Un voyage temporel au coeur des petites histoires qui ont bousculé la grande Histoire! Un récit bien écrit et super intéressant. Je recommande!
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L’Histoire ne tient qu’à un fil.
Suspendue à un mot, un geste, un battement de cils.
Nous croyons pouvoir en réguler le cours, canaliser ce flot torrentiel
d’imprévus. Alors nous la débitons en tranches, prémâchée, dans
les livres d’histoire ; nous la déroulons, lisse et aseptisée, dans les
documentaires. Le passage du temps polit ses reliefs, gomme ses
imperfections, ses syllogismes. Puis on la plie en quatre dans les tiroirs de notre bureau mental.
C’est oublier pourtant que, sous l’écume bouillonnante de l’Histoire, le dernier mot revient souvent au hasard.
Le plus subtil faux-pas peut précipiter le monde aux portes du chaos. Prenons garde, toutefois, aux raccourcis ; c'est généralement une myriade de facteurs - et non un hasard isolé - qui contribue à faire chavirer l'Histoire. La première guerre mondiale et ses vingt millions de morts ne pas le résultat malheureux d'un mauvais virage, mais de tensions géopolitiques qui menèrent l'Europe au du gouffre en 1914. Les coïncidences, hasards et coups du sort exposés entre ces pages ne constituent jamais la seule cause des errances de l'Histoire : ce sont les petites poussettes dans le dos qui l'expédient au fond de l'abîme.
Avez-vous déjà entendu parler du nain de cour ? Oui, sûrement. Des mégotiers et des voleurs de cadavres ? Un peu moins. Que dire alors du punkawallah, serviteur indien chargé d'agiter les éventails, ou de l'ermite de jardin, payé pour se laisser pousser la barbe et orner une grotte au fond d'un parc anglais ? Ces professions disparues ont un point commun : ce sont des « sales boulots », périlleux, sinistres, ardus, grotesques ou avilissants.
Ce dictionnaire, le premier du genre, en dresse l'inventaire avec humour, de l'Antiquité jusqu'au XXe siècle. On y rencontrera, à travers l'épais smog industriel, les chiffonniers chargeant dans leurs sacs de toile les ordures londoniennes. On y frappera, tôt le matin, des coups répétés aux portes des travailleurs en compagnie des knocker-ups (réveilleurs), on y baignera dans les poussières radioactives aux côtés des ouvrières de l'US Radium Corporation. On y entendra, enfin, les lamentations factices des pleureuses à gages accompagnant les cortèges funéraires, et les propos irrévérencieux des bouffons dans les cours européennes…
À l'heure où l'on débat des métiers essentiels, de la pénibilité et de la précarité du travail, Nicolas Méra nous rappelle que les emplois méprisés et mal rémunérés ont une bien longue histoire.
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