On comprend pourquoi la critique déjà présente est aussi flatteuse, quand on voit, à la fin, qu'elle émane d'un vendeur du livre. J'estime nécessaire d'en faire une critique plus réaliste, mais j'avais lu la 1ère édition, aux Editions du Rouergue, il y a quelques années. le contenu de cette nouvelle édition a-t-il été modifié ? Je ne sais pas. le livre étant plus petit, il reste à espérer que certaines parties ont été supprimées. C'est du moins ce que j'espère, tellement la première édition était révoltante, en détournant tout ou presque, en faveur de
Marie Talabot et de son mari. Je précise donc bien que ma critique concerne au moins la 1ère édition, je l'espère moins vraie pour celle-ci, mais certaines réalités sont quand même à rétablir, ça ne fait aucun doute !
Qui était, en réalité
Marie Talabot ? Ni plus ni moins qu'une intrigante comme il y en avait tant au 19ème siècle, utilisant sa beauté et ses talents en amour pour séduire un homme riche, plus âgé qu'elle bien sûr, et hériter de sa fortune. Et là,
Marie Talabot a parfaitement réussi, au point de dilapider toute la fortune après la mort de son mari, pour qu'il n'en reste rien à la famille, qui, bien sûr, n'avait jamais accepté
Marie Talabot, comme on peut s'en douter ! Dès le début du récit de la vie de cette dame, l'auteur nous montre comme il excelle dans l'art de transformer le mal en bien, le négatif en positif.
Marie Talabot avait quitté son village de Saint Geniez d'Olt, en Aveyron, pour être engagée comme bonne chez des notables à Marseille. Mais elle avait été renvoyée parce que... elle avait couché avec le fils des patrons ! Pour l'auteur, elle était forcément victime d'une injustice ! Avec l'intelligence qui était la sienne, elle avait tout compris, tout appris, sauf qu'une bonne, ça ne couche pas avec le fils des patrons, non, ça elle n'avait pas pu l'apprendre, voyons ! Et c'est alors que ce Talabot l'aurait prise "à son service". Drôle de service ! Il ne faut pas oublier qu'au 19ème siècle, une jolie femme à son bras, ça faisait partie du décor, c'était un signe de richesse ! Mais qui était ce Paulin Talabot ? L'auteur nous le présente comme le créateur d'un grand nombre de voies ferrées en France, expliquant même à la fin, que c'est grâce à la qualité de son travail, que les voies ferrées sont toujours telles quelles, aujourd'hui. Il n'oublie qu'une toute petite chose, c'est que, si Talabot avait eu le rôle qu'il lui attribue, les trains auraient roulé à droite et non à gauche. Il est bien connu que ce sont des ingénieurs anglais qui ont conçu le réseau en France. Certes, Talabot était favorisé dans ce domaine, par sa formation d'ingénieur, mais il était, ni plus ni moins, qu'un financier comme tant d'autres, qui, lui, a fait fortune dans les chemins de fer, où il a joué un rôle important pendant toute sa vie, c'est certain. Mais l'auteur "oublie" de nous parler des diverses banques qu'il a créées, dirigées, ou auxquelles il a contribué, c'est moins flatteur que les voies ferrées et autres grands travaux ! Tout est bon pour nous le présenter sous le meilleur jour possible, jusqu'à nous répéter de nombreuses fois, que c'était forcément quelqu'un de bien, puisqu'il était
Saint-Simonien. Comme si l'auteur ne savait pas ce qu'est devenu le saint-simonisme après la mort de
Saint-Simon. Un repaire d'industriels qui ont vu, dans ses théories, le moyen de convaincre les ouvriers qu'ils pouvaient se "tuer" au propre comme au figuré, à la tâche, puisqu'ils travaillaient pour l'humanité ( mais surtout pas pour augmenter le fortune d'un patron, n'est-ce pas ! )
Et dans le domaine de ce qui est choquant en matière sociale, on est servi ! Citons ce qui est présenté comme une manifestation de femmes de l'industrie textile venues à Paris crier "rendez-nous les crinolines" parce que ce serait la disparition des crinolines qui leur feraient perdre leur travail. L'auteur ne peut que faire allusion, là, à la dernière révolte des canuts lyonnais, dernière révolte lancée à l'initiative des femmes, les hommes ayant renoncé. Ramener une révolte aussi justifiée que remarquable de la part de ces femmes, à cette simple revendication "rendez-nous les crinolines" c'est digne d'un manque de respect incroyable pour les luttes sociales. C'est peut-être à ce simple slogan que
Napoléon III l'avait réduite, ça n'est pas pour autant qu'il faut reprendre ça comme la réalité. Dans le même ordre d'idées, quand, à la fin du livre, il s'agit du monument que
Marie Talabot a fait construire à Saint Geniez d'Olt pour montrer comme elle dominait avec sa fortune, les habitants du lieu étaient choqués comme il se doit, par le fait que les entreprises parisiennes engagées pour cette construction, fassent travailler les ouvriers le dimanche. Mais pour l'auteur, c'est parce que l'Aveyron était rétrograde, voyons ! Il fallait vivre avec son temps, à Paris, on faisait travailler les ouvriers le dimanche, c'était tellement normal !
Et ce monument, justement, on peut en dire quelques mots. Même s'il mérite d'être vu, comme une oeuvre d'art parce qu'il est sculpté par les artistes du moment, il domine le village, pour qu'on ne voit que lui. D'après l'auteur,
Marie Talabot l'aurait prévu dans un endroit discret, ce qui la disculperait de monopoliser ainsi le paysage, et ce ne serait qu'après sa mort, qu'on aurait décidé de changer d'emplacement pour le mettre là où il est. Bien sûr, il n'y aurait que les documents écrits qui pourraient dévoiler la vérité, mais, d'une part, l'auteur nous cite une partie du testament où elle définit des détails montrant que l'ouvrage serait déjà avancé, ce qui n'est pas compatible avec ce déplacement, d'autre part, il est difficilement concevable qu'on ait modifié ses dispositions testamentaires. Et enfin, il est encore plus difficilement concevable que quelqu'un comme
Marie Talabot ait choisi un endroit discret !
Déjà de son vivant, les habitants du lieu avaient compris qui était le personnage, et, lors de l'une de ses visites, elle avait été gravement prise à parti. Mais, pour l'auteur, ça n'étaient que des enfants à qui on avait donné des bonbons, des Lozériens, je ne me rappelle plus pourquoi, mais les gens du lieu ne pouvaient pas s'attaquer à quelqu'un d'aussi généreux, voyons ! Effectivement, une minuscule partie de sa fortune a été donnée pour des oeuvres locales, et il était de bon ton, pour les riches, de montrer qu'ils donnaient pour les bonnes oeuvres ! Mais, si elle était aussi généreuse, combien d'écoles, d'hospices, d'orphelinats, auraient-on construit avec le prix de revient de son monument et des gros travaux autour... le Château Talabot à Marseille et les travaux colossaux qu'a nécessité sa construction, c'est aussi, entre autres, l'oeuvre de ce couple qu'on nous dit aussi généreux... Bien sûr, c'était leur fortune, d'abord à lui, et, forcément, à elle, ils étaient libres de l'utiliser comme ils voulaient, mais, de grâce, qu'on ne nous parle pas de générosité !
Bref, voila un livre qui se définit en quelques mots : une "ode" en faveur du capitalisme et des capitalistes. Bien sûr, chacun est libre de choisir son camp, mais on attendrait plutôt de ce livre, la réalité de la vie de son personnage !