Dans une cahute d'un bidon-ville,
El Duke se planque. Et sa vie lui revient dans une succession de flashes.
Ouvrier d'usine, tueur des abattoirs, aventurier dans le Sud, boxeur, homme de main puis exécuteur d'une mafia,
El Duke est de ces êtres « que nul n'a le courage de tirer au clair ».
Sombres, âpres, dérangeants, sans la moindre concession,
El Duke d'
Enrique Medina décrit l'Argentine des perdants, de ceux qui sont tout au bas de l'échelle sociale. Des gens durs, qui vivent des vies pénibles et ne voient la plupart du temps pas d'autre échappatoire que la débrouille et l'exploitation de ceux qui sont encore plus faibles qu'eux.
Chez Medina, les pauvres sont victimes mais pas aimables. Ils sont exploités mais ne revendiquent rien, ils se contentent de se battre pour s'en sortir. Tous les moyens sont bons, et tant pis pour ceux qui se trouvent sur leur chemin. C'est la misère totale, financière, culturelle et morale, dans toute sa brutalité.
L'écriture d'
Enrique Medina est au diapason, aussi rude et dure que ce qu'elle décrit. Ses romans sont autant de gifles.
Avec cette chronique de l'ignominie dont
Enrique Medina s'est fait l'écrivain. récit explosé, ponctué d'interviews, d'extraits de combats, de saynètes d'atrocité, autour d'un monologue intérieur au gré de la mémoire,
El Duke tendait à la dictature militaire argentine et à ses escadrons de la mort le miroir de leur abjection.
La junte ne pouvait qu'interdire ce livre, ces « mots faits de chair, quand le prix à payer pour une telle témérité était la mort ».
Un auteur à découvrir impérativement, déconseillé quand même aux âmes trop sensibles, et à ceux qui veulent garder quelque illusion sur la nature humaine.