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EAN : 9782253092698
288 pages
Le Livre de Poche (31/01/2018)
3.78/5   68 notes
Résumé :
Après un braquage, Luce Lemay renverse accidentellement un bébé dans une poussette et le tue sur le coup. Il sort de prison trois ans plus tard. Revenu à La Harpie, sa ville natale, il trouve un emploi dans une station-service grâce à un ami rencontré en prison, Junior Breen. Tous deux sont bien décidés à rester dans le droit chemin jusqu'à ce que Luce tombe amoureux de la belle Charlene.
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Critiques, Analyses et Avis (31) Voir plus Ajouter une critique
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Quand la rédemption tarde à pointer le bout de son nez dans l'Amérique profonde...
*
Les éditions Agullo à l'honneur ce mois-ci pour le challenge #varionsleseditions
Un choix facile puisque ce roman était déjà bien plébiscité au courant de l'année au #picaboriverbookclub
*
Que dire de plus que ce qui a déjà été dit et évoqué? Mes impressions à chaud pardi !
Mon avis est assez mitigé. On parle de remords et de rédemption pour deux ex-prisonniers ayant purgé leur peine. Le héros, Luce, revient dans sa ville natale et compte sur une seconde chance. Tandis que Junior, son ami, ressasse continuellement son crime et baisse les bras.
Une noirceur colle dans chaque acte, chaque dialogue de ce récit. Une ambiance glauque et moite plane sur chaque être vivant. J'ai eu l'impression de me retrouver dans un de ces films de vaudou de la Nouvelle-Orleans.
L'auteur nous plonge dans des eaux troubles marécageuses, presque un tourbillon de violence et de désespoir qui empêche de ressortir happer l'air frais. Sans nous prévenir, on assiste à des actes de pure violence, qui sont comme des semonces de tonnerre. Il faut s'accrocher pour s'empêcher de crier à l'injustice. Oui, il n'y a pas de justice dans ce petit coin paumé de l'Illinois. Nulle alternative de lueur d'espoir. Ah peut-être une once d'amour, voire de tendresse? Avec les oiseaux peut-être.
*
A la fin de ma lecture, j'ai eu un coup de blues (vous avez vu, j'ai fait le lien avec le titre :). Je me suis tellement attaché à ces deux personnages que le moindre mal fait à leur encontre m'a donné envie de pleurer. Quelle hostilité, quelle cruauté!
Peu de réponses sont apportées finalement quant à la possibilité d'une réhabilitation saine. Je suis restée coincée dans cette ville, entre étouffement et inconfort . Alors je conseille cette lecture en milieu ouvert (un jardin ensoleillé par exemple) sinon vous allez basculer dans ce maelstrom poisseux mais néanmoins poétique.
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Ça n'est pas la harpie créature mythologique monstrueuse mi-femme mi-oiseau qui a ici le blues. Encore que des femmes et des oiseaux, on en croise quelques spécimens dans le blues de la Harpie de Joe Meno, traduit par Morgane Saysana.

Luce et Junior, deux ex-taulards fraîchement libérés, se retrouvent dans leur ville natale de la Harpie, Illinois, en liberté conditionnelle. Personne ne les espère, personne ne les attend. Mais où aller d'autre ? Une seule envie : oublier, repartir, se réhabiliter. Pas besoin d'aller plus loin dans le pitch, vous aurez bien entendu compris que rien ne se passera comme cela…

Un énième livre américain sur l'impossible rédemption donc… Sauf qu'ici, Meno nous la raconte magistralement ! Sa façon de montrer l'incroyable contraste entre le remords dévastateur des erreurs passées et cette quête d'espérance d'un hypothétique répit, ou entre l'attention voire l'amour qu'ils sont prêts à donner à leur prochain et la violence qu'ils se prennent en retour, offre ici une atmosphère profonde.

L'écriture de Meno est tour à tour sèche, violente, puis douce ou poétique, au gré des états d'âme de ces deux êtres en désespérance dans un village typique de l'Amérique qui ne souhaite juste que rien ne bouge et que nul ne vienne perturber l'ordre des choses bien établies.

Prodiges et miracles m'avait séduit ; le blues de la Harpie m'a définitivement conquis. Vivement le prochain.
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Lorsque deux anciens taulards, en quête de rédemption, entrent en scène, on peut être quasiment certain qu'une référence à Johnny Cash ne sera jamais bien loin à l'instar de Joe Meno qui lui rend hommage dans le Blues de la Harpie une des dernières découvertes de la maison d'édition Agullo. Et puisqu'il s'agit d'une sombre histoire d'amour où la tragédie s'immisce au détour de chacune des rues de cette petite bourgade du Midwest il conviendra d'écouter I Walk On The Line, une des plus belles déclarations d'amour correspondant parfaitement à l'état d'esprit de ce récit poignant dans lequel on décèle quelques tonalités rappelant les romans de John Steinbeck.

