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Critique de Arakasi


Nous sommes en 1880 dans une petite bourgade poussiéreuse et à moitié abandonnée du nom de Lonesome Dove, située à l'ultime frontière entre le Texas et le Mexique. C'est là qu'Augustus McCrae et Woodrow Call, tous deux ex-texas rangers, ont pris leur retraite dans l'espoir de terminer leurs vieux jours loin des sifflements des flèches des indiens et des balles des pistoleros mexicains. Ils n'avaient malheureusement pas prévu un détail : la retraite, c'est chiant à crever… Voici donc nos deux cowboys sexagénaires en train de tromper leur ennui du mieux qu'ils le peuvent ; le premier en buvant bouteille sur bouteille affalé sous le porche du ranch, tout en philosophant à l'intention des deux cochons de la propriété, et le second en se tuant au travail pour combler le vide de ses journées.

Dieu merci, un beau matin, l'aventure vient de nouveau frapper à leur porte sous la forme d'un ancien camarade, Jack Spoon, poursuivi pour le meurtre accidentel – et vraiment très stupide – d'un dentiste, qui parvient à les convaincre de se lancer dans une expédition hors-du-commun : rassembler plusieurs centaines de têtes de bétail et traverser tout les Etats-Unis pour atteindre les immenses plaines récemment colonisées du Montana, véritable paradis pour les éleveurs. Une expédition complètement démente ? Oh que oui ! Car des milliers de kilomètres séparent la frontière sud des Etats-Unis du Montana, des déserts à traverser, des fleuves déchainés à franchir, des montagnes à contourner… Et ceci sans compter que le Montana est encore hanté par des centaines de tribus indiennes renégates et peu soucieuses d'abandonner si facilement leurs terres à l'homme blanc. Mais il en faut davantage pour décourager deux vieux lutteurs malades d'ennui : ni une, ni deux, ils vont rassembler bétail, chevaux et hommes et se lancer dans le dernier et le plus périlleux voyage de leurs vies déjà bien remplies.

Peu de romans ont mérité leur définition de « western crépusculaire » autant que « Lonesome Dove ». C'est bien un monde en train de mourir que vont traverser Augustus McCrae et Woodrow Call, un monde où les bisons ne subsistent plus que par petites bandes éparses, où desperados et indiens ont presque disparu, où les grands espaces vierges se font de plus en plus rares, dévorés petit à petit par les villes des colons, un monde où les vieux rangers n'ont plus vraiment leur place… Et, ironie ultime, ce monde-là, ils ont amplement contribué à le créer en défendant pendant des dizaines d'années les colons texans contre les foudres des Comanches et des bandits ! Comme le dit avec humour noir et amertume l'acerbe Augustus : « Nous nous sommes battus dans le mauvais camp. Nous avons tué tous les gens qui rendaient ce pays intéressant… »

« Lonesome Dove » est-il pour autant un roman déprimant ? Que nenni ! Car si le contexte est sombre, le roman lui-même est plein de vie, de flamme et de verve. Grâce à son style délicieux, plein d'humour et de sensibilité, Larry McMurtry parvient à nous immerger jusqu'au cou dans cette fabuleuse aventure. Malgré leurs nombreux défauts, ses personnages sont si merveilleusement typés, profonds et attachants que l'on peine à les abandonner à la fin du roman : on les aime tous ! On aime Augustus McCrae, cowboy jouisseur, désinvolte et incorrigible bavard, capable d'assommer ses malheureux camarades d'interminables monologues jusqu'à que mort s'ensuive. On aime « le Capitaine » Woodrow Call, meneur d'homme né mais si allergique à la compagnie de ses semblables qu'il ne supporte pas de dormir à moins d'un kilomètre de distance de leur campement. On aime le petit Newt, jeunot plein de bonne volonté et béant d'admiration devant tout et n'importe quoi. On aime le cuisinier mexicain Bolivar et son tisonnier, Deets, Dish Bogget, Pea Eye... Et comme la gente féminine n'est pas négligée dans ce monde de gros durs virils, on aime aussi Lorena, la belle prostituée lancée dans sa recherche désespérée d'une vie meilleure, on aime Clara, la dulcinée à forte tête d'Augustus, et bien d'autres !

En leur compagnie, on a respiré les nuages de poussière soulevés par des milliers de sabots, on a traversé à poil des fleuves sous une averse de grêlons, on a affronté des nuées de sauterelles, des blizzards, des grizzlis… On a sué, ri et pleuré. En vérité, cela faisait longtemps que je n'avais pas éprouvé tant de pur plaisir à la lecture d'un roman d'aventure. « Lonesome Dove », c'est beau, c'est grand, c'est vibrant. Ca vous fait sourire et vous tord le coeur à la fois : mangez-en !
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