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Critique de VincentGloeckler


Comédie noire bien troussée, doublée d'une satire sociale pimentée, Gog Magog (Actes Sud, mai 2021) est un nouvel exemple du talent de Patricia Melo, appliquant une recette depuis longtemps éprouvée pour cette dernière peinture de moeurs brésiliennes. Un professeur de biologie vit dans son appartement un enfer depuis l'installation d'un nouveau voisin à l'étage du dessus. Musique tonitruante, vibrations stridulantes de diverses machines, toc-toc-tocs agressifs des pas sur le parquet, rires détonants en cascades, bruits de copulations très pénétrants…, le voici victime désormais d'un vacarme permanent. Et rien ne semble pouvoir arrêter ce tsunami de pollution sonore : ni cris d'indignation, ni coups de balais au plafond, ni même visites timides et, bientôt, plus brutales, au voisin pour lui demander de baisser le volume de la cacophonie ! La haine grandit, et quand une guerre ouverte se déclare entre les deux étages, que la chatte disparait, peut-être victime des mauvaises intentions du voisin, quand, enfin, la poussière de plâtre résultant des derniers coups donnés au plafond pousse sa femme à parler de divorce, le professeur ourdit un plan machiavélique… Une histoire bien vacharde, à l'image de celles d'Enfer (2001) ou de Monde perdu (2008), deux des précédents succès de Patricia Melo, un texte où la verdeur du langage, le goût de la formule qui claque, distillent l'humour dans chaque page, mais surtout un roman qui dénonce, une nouvelle fois, les multiple travers de la société, devrait-on dire du chaos brésilien : lutte des classes exacerbée qui inscrit sa trace dans le paysage urbain, mal-être de professeurs vivant dans la terreur des réactions d'élèves qui ont toujours l'insulte à la bouche et les armes à la main, individualisme forcené des uns et des autres dans une société sans autres règles que celles du néolibéralisme, insidieuse pollution des esprits par les théories évangélistes, racisme toujours rampant, justice arbitraire et corrompue, prisons mouroirs ou palaces, selon qu'on est puissant ou misérable… Qui se plaindra qu'au pays de Bolsonaro survivent encore quelques belles plumes rebelles, comme Patricia Melo ?
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