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J'aime beaucoup la littérature anglaise et  Virginia Woolf  y tient une place particulière par son écriture, profonde, précise, ciselée, par sa personnalité, fascinante, intrigante, à multiples facettes et mystérieuse. Donc j'ai eu très envie de découvrir ce deuxième roman de Fiona Melrose qu'elle a composé à la manière de Virginia Woolf pour Mrs Dalloway, ce beau roman à la forme si particulière dans lequel on suit Mrs Clarissa Dalloway dans Londres à la recherche de fleurs pour la décoration de la réception qu'elle donne le soir mais qui est surtout un récit de pensées des différents personnages qui vont prendre tour à tour la parole pour non seulement parler de ce qu'ils vivent mais aussi de leurs sentiments profonds, intériorisés, forme connue sous le nom de flux de consciences.

Fiona Melrose s'est largement inspirée (voire calquée) sur l'oeuvre de Virginia Woolf en la transposant en Afrique du Sud, son pays natal, à Johannesburg, le 6 décembre 2013, le jour du décès de Nelson Mandela. Depuis plusieurs jours l'annonce de sa mort est attendue, la ville retient son souffle et c'est le jour où Gin (diminutif de Virginia...) organise une fête pour les 80 ans de sa mère Neve, fête organisée contre sa volonté. La relation entre les deux femmes est tendue, mère et fille sont très différentes et ne se comprennent plus depuis que Gin est partie vivre aux Etats-Unis afin de pouvoir exercer son métier d'artiste, en toute liberté et surtout mener la vie qu'elle souhaite, libre, loin du regard de sa mère et d'un pays où elle étouffait.

C'est le récit de cette journée très particulière pour le pays mais aussi pour les différents personnages et le roman se découpe en chapitres reprenant les différents moments de cette journée qui restera à jamais marquée par le décès de Madiba, nom tribal et affectueux de tout un peuple pour ce guide charismatique. L'auteure opte pour des personnages aux noms assez similaires à son modèle : September (pour Septimus), un sans-abri noir, bossu, blessé lors de manifestations répressives, Peter Strauss (pour Peter Walsh), avocat, ami et soupirant inconsolable de Gin, Richard (pour Richard) allant jusqu'à évoquer la tante de Gin, Virginia, à qui elle doit son prénom et qui s'est suicidée en se noyant (comme Virginia Woolf) :

"Qu'est-ce que ça faisait de perdre sa raison d'être dans le monde que vous aviez vous-même créé ? Tante Virginia avait eu une meilleure idée. Elle avait marché dans la mer à Plettenberg Bay, vêtue de sa robe du soir à paillettes. Elle avait toujours été une drôle de vieille chose (un visage d'oiseau -, mais mariée, elle, et non pas seule. C"était si loin, à présent. (p67)"

Fiona Melrose donne à Johannesburg le rôle principal comme Londres et Big Ben rythmaient les heures de la journée de Clarissa Dalloway : la ville et ses habitants vivent à l'unisson d'un événement mais avec des préoccupations différentes, dans la chaleur écrasante, chacun marqué par la perte de l'homme qui voulait faire disparaître les différences de couleur, qui a redonné espoir à tout un peuple, chacun voulant passer à la Résidence pour lui rendre un dernier hommage.

Mais au-delà de l'événement il y a, avec le retour pour quelques jours de Gin, dans son pays natal, les pensées, ressentiments, souvenirs de chacun, leurs destins se croisant à nouveau : Gin, Peter, Richard, Neve, Mercy (l'employée noire de Neve), Duduzile (la soeur de September), Juno (la chienne) et September qui sera le lien entre tous, lui l'homme blessé, humilié, voulant dénoncer les erreurs commises par la Société Diamond, qui emploie Peter et Richard, et qui n'hésite pas à réprimer les manifestations par la violence.

Chacun vit cette journée à sa manière, plongé dans ses pensées, ses occupations mais, comme dans le roman modèle, il y a la confrontation entre intériorité de chacun et regard des autres sur la même personne, sur les événements. Nous ne sommes pas toujours ce que les autres pensent que nous sommes, nous ne percevons pas tous de la même manière les faits.....