Au volant de sa voiture, Luce Lemay prend la fuite après le minable braquage d'un magasin de spiritueux. Dans le crépuscule, il fonce sur la Harpie Road et ne voit pas cette femme qui traverse la route avec son landau qu'il renverse. le bébé qui s'y trouvait décède sur le coup. Après trois ans de prison, Luce est de retour à La Harpie où l'attend Junior Breen qui vient de purger une peine de 25 ans. Même si leurs nuits sont peuplées de cauchemars, nos deux compères tentent de jouer profil bas en travaillant dans une station service afin de rester dans le droit chemin. Mais quand Luce tombe éperdument amoureux de la belle Charlène, les passions se déchaînent avec une cohorte de ressentiments exacerbés par la découverte du passé criminel de Junior. Au-delà de l'atrocité du crime, a-t-on droit à une seconde chance ?

C'est au travers d'un texte sobre, aux phrases courtes dépouillées de toutes fioritures que Joe Mendo aborde avec efficacité les thèmes de la réinsertion et de la rédemption en accompagnant le destin de Luce Lemay et de Junior Breen, ce duo d'anciens prisonniers aspirant à une vie normale qui rappelle forcément la paire de trimardeurs que formait Lenny et Georges dans Des Souris et des Hommes. Paradoxalement, Luce fait preuve de davatange de naïveté que Junior, ce colosse ravagé par la culpabilité d'une crime odieux, en estimant avoir payé sa dette à la société et pouvoir ainsi refaire sa vie dans sa ville natale, lieu de la tragédie qui l'a envoyé en prison. Il s'enferme ainsi dans cette certitude du bon droit retrouvé, même si le remord le cueille régulièrement au coeur de la nuit où il distille ses cauchemards dans cette sinistre pension de famille tenue par une vieille folle qui n'a pas supporté la perte de son mari qui s'est suicidé après avoir assassiné l'amant de cette épouse volage. Junior Breen, lui, ne souhaite que se plonger dans l'anonymat de cette petite petite ville provinciale en espérant pouvoir surmonter la douleur d'une faute qu'il ne pourra sans doute jamais oublier. Tout comme Luce, c'est également durant la nuit que le poids de la faute s'instille dans l'inconscience de ses pensées qui l'empêchent de trouver le sommeil. le quotidien de ces deux personnage est fait d'instants joyeux et de phases plus sombres alors qu'ils travaillent dans une station service tenue par un ancien prisonnier qui les a pris sous son aile.

Outre le remord et la rédemption, il est beacoup question d'amour dans le Blues de la Harpie avec cette relation passionnelle entre Luce Lemay et la belle Charlène, la jeune serveuse du diners de la ville mais également avec ces petits poèmes sybillins que Junior affiche sur le panneau de promotion de la station service et qui sont peut-être adressé à la mystérieuse jeune femme qui figure sur la photographie qu'il conserve précieusement :

« Méga promo sur tous les pneus d'occasion
clairs et ronds comme des yeux envoutés
où coule l'amour telle la sève. »

On le voit, Joe Meno distille tout au long de ce roman une atmosphère étrange et décalée qui prend parfois des tournures poétiques, quelquefois comiques, mais qui tendent résolument vers un climat inquiétant et sinistre à l'image de cet enterrement de la tante de Charlène dont le corps exposé sur son lit de mort abrite toute une cohorte de petits animaux qui y ont trouvé refuge. C'est sur cette configuration originale que l'auteur nous entraîne dans une spirale où la violence devient de plus en plus pregnante pour trouver son paroxysme dans une confrontation presque surréaliste avec les citoyens hostiles d'une ville qui paraît de plus en plus insolite. Dissimulés derrière les phares des véhicules qui pourchassent Luce et Junior, les silhouettes deviennent presque surnaturelles pour former une entité désincarnée qui semble vouée à leur perte.

Avec des personnage baroques et émouvants le Blues de la Harpie est peuplé d'individus dont la fuite en avant éperdue devient presque onirique pour saisir le lecteur à la lisière du désespoir et de la folie. L'étrangeté poétique d'un roman qui résonne furieusement dans les confins de la noirceur. A lire sans détour.

