Erickson, hypnose et psychothérapie

... l'ennui est une excellente approche hypnotique. "Raser" quelqu'un, c'est dépotentialiser son esprit conscient ; alors, il se met à rêvasser.

Nous sommes loin des conceptions freudiennes : l'inconscient n'est pas un lieu qui contiendrait de mythiques pulsions de vie et de mort. Erickson ne lui met jamais de majuscule. Le Moi n'est pas ce pauvre qui cherche à se faire sa place, coincé entre un Ca envahissant et un Surmoi tyrannique. Ce découpage de la personnalité est du roman, un roman intéressant mais du roman. Erickson reste "au ras du sol", dans une pragmatique modeste.

Prosaïquement, pour lui, est inconscient en nous tout ce qui n'est pas conscient : c'est immense mais pas infini. Nous ne sommes pas des dieux, mais plutôt des imbéciles de ne pas nous en servir !

Quand on lui demandai si, en thérapie, il faisait toujours de l'hypnose, il répondait : "Une partie de mon temps, j'en fais ; une autre partie, je n'en fais pas ; et le reste du temps, je ne sais pas ce que je fais." Peu importe la technique. Gardons les yeux fixés sur le but. Le but est le changement.

Un mot est comme un scalpel : il guérit, soulage, rend malade ou tue, sauf si l'on ne s'en sert pas, ce qui est improbable.

[...] les patients n'attendent pas d'abord de vous des techniques complexes ; vous pouvez donc commencer une thérapie sans savoir comment vous allez vous y prendre ni où vous devez vous diriger ; si vous ne connaissez pas le chemin, les patients, eux, le connaissent ; partez de la base la plus élémentaire possible et faites-leur confiance, encouragez-les un peu et ils y arriveront ; que toute votre attitude traduise cette confiance fondamentale.

Qu'est-ce que le talent sinon que de coopérer pleinement avec son inconscient ? Tous les grands chercheurs scientifiques, les grands architectes, les grands médecins, les grands politiques, les musiciens, les peintres et les écrivains savent l'importance de cette inspiration soudaine qui les saisit à des moments inattendus. Ce sont d'excellents sujets hypnotiques. La thérapie, aussi, est une création artistique. Le thérapeute doit beaucoup réfléchir et surtout beaucoup dormir.

Ultime paragraphe de la conclusion.

2. « Contrairement aux thérapeutes classiques, l'éricksonien ne "recale" pas un patient parce qu'il juge sa motivation insuffisante et/ou sa résistance trop forte. Il trouve normal qu'elles le soient, parce que, autrement, celui-ci ne serait pas venu consulter. Il prend acte de la motivation et de la résistance telles qu'elles sont, puis il les utilise, canalisant la résistance pour que son énergie serve à porter la motivation à incandescence. » (p. 149)

1. « L'agent thérapeutique n'est pas d'abord le thérapeute mais l'inconscient du patient. Le thérapeute aide celui-ci à relâcher ses efforts conscients pour confier le travail à son inconscient. Ce qu'il communique sont des stimuli pour activer ses ressources inconscientes. L'état hypnotique est un état d'intense activité mentale, extrêmement dynamique et évolutif au gré des variations de la coopération thérapeute-sujet. Il n'est pas une sorte de coma dans lequel on implanterait quasi chirurgicalement des suggestions de guérison à un patient anesthésié […]. C'est un dialogue précis en actions-réponses incessantes. » (p. 71)

... Dans les addictions, en dehors des difficultés propres à chacune, leur est commun le fait que les malades ne considèrent plus la vie que de manière binaire : avec ou sans produit.? La vie "avec le produit" paraît seule attractive ; la vie "sans le produit", terne, banale et morose. C'est un obstacle à la guérison : guérir ne semble pas un but bien "folichon". L'hypnose permet d'abord de réintroduire un confort écologique non toxique, d'une manière personnelle. Elle permet ensuite de réintroduire, en les suggérant, des sensations variées et nuancées dont les malades ont perdu le souvenir : chaud, froid, sucré, salé, amer, faim, repu, ennuyé, satisfait, intéressé, vite, lent, agréable, désagréable, agacé, content, tendre, détestable, etc. C'est une véritable réanimation des sensations sensorielles élémentaires puis complexes, et de la sensibilité affective. Elle permet enfin de traiter un éventuel problème de fond, source de l'addiction et participant à sa pérennisation, par exemple des phobies chez un alcoolique.