On y retrouve les thèmes chers à Virginia Woolf : la nature et en particulier dans Johannesburg les agapanthes (comme sur la jaquette de couverture), les atmosphères, le climat se mêlent aux sentiments de chacun. L'accent est mis sur une journée qui aurait pu être ordinaire et qui devient, en raison des événements, une journée hors du temps.

La préparation de la réception d'anniversaire de Neve, la chaleur, le décès de Mandela mettent en avant les différents points de vue des différents personnages : racisme, abus de pouvoir, incompréhension familiale, émancipation, justice.

J'ai pris au final ce roman comme un hommage à la grande dame de la littérature anglaise qu'était Virginia Woolf et il faut malgré tout du talent pour y parvenir. Pour quelqu'un qui n'a pas lu Mrs Dalloway, ce roman offre une approche d'une écriture dite d'ambiance, de climat. Tout est lent, doux, décortiqué, analysé, c'est le récit d'un instant de vie. Pour moi qui ai lu l'oeuvre originale, je l'ai découvert comme un exercice littéraire, et pas des plus aisé et dans l'ensemble que j'ai apprécié, ne cherchant pas à dissimuler son inspiration et je le trouve réussi, actualisé et comme une marque de respect et d'admiration pour son modèle.

Je le recommanderai à ceux qui n'ont pas lu Mrs Dalloway, comme une approche d'un style, d'une écriture, d'une construction, d'un univers qui pourrait les inciter à découvrir Virginia Woolf mais il faut accepter d'entrer dans un récit où les voix sont multiples, se croisent, où il n'est pas question d'actions mais plus d'ambiance, de pensées, de sensations et de ressentis.
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Comment ne pas éprouver une certaine méfiance devant un roman écrit "à la manière de", comme Johannesburg de Fiona Melrose, directement inspiré de Mrs Dalloway de Virginia Woolf ? Et aussi de la curiosité, fatalement, lorsque les souvenirs de ce dernier livre se sont estompés avec le temps. Johannesburg, ouvrage circadien et polyphonique, se déroule le jour de l'annonce de la mort de Nelson Mandela, le 6 décembre 2013. Non que cette triste nouvelle ait un impact sur les différents personnages du roman mais elle permet à Fiona Melrose de créer une atmosphère douloureuse et de rappeler l'histoire récente de l'Afrique du Sud. Ils sont nombreux les protagonistes de ce livre choral et l'auteure passe de l'un à l'autre sans transition, ne consacrant à aucun un chapitre entier. La fluidité du récit en souffre car comme souvent dans ce type de roman car tous les personnages n'ont pas des personnalités égales et la frustration nait de ce que les plus intéressantes ne sont pas aussi développées que le lecteur le souhaiterait. L'équilibre est instable alors même que l'on sent bien que Fiona Melrose souhaite privilégier deux portraits : celui de la jeune artiste "exilée', revenue fêter le 80ème anniversaire d'une mère qui ne la comprend pas et celui d'un sans domicile fixe qui manifeste chaque jour après avoir été blessé par balle. Les pensées les plus intimes de ces deux-là et de quelques autres (dont un chien !) nous sont livrées par le menu et, même si le style de la romancière est remarquable, il y a un moment où ces états d'âme deviennent répétitifs et, surtout, brident sérieusement l'imagination. Difficile, dans ces conditions, si l'on aime plutôt une littérature qui suggère plus qu'elle ne souligne, de prendre un plaisir intégral à la lecture de Johannesburg.
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3 personnes se réveillent tôt, dérangées par le bruit de l'orage. September, un clochard, Gin (Virginia Brandt) de retour au bercail pour les 80 ans de sa mère et Mercy l'employée de maison.

On est à Johannesburg, Afrique du Sud, en hiver et à quelques semaines de Noël. le roman est basé sur une journée et se construit sur les heures successives de cette journée. Je sais dès les premières pages que ce livre va me séduire entièrement. Fiona Melrose sait parfaitement instiller une ambiance.

C'est un jour très particulier qui voit enfler une rumeur : la mort de Mandela. Mandela est qualifié de boussole morale. Est-il déjà mort ? September est persuadé que oui, depuis des mois.

Gin s'appelle Virginia comme sa tante qui était écrivaine. Celle-ci avait une certaine notoriété et s'est suicidée dans l'océan à l'âge de 80 ans.

