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Critique de Arakasi


Un matin, Duane Moore, modeste entrepreneur quinquagénaire de la petite ville texane de Thalia, est pris d'une étrange lubie. Alors qu'il s'apprêtait à prendre place dans son pick-up - le véhicule indispensable de tout bon texan - il décide soudain de se rendre à son travail à pied. Rien de bien méchant, trois ou quatre kilomètres de marche, pas plus. Mais l'entourage de Duane ne voit pas du tout les choses de cette façon. A Thalia, personne, absolument personne, ne se déplace à pied s'il peut faire autrement. Karla, son épouse, monte immédiatement sur ses grands chevaux : il est évident que son mari s'apprête à la quitter !

Le reste de la ville préfère miser sur une crise de démence inoffensive que l'on espère passagère. D'autant plus que l'intéressé persiste et signe. Il continue à marcher, méprisant tout moyen de transport autre que ses jambes, évite au maximum sa famille inquiète et envahissante, se désintéresse complètement de son entreprise… Un ami bien intentionné pense avoir trouvé la solution de ce curieux mystère : Duane doit être dépressif, cette curieuse maladie qui, comme chacun le sait, n'atteint d'habitude que les yankees. Duane ne se sent pas particulièrement dépressif - d'ailleurs, c'est quoi, une dépression ? - mais, poussé par un mélange de curiosité et d'ennui, il accepte de voir une jeune psychanalyste venue de Boston.

Ce qui me frappe toujours chez Larry McMurtry, c'est la profonde bienveillance qu'il manifeste vis à vis de ses personnages. Il ne les ménage pas pourtant, ne nous épargne aucun de leurs défauts ou de leurs faiblesses, mais il ne les juge jamais, préférant les laisser évoluer en toute simplicité. D'autres écrivains auraient pu regarder de haut les “bouseux” plutôt bas-de-plafond de Thalia, mais McMurtry ne leur manifeste ni mépris, ni répulsion. Il les comprend, les prend en empathie et fait d'eux des humains à part entière, pauvres héros d'une pauvre Amérique, mais aussi dignes d'intérêt que des brillants journalistes de New York ou des politiciens de Washington.

Avec “Duane est dépressif”, il signe une oeuvre très touchante, portrait d'un homme d'une gentillesse et d'une bonhomie confondantes, découvrant à l'aube de la vieillesse qu'il a oublié de vivre sa vie, et de son entourage, tout aussi paumé que lui. On y retrouve la mélancolie tempérée d'humour noir qui caractérise l'ensemble de son oeuvre, avec toujours un fond d'optimisme et de tendresse qui évite au récit de devenir justement trop “dépressif”. le roman a beau daté d'une vingtaine d'années, je pense que sa lecture reste indispensable pour comprendre, sans acrimonie, une certaine Amérique perdue et dépolitisée - je ne parle même pas de celle qui a porté un excité misogyne et raciste au pouvoir, mais de celle, trop souvent oubliée par les médias et les romanciers, qui a laissé la chose se faire, par découragement, indifférence ou incompréhension.
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