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Critique de berni_29


La sacrifiée du Vercors est un roman noir de François Médéline, qui nous plonge d'emblée dans les heures les plus sombres de notre Histoire de France.
Nous sommes le 10 septembre 1944 dans le Vercors.
Le hasard de cette fin de guerre et des traumatismes qui déjà s'exacerbèrent à l'intérieur du pays amènent à une scène de crime deux personnes qui ne se connaissaient pas : Judith Ashton jeune photographe américaine et Georges Duroy, commissaire de police chargé de transférer une collaboratrice notoire.
Ce sont deux trajectoires qui se rencontrent, les événements les happent sur une scène de crime qui vient d'être découverte et voilà qui remet en question l'itinéraire de chacun.
Il s'agit d'une jeune femme du pays, Valérie Valette. On découvrira peu après qu'elle est originaire d'ici, les parents habitant dans un hameau tout proche, mais elle enseigne à Grenoble. Son corps vient d'être découvert au détour d'un fourré, elle a été tondue, violée et assassinée. Elle est issue d'une famille de résistants, son fiancé, qu'on surnomme Petit Louis, est membre des FFI (Les Forces françaises de l'intérieur). Et puis il y a aussi ce personnage d'une stature puissante, charismatique, Chorange, lieutenant-colonel FFI.
On arrête un certain Simeone Fucilla, appartenant à une communauté italienne installée dans les parages depuis plusieurs années, l'homme a eu maille à partir avec la justice dans le passé, ce qui en fait un suspect idéal.
L'intérêt de ce roman ne réside pas trop dans l'intrigue, celle-ci est rapidement dessinée et attendue. Non, c'est ailleurs... C'est plus loin...
Tout d'abord, sur le plan narratif, j'y ai vu une sorte de tragédie antique : unité de temps, de lieu, d'action... J'avoue qu'ici l'édifice est plutôt bien construit et porte le récit, transcende les personnages pour les situer comme sur une scène théâtrale que j'ai pu visionner dans ma lecture. La rencontre de Judith Ashton et de Georges Duroy donne une force et une intensité à la dramaturgie. La scène de vertige dans les falaises du Vercors est d'une tension palpable, d'un érotisme insoupçonné...
Et puis, le mythe du résistant en prend un sacré coup. En effet, l'autre sujet, peut-être moins majeur, pour autant il vient enrichir ce que je viens d'indiquer précédemment, c'est une opposition forte entre deux mondes qui pourraient coopérer, auraient tout avantage à coopérer, mais ne le veulent pas ou ne peuvent pas : d'une part il y a les résistants FFI et d'autre part les policiers comme Duroy, lui-même délégué général à l'épuration. Sur l'événement qui est au coeur du roman, nous observons que l'intérêt de la nation et celui de la justice divergent à ce moment de l'Histoire.
Ici, dans cette journée du 10 septembre 1944, se retrouvent la France qui a collaboré et les résistants de la dernière heure. Pour beaucoup ce sont les mêmes. Joli peuple !
L'écriture du récit est sèche, nerveuse, cherche à tenir à distance toute émotion. C'est la force du texte.
Le récit traite avec habileté de la complexité de l'époque, à hauteur d'homme, sans lyrisme, sans émotion. Il nous confronte à un dilemme. Qu'aurions-nous fait à leur place ?
Je pense que c'est tout un art de faire entrer la complexité de l'Histoire dans si peu de pages. Mais, nous dit François Médéline, cette histoire nationale qui recèle des tas de zones d'ombre est aussi le fondement de notre histoire contemporaine.
Je pense que, rares sont les livres qui traitent de l'épuration, des femmes tondues... En général les livres sur la seconde guerre mondiale sont principalement sur les déportations, ou traitant des « héros », de la libération. Ici nous entrons dans l'envers du décor de la libération...
C'est une terre sacrifiée décrite ici, un sentiment d'abandon évoqué dans le roman. Il n'y a pas de vérité dans l'instant. Chacun a sa propre vérité.
Ici l'idéal héroïque est bousculé. Si vous avez dans votre famille quelques vieux grincheux qui se revendiquent le qualificatif de résistant, je vous invite à les passer au crible pour voir ce qu'ils ont vraiment dans le ventre... Ici François Médéline désosse l'histoire. Vu leur âge, il s'agira peut-être d'interpeler leur descendance...
Je remercie Babelio et les Éditions 10/18 d'une part pour l'envoi de cet ouvrage et d'autre part pour ce webinaire qui m'a permis de rencontrer l'auteur et d'échanger avec lui.
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