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Critique de SZRAMOWO


Merci à Babelio et à Flammarion, de m'avoir choisi pour cette masse critique privilégiée en m'adressant l'ouvrage de Mégevand.
Nous sommes le 15 août 2018 et je peux donc, ainsi qu'il m'a été recommandé, publier ma chronique.

La bonne vie, titre emprunté au poème de Roger Gilbert-Lecomte qui figure en fin d'ouvrage, propose un récit de la vie des « Phrères simplistes » fondateurs du journal mythique le Grand Jeu (4 numéros parus entre 1928 et 1932).
Quatre jeunes gens dans Reims dévastée par la guerre, Roger Gilbert-Lecomte, René Daumal, Roger Vailland et Robert Meyrat, vivent leur ennui et leur détestation de l'ordre moral en repoussant sans cesse les limites que la bienséance tente de leur imposer.
Dada et la pataphysique, Rimbaud, l'Orient, Mallarmé, Nerval, Lautréamont, Baudelaire et Huysmans, sont leurs sources d'inspiration. Ils veulent « fuir les petits-bourgeois et les écoles de commerce, fuir la petite femme et les amicales du dimanche, fuir la pie et le tapis moelleux, la messe et le 14 juillet. Mais pour fuir il faut passer son bac (…) avec à l'horizon leur diplôme comme porte de sortie. »
Les quatre « Phrères » vivent leur vie la nuit à Reims entre le parc de la Patte d'Oie et le dancing de l'Aquarium. Alcool, opium, partie de roulette russe avec le 6.35 d'un ami de Meyrat ; au fond rien de bien original par rapport à leurs prédécesseurs, dans la recherche de « Cette mort qu'on sollicite, qu'on toise et qui ne vient pas comme si elle s'était défilée (…) »
Seul Roger Gilbert-Lecomte poursuivra sa quête jusqu'à la fin. Meyrat se désistera, Vailland prendra d'autres voies, Daumal l'accompagnera un temps puis finira par abandonner.
Le récit de Mégevand hésite entre la fiction et le documentaire. L'adolescence à Reims des quatre « Phrères » est purement fictionnelle et on y croit, on s'identifie aux héros, on rit, on pleure. Mégevand réussit à s'inspirer des différents documents qu'il cite, (notamment la correspondance de Lecomte parue chez Gallimard en 1971 - j'ai été surpris de ne pas voir dans les sources les 154 lettres entre Daumal et Lecomte parue chez Ypsilon en 2015 -), pour créer des personnages pleins, crédibles, réalistes.
La suite est moins « palpitante ». On voudrait croire à la relation de l'altercation entre Breton, le pape du surréalisme qui récrée selon Roger le dogme d'une église, et Lecomte au bar du Château, aux trips à l'héroïne de Roger, à sa lente descente aux enfers, à sa vie à Paris rue d'Alésia près de la zone. Mais le récit, par souci de vérité historique, est maillé de citations et de références ce qui rend la lecture moins fluide. Seul le style de Mégevand parvient à faire tenir l'ensemble
Il reste l'histoire de deux amis. Roger et René. Mais peut-on rester amis jusqu'à la fin de sa vie ? Sans remise en question ? Sans trahison ?
Personne n'a de réponse à cette question.
Lecomte écrit à Daumal qui le met en garde « Alors c'est toi le salaud du parti des parents, des médecins, de la vie et de la merde… » Tout est dit…
Alors, on garde les souvenirs des années lumineuses, de l'amitié dure et sûre. J'ai emprunté cette citation de Daumal au recueil de correspondances publié par Ypsilon :
« On soupçonne mal comme Roger et moi pouvons rire. (Je me souviens de la stupeur d'un qui croyait connaître Roger et qui ne comprenait pas lorsque, se retournant vers l'arrière de l'auto, nous voyait rire aux anges d'Auvergne.) »
Et celui qui, à ce moment-là, apprenait à découvrir les moult facettes de ses deux voyants-voyous d'amis, c'était Léon Pierre-Quint.
Le livre est dédié à Daniel Darc le chanteur de Taxi Girl et en le lisant le livre, je n'ai pu m'empêcher de faire le lien entre les « Phrères simplistes » et ces idoles mortes à 27 ans, Jim Morrison, Jimmy Hendrix, Paul Kossof. Janis Joplin. Ceux qui quelque part ont voulu éviter la « jaggerisation » ou la « dylanisation »….Comme Lecomte a voulu éviter la « bretonisation »….
Mon avis sur le roman : Un sujet difficile qui a été maintes fois traité. Mégevand donne un éclairage différent, plus contemporain et met son écriture au service de ce qui lui apparait être un hommage indispensable à celui qui écrivit :
« le Grand Jeu est irrémédiable ; il ne se joue qu'une fois. Nous voulons le jouer à tous les instants de notre vie. »

Lien : http://desecrits.blog.lemond..
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