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Critique de SZRAMOWO


Dans ma chronique de la Sacrifiée du Vercors, j'écrivais :
Le style de François Médeline est remarquable. Il propose un roman court de 174 pages, se démarquant de la tendance à écrire des romans de 250 à 300 pages voire plus, contenant souvent des longueurs…
Encore une fois, à partir de faits historiques avérés, (les bordels dans les camps de concentration et le retour de parents juifs rescapés cherchant à récupérer leurs enfants confiés à des familles ou des institutions catholiques), l'auteur construit une histoire plus que crédible et fait revivre l'atmosphère de la période de l'après guerre en France. Une période peu glorieuse où s'affrontent encore (pas toujours à fleurets mouchetés) les tenants de la collaboration, reconvertis en notables, et les supposés vainqueurs de la guerre, privés de leur victoire.
Un jeu de dupes dans lequel ne se reconnaissent pas les victimes.
François Médéline comme dans son précédent roman dresse un portrait très juste de femmes brisées par la guerre.
Rachel Schwarz, une prostituée juive de Pigalle dont la fille Elsa a été confiée à un couvent de religieuses dans la région de Grenoble. Monique Rozier, une résistante de la première heure, retirée d'un monde qu'elle ne comprend plus. Natacha une femme russe mariée à un salarié agricole de la région du Vercors qu'elle a connu lors de leur captivité en Allemagne. Louise Delhomme qui ne se remet pas de la mort de son fils tué au combat.
L'histoire commence lorsque l'inspecteur Michel de la brigade de Lyon se présente à la gendarmerie de Crest pour enquêter sur le meurtre des époux Delhomme et la disparition de leur fille Juliette, 11 ans.
L'inspecteur surprend. Il se déplace à vélo. Il prie. Se prend de sympathie pour les témoins qu'il interroge. Semble suivre une logique qu'il est le seul à comprendre.
C'est au travers de son enquête que l'auteur tisse petit à petit les liens entre les différents personnages, pendant la guerre et l'après guerre.
Le talent de François Médéline est de créer une grande confusion, égale à celle que semble connaître l'inspecteur Michel, sans pour autant dévoiler au lecteur les secrets qui se cachent derrière chacun des personnages.
Il délivrera le lecteur seulement dans les dernières pages.
L'écriture est courte, hachée, brutale, ne s'embarasse pas de détails, mais donne la part belle au ressenti et au comportement des personnages :
"L'inspecteur la renifle. Il invente une odeur de patchouli et de vanille alors qu'elle pue la sueur et la lessive."
"Marc Escoffier l'enlace et lui pose un baiser dans le cou."
"Je t'ai dit d'être gentil. Ca va bien se passer. Eteins cette cigarette et tiens toi tranquille."
"Ca sent l'humus, le bois, et c'est dans ce genre d'endroit que les hommes ont inventés les vampires et les cannibales."
"Monique Rozier pleure, elle essuie sa morve sur la manche de son chandail."
"J'étais pas Joséphine Baker, non. Mais j'en avais dans le ventre."
Encore une fois BRAVO pour ce roman construit avec intelligence, donnant des clefs de lecture sur une période et des faits qui sont restés largement tabou jusque dans les années 1990 comme il est précisé dans la notice historique en fin d'ouvrage.
Notice historique qui donne une bibliographie et des données précieuses sur l'éducation d'enfants juifs soustraits à la déportation par des institutions catholiques ou protestantes. L'affaire Finaly est citée. de même sont citées des personnalités comme Boris Cyrulnik, Saül Friedlander ou André Glucksman qui ont fait partie de ces enfants rescapés.
L'autre fait historique sur lesquel repose la fiction de Médéline est la création de Bordels dans les camps à l'instigation de Himmler, dès 1942. Deux ouvrages sur le sujet sont référencés.
Pour résumer, un roman réussi qui s'empare de sujets sensibles restés longtemps tabou et propose une fiction permettant au lecteur de découvrir une période de l'histoire française.
Merci M. Médéline !
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