Gin est peintre. Elle vit à New York. Elle a fui étant jeune adulte pour se réaliser et échapper à la désapprobation de sa mère qui ne la comprend pas. Elle a laissé son amoureux Peter, trop fragile pour la soutenir.

Dans la matinée, alors que sa mère refuse de la voir, Gin sort faire les courses pour la soirée d'anniversaire de sa mère. Elle est oppressée par la ville, les mendiants. Son unique but est d'organiser cette fête qui est si loin de ses conventions à elle.

Ce roman est dramatique. C'est la fin d'un cycle individuellement et collectivement. le parallèle est fait avec la mort de Nelson Mandela, le père de la nation. La mort de September est mauvais signe. On devine à la fin du roman que Peter va changer de vie et défendre d'autres intérêts que les dirigeants de la mine. Soignera-t-il enfin sa blessure suite au départ de Gin, 20 ans plus tôt ?

Les pales d'hélicoptères constants, l'orage qu'on attend, le chien de Neve qui a disparu, Neve qui part dangereusement dans la ville, la ville menaçante, tout est sujet à angoisse. le paroxysme arrive quand l'orage éclate.

Même les personnages secondaires prennent une autre direction, comme Richard qui travaille avec Peter ou Duduzile qui décide de retourner dans sa région d'origine après la mort de son frère, September.

J'ai voyagé dans Johannesburg, j'ai senti le soleil sur ma peau, le manque d'air, vu les quartiers barricadés de maisons opulentes, observé le Diamond (quartier d'affaires). J'ai voyagé plus loin que n'importe quel guide, menée par l'esprit zoulou, entendant l'océan saturé de voix, guidée par l'odeur des frangipaniers.

La fin du roman est un chant d'espoir, d'humanité. Gin est en vie, souhaite vivre, vibre et éprouve de la gratitude, me semble-t-il.
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J'ai aimé ce roman qui m'a bouleversée, et je peine à poster une critique ! Pour quelles raisons me direz-vous ? C'est complexe... et je vais être brève. La présentation de l'éditeur me parait excellente, c'est à souligner, et je ne saurais faire mieux. Mais je n'ai pas lu "Mrs Dalloway" de Virginia Woolf... est-ce un grosse lacune ? J'ai donc abordé "Johannesburg" sans méfiance, ni parti pris, avec en toile de fond des récits de proches ou des lectures d'autres auteurs qui font que ce pays me touche énormément, depuis longtemps. Il m'a fallu un peu de temps pour situer les personnages et leurs activités dans ce roman polyphonique, de construction originale. Il se déroule sur vingt quatre heures, le jour ou l'on apprend le décès de "Madiba", Nelson Mandela, dans cette ville qui donne son titre au roman. le 6 décembre 2013. Je n'y étais pas bien sûr, mais je peux m'en souvenir, ce fut bouleversant.
Les acteurs situés, le rythme pris, il ne m'a plus été possible de m'arrêter et j'ai pris un réel plaisir à cette lecture... les odeurs, les sentiments divers, la violence, l'exil... Ce roman me semble refléter le climat violent et incertain qui règne sur l'Afrique du Sud. C'est pour moi très proche du coup de coeur, et je remercie "Masse critique" et la Maison d'édition "Quai Voltaire" de m'avoir procuré ce plaisir... que vais partager. et conseiller.
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« La poussière et la fumée en provenance des Townships flottaient bas sur l'horizon, et le ciel touché au coeur dégoulinait de pourpre. »

Le 6 décembre 2013, Johannesburg se réveille le coeur gros : Nelson Mandela vient de mourir. Madiba. Tata. le père de la nation. C'est cette journée pas comme les autres que raconte Fiona Melrose dans son deuxième roman, vingt-quatre heures dans la vie de la métropole sud-africaine et d'une dizaine de personnes. Il flotte dans Johannesburg un indéniable parfum de Virginia Woolf, de Mrs Dalloway. Ce roman choral est porté par des voix blanches, noires, riches, pauvres. Des portraits nuancés tissés avec finesse, tendresse, cruauté, qui racontent la société sud-africaine.

Miroir à facettes où chacun se reflète dans l'autre, mélange d'introspection et d'écoulement des heures. La disparition du grand homme a laissé en tous une profonde tristesse. Nkosi. Qu'il soit béni.