Joe Meno : le Blues de la Harpie (How The Hula Girl Sings). Editions Agullo 2016. Traduit de l'anglais (USA) par Morgane Saysana.

A lire en écoutant : I Walk The Line de Johnny Cash. Album : At Saint Quentin (Live). Columbia 1968.
Lien : http://monromannoiretbienser..
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Luce Lemay sort de prison où il a purgé une peine de trois ans. Après avoir braqué la caisse du magasin dans lequel il travaillait alors, il a percuté en voiture le landau d'une femme qui traversait la rue tuant son bébé sur le coup. Aux yeux de la loi, Luce a payé la majorité de sa dette à la société et n'a plus maintenant qu'à respecter les termes de sa libération conditionnelle. À ses propres yeux, même si un sentiment de culpabilité ne le quitte pas, il en va de même. Au point d'ailleurs qu'il décide de revenir dans sa petite ville natale, La Harpie, sur les lieux du drame, pour refaire sa vie. Il y rejoint Junior Breen, libéré quelques semaines avant lui après une peine bien plus longue pour le meurtre d'une jeune fille, et qui l'attend dans la pension de la vieille Lady Saint-François. Un ancien taulard, propriétaire d'une station-service a par ailleurs accepté d'embaucher Luce et Junior.
Sauf que, et même si l'on est bien décidé à refaire sa vie et même à retrouver l'amour, on n'oublie pas la culpabilité. Celle que l'on porte et celle que la société – que vous ayez payé votre dette ou pas – estime devoir vous faire encore porter.
C'est là, vraiment, le propos de Joe Meno. Paie-t-on jamais sa dette ? Il s'agit d'abord d'une question intime. Et bien qu'il mette en place toute une somme de stratégies destinées à montrer qu'il est malgré tout un bon citoyen et un homme droit, Luce ne peut oublier une faute qui continue à le hanter et dont il portera indéfiniment le poids. Quant à Junior, plus encore accablé par la culpabilité malgré les efforts de son ami pour l'aider à retrouver une place dans la société, il semble par bien des aspects chercher l'enfermement – dans un cadre de vie circonscrit à sa chambre et à la station-service, en lui-même.
Là dessus, peu à peu, va s'ajouter le regard que porte la petite société de la Harpie sur les deux repris de justice. D'abord distant, il va devenir de plus en plus pesant, jusqu'à être ouvertement hostile.
Tout cela, avec pour fil rouge l'histoire d'amour naissante entre Luce et la séduisante Charlene, Joe Meno le montre en faisant lentement monter la pression. S'il utilise un symbolisme parfois un peu outrancier, il réussit néanmoins à créer l'inconfort par petites touches, au point que tous les moments de bonheurs de Luce et Junior sont obscurcis par une menace latente qui se contente parfois de flotter au-dessus d'eux et qui, à d'autres moments, s'abat de manière brutale.
Ce faisant Meno nous livre un roman noir psychologiquement violent, que vient supporter une écriture véritablement originale qui s'abandonne parfois à un humour de second degré flirtant avec le nonsense (« Milford ! siffla Mme Dulaire. Tais-toi ! Je t'en prie, Luce, il faut excuser M. Dulaire. Il n'est plus le même depuis qu'on lui a retiré son permis de chasse. »). Ainsi le Blues de la Harpie apparaît-il comme un objet noir et poétique qui pose plus de questions – par ailleurs dérangeantes – qu'il n'apporte de réponses dans une démarche salutaire qui consiste à placer le lecteur dans une certaine situation d'inconfort pour le pousser à réfléchir sur la question au coeur du roman : celle de la possibilité ou de l'impossibilité de payer sa dette à la société et de l'acceptation par cette dernière d'une véritable réhabilitation. Un beau livre, dans le fond comme dans la forme et un livre utile, donc.

Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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Tout d'abord, je me suis dit « encore un livre américain sur un pauvre type à qui il n'arrive que des ennuis, sa vie est noire de chez sombre et peu d'espoir à l'horizon, j'ai déjà lu ça vingt fois ». Et même si j'aime les romans bien noirs américains, j'ai aussi besoin d'autre chose en littérature qui m'ouvre l'horizon. Je commençais donc à bougonner.

Et puis très rapidement, la qualité de l'écriture s'est imposée, forte, puissante, un mélange de violence et de poésie, et j'ai basculé dans le roman, toute entière, pour ne plus vouloir en sortir.

