avortement s'apparente à un meurtre de masse, un pays d'aimables arriérés comme le dit l'écrivain irlandais
Robert McLiam Wilson.
Adrian McKinty Peint admirablement cette île de douleurs et de contradictions mais n'oublie pas de mener un suspense policier haletant, mêlant de manière magistrale, la grande histoire et la petite investigation.
Se gardant de toutes opinions tranchées, n'épargnant pas les manoeuvres crapoteuse de l'IRA qui sous couvert d'une cause appelant à l'insurrection, à la Révolution, ni l'intransigeance invraisemblable, criminelle et pas si impitoyable finalement de Margaret Tatcher et du gouvernement britannique. Pov'
Bobby Sands et ses compadre de la prison de Maze, pions de négociations secrètes...
Excellent livre, qui dépote, addictif. L'on s'attache aux pas de Sean Duffy, boule de discordances, homme juste mais ambitieux qui se réjouit secrètement d'avoir enfin une affaire qui le sorte de son ordinaire. Dans un style direct mais travaillé, avec un humour corrosif, d'un noir très Irlandais pour le coup,
Adrian McKinty réussit un coup de maître et nous donne un roman foutrement réussi. Loin, très loin, des images d'Épinal mais d'une sincérité sans faille :
"– L'Irlande du Nord n'a jamais connu de tueur en série, m'oppose-t-il.
– C'est vrai. Quiconque ayant ce genre de dispositions aurait pu rejoindre un camp ou l'autre. Torturer et tuer à loisir tout en défendant la “cause”."
Ah...
La Cause !
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