L’Histoire est parfois tout ce qu’il nous reste pour comprendre le présent.
L’Histoire est une maîtresse malicieuse. Elle semble ne vouloir toujours retenir que le nom de trois sortes d’amants : les conquérants, les traîtres et les martyrs.
Seuls les idiots foncent tête baissée vers le danger sans connaître les affres de la peur. Ils ont cette chance inouïe de ne pas savoir anticiper, et bien souvent, le malheur d’en subir les fâcheuses conséquences.
Il y avait quelque chose d'étrange dans sa voix. Quelque chose que Sisam n'était pas encore en âge de comprendre, mais qui le faisait trembler de tous ses membres. Une émotion épouvantable, empoisonnée de tristesse et de mort.
Le courage s'exprime chez chacun de nous de bien des façons. Mais il est toujours plus noble quand l'amitié le motive.
Soufflant comme une tornade dévorante dans leurs Cœurs, l’Amour les absorba à bras le corps, faisant exploser en une gerbe de feu leur conscience. Pour la première fois de leur vie, Sisam et Heyla éprouvèrent l’ultime conviction de ne plus être seuls. Ils étaient un. Une entité harmonieuse et unique, dont la force de vie les transcendait et les rendait et les rendait à la fois plus humains et plus accomplis.
- Ne gardez pas de regrets dans vos cœurs, poursuivit-elle d’une voix affaiblie. Les regrets sont les armes du Mal … Ne leur cédez pas votre Amour. Jamais. Hissez-le au plus haut de vous mêmes, car vous êtes … la clef de notre devenir.
La tête collée au sol, Farf entendait résonner des pas empressés dans les escaliers. Anxieux, il se précipita vers Helya.
- Ma Dame, par toutes les plaines de Cornovan, je vous en conjure, ne faîtes pas d'histoires ! Nous n'avons pas le choix, les gardes de la cité seront ici d'un moment à l'autre ! Ne cédez pas une fois encore à vos caprices, par pitié !
Helya s'était rapprochée des rebords de la tourelle, les cheveux au vent. Avec des gestes mal assurés, elle s'agenouilla sur le parapet et, doucement, se mit debout, les yeux plongés dans les profondeurs du bassin en contrebas. Devinant ses pensées, Farf se rua vers elle et lui attrapa les jambes.
- Farf, non ! Lâche-moi, tout ça ne te regarde pas !
- Foutacrasse, vous avec perdu le tête ! s'écria-t-il en s'agrippant du mieux qu'il put au parapet. C'est du suicide, redescendez tout de suite !
- C'est toi qui vas finir par nous faire tuer tous les deux ! Allons, laisse-moi !
Le vent s'engouffrait avec virulence dans la longue tunique bouffante et la chevelure de la jeune fille. Ils lutèrent encore un instant, jusqu'à l'arrivée de deux gardes sur la tourelle.
Surprise, Helya, dont l'un des pieds était maintenant dans le vide, perdit l'équilibre. Prise de panique, elle s'accrocha au dos de Farf qui, malgré sa force, fut incapable de retenir sa jeune maîtresse. Elle bascula en arrière et entraîna dans sa chute l'Anachrone terrorisé.
Les gardes n'eurent que le temps de les voir disparaître en une gerbe blanche sous les eaux profondes du bassin.
- Deux reviendront un, souffla-t-il silencieusement à ses pensées. Un et un seul cœur.
Morlhed se rua vers son lumineux adversaire.
L’ultime combat éclata.
- Lune blanche, froid qui tranche, s'entendit-il murmurer en continuant de faire jouer les ombres sur son visage.
C'était la première fois qu'il s'amusait à mettre des gestes sur cette comptine qu'ils avaient inventée l'année de leur rencontre. Helya sembla trouver l'idée amusante. Poursuivant le jeu, elle étira un bras et dessina des cercles concentriques autour de la tête de Sisam, puis derrière sa nuque, telle une fée de légende jetant un charme mystérieux.
- Lune pâle, l'eau dévale, récita-t-elle à son tour, se surprenant elle-même des mouvements qui lui venaient maintenant naturellement et s'harmonisaient avec ceux de son jeune compagnon.
Ce n'étaient plus des gestes désordonnés, mais une véritable danse. Leurs mains, leurs bras balançaient, tout leur corps se mouvait avec une fluidité et une grâce surnaturelles, comme si ces ondulations qui s'entrecroisaient et modelaient leurs silhouettes avaient toujours été présentes en eux sans le savoir. Dessinant des ombres saisissantes sur les façades des maisons alentour, les deux enfants s'observaient avec la même stupéfaction, tout à la fois inquiets et émerveillés par cette formidable chorégraphie dont ils ne maîtrisaient plus l'ensorcelante perfection.
- Lune rouge... vent qui bouge, articula finalement Sisam.
Helya écarquilla les yeux, ne croyant pas ce qu'elle voyait : du jeu de leurs mains et de leurs gestes sourdait peu à peu une lumière qui grandissait et les enveloppait. Une lumière blanche, bienfaisante, puissante et chaleureuse, dans laquelle leurs mains commençaient à se fondre doucement.