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EAN : 9782251200439
272 pages
Les Belles Lettres (22/09/2014)
4.17/5   6 notes
Résumé :
Né à Berlin à la fin du XIXe siècle, Walter Mehring a hérité de son père le respect de la littérature, ainsi que son immense bibliothèque de milliers de livres. Comme son père, il veut croire que le livre et la lecture sont essentiels au progrès, à la compréhension mutuelle et au contentement de l'esprit. Après la Première Guerre mondiale, Mehring devient un acteur de premier plan de l avant-garde européenne. Poète et parolier de cabaret, il créé le mouvement Dada à... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Texte de Walter Mehring.

Dans sa préface, Robert Minder présente avec concision et acuité la nature de cette oeuvre unique : « En même temps qu'évocation d'une société dans ce qu'elle a de futile et d'éphémère, cette Bibliothèque perdue est l'analyse des valeurs qui ont résisté à l'épreuve. » (p. 12)

Pourquoi est-elle qualifiée de perdue, cette bibliothèque ? Hélas, alors qu'il avait hérité de son père une fabuleuse collection d'oeuvres de tous les pays et de toutes les époques, Walter Mehring en a été dépossédé par le Troisième Reich qui l'a faite saisir et brûler jusqu'à la dernière page. Durant sa captivité dans le camp de Saint-Cyprien en tant qu'apatride étranger ennemi, Walter Mehring a reconstitué en souvenirs, aussi précisément que possible, la bibliothèque perdue : dans son cas, comme pour tant d'autres prisonniers des camps nazis, la mémoire fut la seule protection contre l'annihilation et l'effacement de l'humanité.

Alors que Mehring père croyait fermement que la culture et la littérature étaient le meilleur rempart contre la barbarie et les ténèbres humaines, Mehring fils fit l'expérience de l'exact contraire des certitudes de son père. « L'âme d'un peuple – l'âme en tant que symbole, naturellement - s'exprime dans les chefs-d'oeuvre de sa littérature, disait mon père. » (p. 37) Les livres sont en effet un rempart lourd de sens, mais bien fragile aux flammes.

Parcourant en mémoire les rayonnages de la bibliothèque paternelle, Walter Mehring dresse un inventaire riche et éclectique dans lequel les auteurs parlent et se répondent à travers les siècles et les cultures. Ce dialogue du monde et des temps prouve qu'une bibliothèque n'est pas figée quand elle est utilisée et visitée : elle peut être mouvante, vivante, presque sensible. « La vie humaine ne vaudrait pas un fétu si la littérature n'extrayait un peu d'or de sa quintessence. » (p. 112)

Dans son ouvrage, Walter Mehring répond à une question fondamentale : que garde-t-on de son héritage ? La possession des biens est-elle la seule qui compte ? Il apparaît nettement que ce qui nous est donné est véritablement perdu si nous ne le connaissons pas, si nous n'apprécions pas sa valeur et si nous ne regrettons pas sa disparition. « Jamais encore je n'avais possédé ma bibliothèque livre par livre comme en ce moment où j'appris sa perte. » (p. 229) La bibliothèque perdue est une bibliographie, une autobiographie et une histoire du monde dans ce qu'il avait de meilleur. C'est aussi un catalogage érudit et ému qui ne peut que bouleverser toute personne aimant les livres.

Ce texte est immensément alléchant : comment ne pas vouloir lire tous les ouvrages évoqués ? Par plaisir et certainement par masochisme, j'en ai dressé la liste sur Babelio : voilà des années de lecture devant moi !
Lien : http://www.babelio.com/liste..
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Réfugié à Vienne juste avant sa chute en 1938, le poète et parolier Walter Mehring réussit à récupérer l'imposante bibliothèque de son père, restée jusque là à Berlin. Foudroyé en 1915 alors qu'il tenait un volume de "La critique de la raison pure", Sigmar Mehring lègue à son fils une cathédrale de livres, fruit d'une civilisation qui croit au triomphe du progrès et de la connaissance face aux forces de la destruction et de l'obscurantisme.
Dans la première partie, Mehring exhume les titres qui l'ont marqué et qui ont constitué l'ossature de sa propre culture : contes d'Andersen, romans d'aventure, poésie, romans de Melville et de Conrad... Il feuillète pour nous les grands romans du XIXe siècle, de tolstoï à Proust, dernier venu dans la bibliothèque du père. Comme le suggère le très beau sous-titre, il dresse "l'autobiographie d'une culture".
Mais les violences de la Première Guerre mondiale et de la Révolution russe et leurs cohortes de victimes ont raison du positivisme d'Auguste Comte. le fils cède alors aux sirènes du dadaïsme, de la théosophie, des auteurs de la Kabbale. Il préfère les circonvolutions absconses de la poésie de Rimbaud aux doctrines mortifères du XXe naissant.
Ce livre raconte avec des accents tragiques l'engloutissement de la civilisation occidentale dans les autodafés et les pogroms, engloutissement dont Stefan Zweig et Joseph Roth, exilés comme Mehring, ne se remettront pas.
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Citations et extraits (11) Voir plus Ajouter une citation
Partout, Tolstoï flairait "la présence de Lucifer", dans le brouillard matinal chargé de soufre, dans l'encens diabolique d'une "Église universelle du socialisme panslaviste". D'ailleurs, un aussi sombre personnage se trouvait effectivement à l’œuvre, un de ces "staretz" "dont le pouvoir vous vide jusqu'à la moelle de toute volonté", son rival : Fédor Dostoïevski, qu'il évita de rencontrer sa vie durant et auquel il survécut près de trente ans, mais qui dans notre monde actuel eut sur lui le dessus. Car c'est dans ce monde que la destinée de la famille Karamazov s'est confirmée. Les reptiles se dévorent entre eux.
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Ce qui sommeillait, domestiqué, au fond de la Bibliothèque, dans les légendes du passé et les contes pour enfants, soudain reprenait sang et force. (...) Walter Mehring a flairé le monstre avant bien d'autres. L'éducation du père lui avait donné une compréhension des faits sociaux rare chez l'intelligentsia allemande d'outre-Rhin.
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Que cette époque réapprenne à chanter
Les bonnes chansons méchantes, sarcastiques
-Même si n'en avions ni le cœur ni l'esprit-
Un défi rien qu'à vous !

Et que nous chantions jusqu'à vous atteindre-
Et qu'un coin s'enfonce dans ce grossier billot !
Et allège un peu le poids sur nos cœurs !
Et à nous un défi ! Et à vous un défi !
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Chaque nouvelle expédition guerrière augmentait sa communauté mendiante des "pauvres en esprit" depuis que les premiers bastions contre la barbarie étaient tombés, Vienne, Prague et l'Espagne en partie ravagée.
Dans cet écroulement de l'Occident et de sa morale judéo-chrétienne, de son esthétique hellénique, seul le titubant rêveur gardait l'équilibre, comme un matelot à bord du "bateau ivre" sait s'accoutumer au rythme marin.
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Le pronostic médical le plus exact fut exprimé par Jacob Burckhardt, professeur d'histoire à l'Université de Bâle : " Les conditions de la vie en Europe peuvent être, en l'espace d'une nuit, atteintes d'un brusque processus de pourrissement et ce qui, actuellement, figure encore en tant que forces positives durables révélera soudain une faiblesse mortelle."
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