Deux figures centrales à ce récit, Gin et September, qui oscillent entre ombre et lumière. Elle, artiste plasticienne exilée depuis vingt ans à New-York, tout juste rentrée pour organiser une fête pour les quatre-vingt ans de sa mère, Neve. Lui, un sans-abri défiguré par les forces de l'ordre lors de la répression d'une grève. Depuis, tous les jours il manifeste devant le siège de la société minière qui l'employait, en réclamant justice. Gin et September sont au coeur de la ville, de sa violence et de son éclat, et autour d'eux, une mère, un amoureux éconduit, une soeur, un ami, un lien, la société, passé et avenir, leurs vies, leurs aspirations, leurs craintes. Chacun combat ses propres démons, sur le fil de la raison et des non-dits.

La polyphonie et la construction du texte sont d'une grande maîtrise. Fiona Melrose a la grâce et la puissance d'une vraie magicienne, des mots et de l'âme humaine (et la traduction de Cécile Arnaud est au diapason, lumineuse). Johannesburg est un roman qui laisse des traces (et qui m'a donné envie de relire Mrs Dalloway).

« Parce qu'un homme n'a plus de barrière protectrice une fois que son âme commence à se déchirer et à s'effilocher. »
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Une seule journée
Une ville
Le roi Madiba meurt
Une nation pleure
Des gens vivent
Des gens survivent.
Certains luttent contre leurs démons intérieurs
D'autres luttent contre le pouvoir, l'injustice.
Il faut tenir l'équilibre, le juste équilibre
Tenir la distance
Garder le contrôle de l'absurdité de son rôle.
Et sans faire de bruit
des vies entre en collision

Fiona Melrose rend hommage à Mrs Dalloway et à sa ville en montrant toute la dichotomie de l'Afrique du Sud contemporaine.

Beaucoup d'élégance, un style très sûr, un travail sur les sentiments des personnages ciselé à la perfection comme si l'auteur avait écrit ce livre à la façon d'un tableau impressionniste pour au final jouir d'une grande sensation de plénitude dans un moment privilégié de lecture.

Traduit par Cécile Arnaud
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Johannesburg, décembre 2013.

Nelson Mandela vient de mourir et les habitants de la ville se dirigent vers sa Résidence pour un dernier hommage.

Virginia, Gin, arrive des Etats-Unis pour l'anniversaire de sa mère, Neve. 

Elle a décidé, contre l'avis formulé de celle-ci, d'organiser une fête pour célébrer ce passage du temps.

Tout au long de cette journée mémorable, Gin va dévoiler peu à peu sa vie, ses souvenirs, en parallèle de ceux de Peter, qu'elle aurait pu aimer, qui l'aime encore, mais qu'elle maltraite toujours.

En contrepoint de ces personnages blancs et riches, il y a September, le bossu SDF qui traîne sa misère sur l'ilôt du carrefour, surveillé par sa soeur Dudu, aide-ménagère qui lui sacrifie une grosse partie de sa paie.

Un roman sur des gens ordinaires, sans fioritures, juste la description des vies qui s'écoulent, au rythme des rencontres, des hasards, en obéissant aux ordres des parents implantés dans l'enfance et qu'on respecte du mieux qu'on peut ou qu'on ignore à contre-coeur ... 

Une journée qui se déroule avec ces événements historiques qu'on n'oubliera pas mais dans lesquels se noient tous ces événements, toutes ses vies anonymes qui composent la nôtre.

Un roman que je n'oublierai pas.

Une auteur à suivre  
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Le 6 décembre 2013, Johannesburg se réveille avec l'annonce du décès de Madiba, le nom affectueux et respectueux que les Sud-africains ont donné à Nelson Mandela. L'espace d'une journée, sous les cameras du monde entier, la Nation arc-en-ciel est unie dans la douleur, elle rejoint la Résidence où le corps de Tata repose, pour un ultime hommage.
A deux pas de là, une fête se prépare. Gin Brandt a quitté New York le temps de célébrer les 80 ans de sa mère Neve à Johannesburg. le dîner qu'elle a prévu en son honneur au soir de cette journée de décembre est loin de faire plaisir à sa mère Neve. Une vieille acariâtre, « très blanche à l'intérieur comme à l'extérieur », qui donne tout son amour à sa chienne plutôt qu'à sa fille, et si peu à sa bonne Mercy. Neve n'a jamais compris Gin, ni son arrogance, ni son désir de fuir sa famille aussi loin que possible, ni pourquoi elle a rejeté Peter, un excellent parti qui lui aurait assuré une situation et une descendance respectables. Mais pour Gin, pas d'autre issue possible pour continuer à vivre que de rompre avec ce carcan culturel de bonne famille Afrikaner.
Un événement inattendu va semer le chaos au beau milieu de cette journée : la chienne Juno se retrouve par mégarde dans la rue, perdue et assoiffée. La panique saisit toute la maison, débute alors une course folle vers une tragédie.