C'est l'histoire d'un type qui sort de prison où il a passé trois ans parce qu'il avait renversé un landau avec sa voiture, alors qu'il s'enfuyait après un braquage. le bébé était mort sur le coup et l'avenir de Luce Lemay s'était alors obscurci d'un voile épais.

En prison, il a fait la connaissance de Junior Breen, un type qui transporte un bagage bien lourd aussi. Ils se retrouvent, une fois libérés, dans la petite ville de la Harpie, ville natale de Luce.

Et là, les coups vont pleuvoir sous toutes les formes parce qu'on ne pardonne pas, parce que purger sa peine en prison ne veut pas dire que les gens vont accepter de vivre aux côtés d'anciens criminels, parce que la possibilité d'une deuxième chance n'est pas donnée à tout le monde.

Pourtant, il y a Charlene, qui permet à l'auteur de nous offrir des pages magnifiques sur l'amour, loin des niaiseries banales, qui permet au roman de ne pas être que sombre, qui dessine une petite lueur d'espoir au bout du tunnel, mais qui est aussi source de violence.

J'avais déjà été séduite par Prodiges et miracles, mais là, j'ai été plus que conquise. Ce roman m'a touchée en plein coeur. Ses personnages sont aussi complexes que les hommes peuvent l'être. Torturés, profondément meurtris, ils sont bouffés par la culpabilité, tout en espérant une vie meilleure, une rédemption. Ils rêvent d'échapper à leur passé, d'être libérés de leurs cauchemars. Junior est le personnage qui m'a le plus marquée, un colosse poète qui ne se pardonne pas et dont les nuits sont hantées par le fantôme de son crime.

De quelle manière peut-on payer sa dette envers la société ? Est-ce aux hommes de juger leurs semblables ? Peut-on espérer se libérer d'un meurtre ?

Le roman pose des questions, n'y répond pas, mais il suscite en nous des interrogations profondes sur la nature de l'homme, sur notre société remplie de personnes persuadées d'être dans le bon droit parce qu'ils n'ont commis aucun délit, cette bonne conscience que chacun s'octroie dès lors qu'il se croit meilleur que son voisin.

Ce roman est aussi puissant sur la forme que sur le fond. C'est un vrai beau coup de coeur.
Lien : https://krolfranca.wordpress..
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Citations et extraits (26) Voir plus Ajouter une citation
ls m’ont redonné mon nom de baptême tout entier, mes habits à moi et trois vieilles Viceroy Gold lamentables. Je les avais cachées dans l’ourlet de ma veste de costume rouge. De ma vie, jamais je n’avais goûté de cigarettes aussi rances, je le jure. De petits ectoplasmes de nicotine poussant des gémissements sans filtre se mêlaient aux volutes de fumée, tant elles étaient vieilles ces clopes.

Ils m’ont redonné mon nom tout entier et la vie que j’avais perdue, mais ce landau continuait à rouler, sans chaleur, dans ma tête. Il passa devant moi en vacillant, balançant d’avant en arrière, au moment où je franchissais le portail en métal pour redevenir un homme maître de sa destinée. Je me suis payé un milk-shake à la vanille au Dairy Queen et je l’ai siroté sans me presser, gardant cette paille entre mes dents jusqu’à ce qu’il ne restât plus rien, rien qu’une sensation de froid sur mes dents. Puis je me suis acheté un billet de car à destination de la maison et je me suis installé à l’avant.

Ce trajet me fut aussi clément qu’une plaie béante.

Je restai immobile sur mon siège à mater cet autre détenu que je connaissais vaguement, Jimmy Fargo, occupé à peloter sa petite copine, une fille du cru qui suintait la sueur comme une frite maison, et lui, il la déshabillait juste là sur la rangée de devant, s’échinant à lui donner du bon temps sur ces affreuses housses grisâtres. Sa nana, à Jimmy Fargo, c’était une rouquine replète avec un visage rond et affable et un chemisier blanc déboutonné jusqu’en bas afin d’exhiber sa poitrine opulente et sa chair blanche piquée de taches de rousseur. Il y eut une vague de pure ondulation quand ce sacré Jimmy dégrafa son soutien-gorge. La secousse résonna le long de mes lèvres et dans ma tête.

