Y'avait dans une gare de banlieue
Un petit chef de gare amoureux
Amoureux fou comme c'est curieux
D'une voyageuse imaginaire
Il l'attendait les soirs d'hiver
Sur les quais transis et déserts
Sous la lumière des réverbères
Il l'attendait comme le bon Dieu
Les gens le trouvaient pas sérieux
Il ne sifflait qu'un train sur deux
Et souvent on faisait la queue
Quand il arrosait ses primevères
Partout il écrivait des vers
Pour son aimée imaginaire
Sur les billets sur les horaires
Non mais rendez-vous compte un peu
Un jour on lui a dit mon vieux
Tous les voyageurs sont furieux
On va te remplacer ça vaut mieux
Mais comme par extraordinaire
Est descendue d'un vieux train vert
Sa voyageuse imaginaire
Belle comme une pluie dans le désert
Et ils sont partis tous les deux
Partis comme deux vieux amoureux
Dans la douceur d'un chemin creux
Vers des pays un peu plus bleus
Où l'on ne sait rien des horaires
Depuis dans cette gare de banlieue
Tout est redevenu sérieux
Et plus personne ne fait la queue
Mais sur les quais y'a plus de primevères
Y'avait dans une gare de banlieue
Un petit chef de gare amoureux
Amoureux fou comme c'est curieux
D'une voyageuse imaginaire
J'ai pris deux galaxies
Avec une menthe à l'eau
Et je me suis assis
Sur un tapis de mots
Les pieds dans l'encrier
Je pêche à vue des lunes
Sur les mâts des voiliers
De quelques amours communes
Je suis pêcheur de lune
L'enfant de ce Pierrot
Qui voulait une plume
Pour me faire un oiseau
Au bord de l'encre noire
Je vois des silhouettes
Qui cousent des rasoirs
Aux souliers des mouettes
Je trempe alors un doigt
Dans leurs crânes élargis
Et pour la première fois
J'entends bouger des cris
Je suis marchand de lune
L'enfant de ce Pierrot
Qui voulait une plume
Pour me faire un oiseau
Il y a dans l'encrier
Un couple d'allumettes
Qui cherche du papier
Pour me rouler la tête
Et comme un scarabée
Cloué sur l'encre verte
Qui semble m'appeler
Entre ses cuisses ouvertes
Je suis au clair de lune
L'enfant de ce Pierrot
Qui voulait une plume
Pour me faire un oiseau
Je suis au clair de lune
L'enfant de ce Pierrot
Qui voulait une plume
Pour me faire un oiseau…
J'ai pleuré pour l’enterrement
Pour l'enterrement de la lune
Deux fossoyeurs vêtus de blanc
Plantaient leur drapeau sur ses dunes
Ce fut un sale mois de juillet
Et sur les journaux à la une
On vit longtemps son corps souillé
D'une vulgaire tâche brune
J'ai pleuré pour l’enterrement
Du rêve et des sonates au clair
D'Arthur, Verlaine et leurs enfants
Cent mille ans de promesses en l'air
J'ai vu de sinistres savants
Sabrer en s'essuyant les pieds
Sur cet astre aux reflets d'argent
Un champagne aux bulles viciées
J'ai pleuré pour l'enterrement
Pour l'enterrement de la lune
Deux croque-morts sautaient gaiement
D'un cabriolet de fortune
Armstrong et Collins, quel dommage
Pour moi vous étiez dans le jazz
Soufflant en notes vers les nuages
Quelques unes des plus belles phrases
J'ai pleuré pour l’enterrement
Du rêve et des sonates au clair
D'Arthur, Verlaine et leurs enfants
Et de ces lunes qu'eux décrochèrent
Que tu me quittes un jour de pluie
A quelques brises du printemps
Un 19 mars avant minuit
Ou sous un soleil éclatant
Que tu t'en ailles un sale jeudi
Piano, rhum, cuivres et regrets
Sur un lointain reggae maudit
Ou les yeux dans les yeux tout près
Je passerai la main comme ça
Dans tes cheveux, sur ton visage
Pour dire qu'au plus profond de moi
Je t'aime au-delà des usages
Je passerai la main comme ça
Tu trouveras cela gamin
Mais c'est ma façon d'être à toi
Et puis je passerai la main
Que tu t'évapores un matin
Lendemain de nuit à rosée
Que je le sente venir d'instinct
Ou que l'on me cueille au lever
Que tu t'envoles ou prenne l'eau
Pour des aventures au grand air
Ou que l'on s'use au fil des mots
Dans deux, trois ans et des poussières
Je passerai la main comme ça...
Nous nous désaimerons à vouloir nous aimer. A vouloir des moissons sans jamais rien semer. Sans jamais s'envoler de peur de se brûler. L'amour est comme la mer il lui faut ses rivières. Laisse moi mes bateaux, mes départs, mes mystères. Laisse moi mon hasard.