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Critique de SZRAMOWO


«Je garderai le reste pour moi. Comme tout ce qui est unique et magnifique, on ne peut jamais en retranscrire la magie sans en perdre un peu entre les lignes. Les mots ne peuvent pas être toujours à la hauteur.»
Ainsi s'exprime Jeanne, après sa «sieste coquine» avec Paddy, un Anglais de Manchester qui réside dans la même maison de retraite de Lyon où l'ont «placée» ses enfants.
L'héroïne des Sales Gosses, 82 ans bientôt, a vécu sa vie pour André son mari, psychiatre, qui la trouvait futile et ses cinq enfants devenus grands, qui la considèrent maintenant comme une incapable au sens juridique et psychologique.
C'est un sujet sensible et délicat qu'a choisi de traiter, Charlye Ménétrier McGrath
celui de ce qu'il faut bien convenir d'appeler la vieillesse et la retraite ce mot français horrible dont le sens illustre tout à fait la place des «aînés» en France, bien loin des jubilados espagnols, des pensionnés allemands, ou des émérites polonais.
Jour après jour, heure après heure, nous lisons le journal de Jeanne où elle rapporte ses sentiments face à ce qu'elle vit et évoque des souvenirs du passé en contrepoint.
Le récit se déroule du samedi 4 janvier au dimanche 6 avril.
Dans les premiers jours de son arrivée à la résidence retraite, Jeanne se révolte pour faire payer à ses enfants leur décision. Il faut dire qu'ils n'y sont pas allés de main morte. Elle n'a plus accès à ses comptes bancaires, ses affaires se retrouvent dans des cartons sont entassés dans le garage de sa fille, et tout est à l'avenant. Elle n'a même plus son répertoire tléphonique.
Cette première partie du récit illustre très bien, avec réalisme et humour, les relations parents âgés/enfants adultes, petits enfants.
Jeanne décide de surjouer le rôle dans lequel ses enfants veulent la cantonner.
«Depuis je me délecte et je jure comme un charretier. Ces crétins ne devraient pas tarder à ajouter le syndrome de Gilles de la Tourette à mon dossier.
Finalement mon seul regret est d'être restée polie si longtemps.»
«Quel cauchemar ce Noël en famille. J'ai bien cru que je n'y survivrais pas.»
Jeanne ne supporte pas l'auto-satisfaction de sa belle-fille Marjonaine et pense « Combien d'assiettes ai-je remplies, mis, ces soixantes dernières années, sans réclamer de laurier ? le résultat m'a fait rourner la tête (...) j'ai lâché :
cent-quatre-vingt-dix-sept mille cent.»
Ambiance !
Le style est drôle, parfois outrancier mais pas trop. Réaliste avec juste ce qu'il faut d'exagération.
J'ai trouvé la suite du récit moins percutante. Plus convenue. Trop pleine de bons sentiments.
Jeanne s'ouvre sur les autres résidents de son âge et admet que sa vie peut prendre un nouveau départ à condition qu'elle accepte sa condition.
Elle est adoptée par «la Bande», Léon, Lucienne, Jo, Paddy, Loulou vivent à cent à l'heure, capables d'écluser deux litres de rhum arrangé en une soirée, et de festoyer presque toutes les nuits jusqu'à plus d'heure. C'est une découverte pour Jeanne, et pour ses enfants aussi, qui lui reproche pratiquemment d'être une mère indigne.
La relation sentimentale avec Paddy est pour eux la goutte qui fait déborder le vase.
«Manchester ! Non mais, n'importe quoi ! Et on peut savoir ce que tu vas faire en Angleterre ? Non, attends, laisse-moi deviner, une escapade romantique avec Paty ? a demandé Auguste d'un air faussement outré.»
Installée dans sa nouvelle vie, Jeanne analyse par comparaison ce qu'avait été sa vie avec son mari André. « (...) toute ma vie ressemblait à ces gateaux au glaçage miroir. (...)» dit-elle, beaucoup d'effet mais une déception lorsqu'on en mange une bouchée.
Le récit prend un tour totalement nouveau, on découvre que Jeanne était entourée « d'un ramassis de crevures » comme elle s'est maintenant autorisée à s'exprimer.
La bande pratique une dynamique de groupe permanente avec l'institution du «vendredi des regrets» séance au cours de laquelle chacun doit rapporter ce qui a raté dans sa vie passée.
Jeanne et Paddy, avant de décider de vivre ensemble, doivent régler ces événements de leur vie passée qui pèsent encore dans leur coeur.
Le roman se perd un peu dans la description des regrets de chacun des membres, même si la façon dont la bande et Jeanne en particulier décide de donner une seconde chance à Loulou lui permettant de revenir sur son regret (je ne le dévoile pas volontairement) sert de trame principale au récit.
La fin du roman part en vrille avec un flot d'événements plus miraculeux les uns que les autres comme notamment le passage de la bande à Vivement Dimanche de Michel Drucker...

L'épilogue donne une explication au côté fragmenté du roman et à l'impression de juxtaposition de plusieurs histoires dont le lien n'est pas toujours évident.
En effet, le roman, précise l'éditeur, est inspiré de la nouvelle de l'auteur qui a été primée par e-crire au féminin en 2016, nouvelle qui correspond à la première partie du roman traitant de la réaction de Jeanne à la décision de ses enfants.
En conclusion, le roman aurait gagné à être plus court, la lecture n'en est pas désagréable, mais j'ai ressenti une impression de «too much» face à certains événements rapportés ou vécus par Jeanne et aux sentiments qu'elle éprouve en comparant sa nouvelle vie à son ancienne.
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