Le Roi reçoit est un Mendoza surprenant dans lequel il nous offre une radioscopie de l'Espagne sur une décennie et des poussières à travers l'existence de son personnage principal Rufo Batalla, journaliste par accident. Après avoir couvert les épousailles d'un aristocrate exilé parce que personne dans son journal n'était disponible, il devient chroniqueur de sa vie princière , puis quitte l'Espagne pour les Etats-Unis à la fin des années 60.
Le Persan ibère découvre la mégapole, les yeux rivés à la fois sur la société américaine et l'Espagne à laquelle il est toujours lié car il en est fonctionnaire. Il louche donc, me direz-vous, tout au moins il voit double. Ce qui ne l'empêche pas d'observer des changements sociaux majeurs, qui marquent ces années soixante finissantes: les moeurs l'homosexualité, le droit des femmes et des minorités , le Watergate, le déclin du franquisme. Tout cela s'achève avec l'attentat contre Carrero Blanco, « le premier astronaute espagnol ». C'était en 1973, mais si vous vous risquez à une plaisanterie sur le sujet, cela vous vaut encore les tribunaux.
Rufo Batalla (quel patronyme) est-il l'alter ego de Mendoza, qui passa quelques années à New-York pendant les années 70? Premier roman d'une trilogie qui se terminera dans les années 2000,
le Roi reçoit n'est par marqué par cet humour qu'on aime tant dans les autres romans de Mendoza. Mais il n'a (comme d'habitude) pas perdu son art de croquer une quantité de personnages savoureux, de leur insuffler vie et épaisseur, ne serait-ce qu'en quelques lignes. Quant au narrateur, doté d'une chance insolente, c'est un homme complexe, aux actes souvent contradictoires doté d'une sens certain de l'observation. Les épigraphes nombreuses forment une sorte de collage, très imaginatif…
La seconde partie des aventures de Rufo Batalla a déjà paru. EL NEGOCIADO DEL YIN Y EL YANG narre ses pérégrinations au Japon, avec le prince déchu que l'on rencontrait au début du roman. A suivre donc.