Le récit ne se cantonne pas à ce huis clos entre ces trois femmes Neve, Gina et Mercy. Dans la maison voisine, Duduzile la domestique de cette famille blanche méprisante à son égard, prend soin de son frère September, un sans-abri qui trouve parfois refuge dans le jardin. Son quotidien à lui est de mendier sur les îlots des carrefours routiers et de se rendre au pied de l'immeuble Diamond, une société minière, pour protester contre le massacre d'ouvriers sur qui on a tiré au cours d'une manifestation. Il en a été une des victimes.
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On retrouve dans ce récit la construction du roman de Virginia Woolf « Mrs Dalloway » et de nombreuses références à la vie de cette femme. Fiona Melrose ne s'en cache pas, bien au contraire. Elle affirme son admiration pour cette auteure. Elle reconstitue également avec justesse l'ambiance de la chambre si chère à Virginia Woolf, « une chambre à soi » où ces femmes trouvent refuge et où elles créent un monde à elle.

Ce qui m'a vraiment plu dans ce roman c'est la place centrale accordée à la ville de Johannesburg et à ses habitants. Je suis allée à Joburg, et j'y suis retournée en plongeant dans ce roman, un immersion sensorielle incroyable à travers les bruits de la pluie d'orage de 16h, les hélicos survolant les hauts murs des résidences ultra-sécurisées des Blancs, les descriptions colorées et les parfums des fleurs qui embaument les rues de la ville (agapanthes, jacarandas, hydrangeas, frangipaniers, l'herbe des parcs) que les habitants préservent et honorent.
Johannesburg est une des villes les plus violentes au monde, mais elle sait aussi être généreuse, passionnée et unie le temps d'une journée.

Fiona Melrose porte un regard sévère sur cette nation qui peine à sortir de sa période ségrégationniste. Difficile de rendre sa place au peuple Noir au coeur d'un pays dirigé par une communauté blanche qui garde le pouvoir entre ses mains. Alors l'auteur nous force à ouvrir les yeux sur la situation de ce pays. Tout remonte à la surface : l'opulence des Blancs, les domestiques noires asservies et contraintes de laisser enfants et parents au pays, le Zimbabwe, pour une poignée de Rands, la volonté, mise à mal parfois, du respect des traditions des ethnies Zoulous, Sothos, Xhosas, la misère des « coloured people » laissés sur le carreau, les Noirs qui mendient et vendent des fleurs au bord des routes à des automobilistes blancs dédaigneux, et qui, le soir venu, rejoignent les townships dans les taxis-bus bondés. Voilà à quoi ressemblent 24 heures dans la vie de Johannesburg.

Les femmes font battre le coeur de cette journée - l'auteure évoque également les femmes de Mandela qui ont joué un rôle essentielle dans sa vie. Pourtant ce roman ne serait pas la même sans September, le frère de Dudu. Personnage lumineux et aimant, droit et fier comme un guerrier Xhosa malgré sa physionomie difforme, comme Quasimodo devant la façade du building impugnable de la compagnie minière qui a ouvert le feu sur la foule des grévistes, détruisant sa vie à jamais ; il est temps de rendre des comptes, alors, avec son panneau sur son dos bossu, il demande dignement justice chaque jour. September honore chaque parcelle de vie, humaine et animale. C'est un personnage magnifique qui arbore les fleurs des parcs en couronne.