« Hé oh, un peu de tenue, toi, là-bas ! cria le conducteur, un vieux busard, par-dessus son épaule. Sinon, prochain patelin, je m’arrête et je te livre aux flics histoire qu’ils te renvoient direct derrière les barreaux. »
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Ils m’ont redonné mon nom de baptême tout entier, mes habits à moi et trois vieilles Viceroy Gold lamentables. Je les avais cachées dans l’ourlet de ma veste de costume rouge. De ma vie, jamais je n’avais goûté de cigarettes aussi rances, je le jure. De petits ectoplasmes de nicotine poussant des gémissements sans filtre se mêlaient aux volutes de fumée, tant elles étaient vieilles ces clopes.
Ils m’ont redonné mon nom tout entier et la vie que j’avais perdue, mais ce landau continuait à rouler, sans chaleur, dans ma tête. Il passa devant moi en vacillant, balançant d’avant en arrière, au moment où je franchissais le portail en métal pour redevenir un homme maître de sa destinée. Je me suis payé un milk-shake à la vanille au Dairy Queen et je l’ai siroté sans me presser, gardant cette paille entre mes dents jusqu’à ce qu’il ne restât plus rien, rien qu’une sensation de froid sur mes dents. Puis je me suis acheté un billet de car à destination de la maison et je me suis installé à l’avant.
Ce trajet me fut aussi clément qu’une plaie béante.
Je restai immobile sur mon siège à mater cet autre détenu que je connaissais vaguement, Jimmy Fargo, occupé à peloter sa petite copine, une fille du cru qui suintait la sueur comme une frite maison, et lui, il la déshabillait juste là sur la rangée de devant, s’échinant à lui donner du bon temps sur ces affreuses housses grisâtres. Sa nana, à Jimmy Fargo, c’était une rouquine replète avec un visage rond et affable et un chemisier blanc déboutonné jusqu’en bas afin d’exhiber sa poitrine opulente et sa chair blanche piquée de taches de rousseur. Il y eut une vague de pure ondulation quand ce sacré Jimmy dégrafa son soutien-gorge. La secousse résonna le long de mes lèvres et dans ma tête.
« Hé oh, un peu de tenue, toi, là-bas ! cria le conducteur, un vieux busard, par-dessus son épaule. Sinon, prochain patelin, je m’arrête et je te livre aux flics histoire qu’ils te renvoient direct derrière les barreaux. »
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Peut-être n’existe-t-il pas sensation de néant et de béance plus intense que la nuit quand tu fonces vers chez toi à quatre-vingts kilomètres/heure, une bouteille de porto ouverte à la main, l’argent de la caisse à tes côtés, et cette Vierge Marie au doux visage de plastique qui te toise depuis son trône ardent sur le tableau de bord en vinyle rouge. Non, il n’y a peut-être pas de place pour tes pauvres rêves de petite frappe au sein de cette nuit incorruptible, aucune.

La Madone a tiré une petite révérence quand j’ai quitté l’autoroute pour prendre La Harpie Road. J’avais les mains moites et le volant en vinyle noir m’échappait. Mes doigts glissaient à cause de ma propre sueur.

Je n’avais jamais volé, vraiment volé, avant.

Je n’en avais jamais ressenti le besoin.

C’est fou ce qu’un homme désespéré serait prêt à faire pour rester sain d’esprit.
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Il y avait de petits carrés de pelouse devant chaque maison et des arbres gris qui donnaient un peu d’ombre. Il y avait les voies ferrées qui se déployaient au loin, bordées de poteaux téléphoniques, suivant la courbe de la ligne d’horizon. Enfants, on s’amusait à défier les idiots de marcher sur les rails juste avant le passage d’un train. Si personne de ma connaissance n’y a laissé de plumes, c’était quand même assez stupide comme jeu. Et voilà, elle était là. La Harpie. Une petite ville. Un spectacle très banal, si vous voulez mon avis. Mais il y avait quelque chose sous la surface. Quelque chose de l’ordre du sang ou de l’or. Quelque chose d’assez petit pour tenir dans votre poche. Comme un cancer du poumon ou une pièce porte-bonheur.
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Je déglutis, repoussant au fond de ma gorge toute la salive qui affluait à mes lèvres.

"Bon sang, Dal, toi au moins, on peut dire que tu sais faire du bien à un hoMme Quel veinard, le gars Favor.

- Et encore, c'est la partie émergée de l'iceberg, dit-elle en fronçant les sourcils, passant la main dans ses cheveux pour se dégager les yeux. Passe me voir en journée si jamais t'as envie de découvrir ce qui se cache dessous."

Doux Jésus.
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Videos de Joe Meno (4) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Joe Meno
Joe Meno vous présente son ouvrage "La crête des damnés" aux éditions Agullo éditions.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2350389/joe-meno-la-crete-des-damnes
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