Je suis encore sous le charme de cette écriture sensible, touchante, et ce regard très pertinent sur la société sud-africaine. Un coup de coeur !
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Après Midwinter, un premier roman salué par la presse, Fiona Melrose, née à Johannesburg revient avec un roman sur sa ville de naissance. En hommage à Virginia Woolf, elle inscrit son récit en une seule journée. Si Mrs Dalloway est le déroulé d'une journée d'une anglaise de la haute société illustrant la ville de Londres en 1923 après la Première guerre mondiale, Johannesburg s'inscrit en ce 6 décembre 2013, date à laquelle la mort de Nelson Mandela est annoncée.

« Comment cette journée pouvait-elle être si étrange? Elle donnait l'impression d'avoir ralenti jusqu'à n'être plus qu'un murmure, puis tous ces mondes et ces vies étaient entrés en collision… »

En cette journée du 6 décembre 2013, c'est aussi l'anniversaire de Neve Brandt. Sa fille, Gin, artiste quarantenaire, est revenue spécialement d'Amérique pour organiser une réception pour les quatre-vingt ans de sa mère. Neve n'apprécie pas les choix de vie de sa fille. Artiste n'est pas un vrai métier et elle ne comprend pas sa volonté de rester célibataire malgré l'amour constant de Pierre, un fils de famille bourgeoise. Mais Gin a davantage besoin de travailler que d'être aimée. Cette ville lui a toujours pesé, davantage pour l'arrogance des Blancs que par racisme. Gin ne s'y sent pas à sa place.

« Mais ici, dans cette ville, rien, pas même la vie, n'était possible, alors qu'on y rencontrait tant de façons de mourir.»

Johannesburg, ville des chercheurs et des négociants était « la grande prêtresse de l'agitation permanente. » Sortir est oppressant avec ces mendiants qui frappent sans cesse aux vitres de voitures, ces sans abris et ces chiffonniers.

Une ville clivée entre l'opulence des maîtres blancs et la misère des travailleurs noirs exploités sur lesquels la police n'hésite pas à tirer pour mater la rébellion. September, un SDF bossu, blessé au visage lors de la grève des mineurs, continue à manifester devant le Diamond, responsable du massacre de mineurs en grève.

« Lorsqu'un homme n'a pas de toit, sa colère peut devenir sa maison. »

Fiona Melrose construit un roman rythmé qui va crescendo. Si je me languissais dans la matinée en écoutant les tisserins, en me lassant de cette omniprésence des agapanthes, j'ai vite vibré au son des hélicoptères, au rythme tendu avant l'orage qui éclate comme chaque après-midi vers seize heures. En donnant la parole à Neve Brandt, à sa fille Gin, à Pierre mais aussi à Mercy, September et Duduzile, Fiona Melrose montre toute la complexité et la beauté d'une ville où à chaque instant quelque chose de terrible peut se produire.
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L'Afrique du Sud n'est pas un pays connu pour moi en littérature donc c'est par pur curiosité que je me suis penchée sur ce pays.

Autant dire que la 4ème de couverture promet du lourd avec le décès de Mandela en filigrane de cette intrigue...
Le format se situe sur à peine 24h en scindant chaque partie de la journée pour rythmer le roman. Cette organisation m'a quelque peu questionnée et puis finalement je me suis laissée embarquer (de toute façon, j'avais pas vraiment le choix! :-)).
L'écriture est plutôt fluide et m'a rapidement permis de prendre plaisir à lire ce roman. La petite exception de l'écriture est tout à la fin où l'on sent une certaine poésie s'écrire alors qu'auparavant il n'y avait pas vraiment de sentiments et peu d'émotions. Nous étions beaucoup plus dans le descriptif et le déroulé de l'action.
S'agissant de l'histoire en elle-même, j'ai assisté à un déroulé qui est quelque peu redondant quant à certains personnages et certaines relations (Gin et Peter; Gin et sa mère), ce qui m'a fait me demander si le roman avait une réelle consistance pour faire autant de pages là dessus. Qui dit Afrique du Sud et Mandela, on ne peut faire l'impasse sur la période difficile de l'Apartheid: ce phénomène n'y est que brièvement abordé et cela est vraiment dommage. J'aurai aimé que cela soit plus profond (sans être dans du hard, du gore ou du voyeurisme) même si on entend certaines inégalités sur certains passages du roman.

Un roman sympa à lire mais qui ne m'a pas réellement appris de choses sur l'univers de l'Afrique du Sud.
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