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EAN : 9782492596209
288 pages
DALVA (09/09/2021)
3.74/5   27 notes
Résumé :
Dans ce coin d’Espagne aux terres arides et brûlantes, Angie est revenue vivre en solitaire dans la maison de ses ancêtres, renouant avec leur histoire et leurs fantômes. Au village, elle reste l’étrangère. Celle qu’on regarde avec suspicion, qu’on évite de croiser. Et c’est elle, justement, qui découvre le corps de Don Julián, grand propriétaire de la région, pendu sur la colline. Bientôt, au village, arrivent les jumelles, ses héritières qui entendent exploiter ce... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (13) Voir plus Ajouter une critique
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Salobral, Andalousie, à peine un point sur la carte, un village qui se meurt où les passages à trépas sont plus nombreux que les baptêmes puis, au-delà de la route tout au bout d'un chemin poussiéreux le domaine de Las Brenas où Julian Jaldon-Maldoneda, l'un des plus gros propriétaires terriens de la comarque, fait la pluie et le beau temps et, enfin derrière une rangée d'amandiers une vieille maison, que l'on peut deviner si on a l'oeil exercé, abîmée par le temps mais devenue le bastion d'Angie, Angela, l'étrangère, sa tanière.


C'est dans ce décor rude, difficile, écrasé de chaleur en été mais ruisselant de lumière qu'Olga Merino campe son héroïne, L'étrangère . Et on la suit très vite, Angie, cette femme qui vit chichement en compagnie de ses chiens, le récit est porté par sa voix. Angie ne cherche pas les embrouilles, c'est une taiseuse et avec toutes les casseroles qu'elle traîne déjà, Angie n'a pas du tout envie qu'on la lui conte à l'envers. En effet après une longue absence Angie de retour au pays cristallise toutes les attentions, les rumeurs et fantasmes. Alors elle, la fille des Marotos, la tarée d'El Hachuelo, la folle qui parle avec les morts, déjà cabossée par la vie en oublie presque sa féminité pour mieux se confondre dans cet univers agricole et masculin. Mais voilà qu'un lundi, lendemain d'un jour de picole au  «  bar des bizarres », avec Ibrahima, l'un de ses rares camarades, ils découvrent le corps de Don Julian pendu à la branche d'un noyer ! Il est vrai qu'ici plus qu'ailleurs dans ce coin oublié d'Espagne où superstitions et traditions vont bon train un suicidé en appelle toujours un autre ou lui répond ...


Un texte dense, riche où le passé percute en cadence le présent, les résurgences de souvenirs qui éclairent le chemin de vie d'Angie, une solitaire venue s'ancrer dans son village natal pour chercher le silence et mieux sonder les profondeurs de son âme. Car oui elle a besoin de se reconstruire Angie, elle est encore poursuivie par le fantôme de son amant, un peintre anglais avec qui elle a vécu une passion dévorante à Londres, l'homme qui lui a appris les tonalités des couleurs et les jeux de lumière mais il y a aussi les maillons cachés, perdus ou oubliés de son histoire et généalogie familiales qu'elle doit retrouver, déterrer pour aller de l'avant.


L'écriture d'Olga Merino abrupte, réaliste et poétique sert à merveille le récit, les éblouissements et les visions impressionnistes d'Angie dessinent de magiques tableaux, les scènes de la vie quotidienne partagée avec les ouvriers saisonniers, dans les champs d'olivier en particulier, sont criantes de vérité ainsi que l'évocation de leurs conditions.

Avec L'étrangèreOlga Merino signe le portrait d'une femme indépendante, en marge, éprise de liberté, une femme qui ne se résigne pas et mobilise toute son énergie et ses forces pour vivre et assurer sa survie. Un combat inégal qui dépasse le genre et le cadre personnel en devenant le combat d'un être humain qui décide d'exister à part entière en assumant ses choix loin des diktats imposés par la société.

L'étrangère nous emporte en Andalousie sur une terre aride et incandescente. de la puissance du vent essaimant les parfums de garrigue aux buissons épineux laissant de profondes cicatrices, Olga Merino insuffle à ce roman noir un reflet naturaliste et un grain de folie dont le final est un feu d'artifice.

Je remercie Toulouse Polars du Sud et Jean Luc Laherrère d'avoir remis à l'honneur pour sa 14ème édition Olga Merino en la sélectionnant pour le prix Violeta Negra 2022, l'occasion de la (re)découvrir bien qu'elle ait participé à la rentrée littéraire 2021 aux éditions Dalva.
L'étrangère (La forastera) est pour le moment le seul roman disponible en français de cet auteur et je remercie Aline Valesco pour la traduction.

Un coup de coeur. Une belle surprise .
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C'est un roman pas comme les autres.
Déjà parce que c'est un roman espagnol qui ne ressemble pas à un roman espagnol. Si ce n'est les oliviers, on pourrait être dans la poussière d'un western. le soleil tape fort et le vent rend les gens fous.
Mais ce n'est pas un western comme les autres. Déjà, parce que le personnage principal est une femme, cinquantenaire, sans grâce particulière, plutôt désarmée.
C'est une femme comme les autres. Revenue dans son village après une autre vie à Londres. Pas une femme puissante, mais une écorchée qui tente de comprendre d'où elle vient. Pourquoi son père est parti.
Dans ce coin perdu où tous semblent éreintés par une vie de labeur où la joie n'a pas sa place, on se suicide. le dernier en date est un riche propriétaire terrien dont la mort va bouleverser la très relative quiétude du voisinage. Et changer la physionomie du paysage. On essaie tant bien que mal de ne pas succomber à une solitude pesante qui écrase comme ce soleil haut dans le ciel.

C'est un livre dur parce qu'il dit sans chercher à mettre les formes, la violence des rapports humains, parce qu'il montre ce que l'on préfère cacher (la vieillesse du corps féminin, le suicide d'un amant, le manque d'argent, la marginalité.) C'est un livre dur parce que l'auteur ne cherche pas à nous amadouer avec des personnages faciles, aimables, tendres. Ce roman n'est pourtant pas si déroutant, les sujets brossés sont universels et nous bousculent forcément
C'est un roman qui ne se laisse pas facilement apprivoiser mais qui ne se lâche pas. Un étrange roman étranger que cette Étrangère. Et je ne peux que vous le conseiller.
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L'étranger fait peur, il n'est pas comme nous, si c'est une femme libre en plus...

Angie, avant, vivait à Londres, était modèle et maîtresse d'un peintre, très tourmenté, c'est le moins que l'on puisse dire. A sa mort, elle revient dans la maison familiale, dans un coin reculé et rural de l'Espagne, sans eau ni électricité.

La première page me met, de suite, au coeur du sujet « Ici, on n'affectionne pas les étrangers, sauf si tu fais le premier pas, et moi, c'est un effort qui ne m'a jamais tenté. Je préfère les tenir à distance. Eux, ils ne sont au courant de rien, mais ils jacassent, jacassent sans cesse. Ils font des messes basses. Moi, au contraire, j'ai vu des choses et je les garde pour moi. »

Pourquoi avoir voulu revenir dans ce trou paumé, entourée de tous ces yeux qui épient, surveillent, ces bouches qui parlent de travers, jacassent (ce sera dit plusieurs fois dans le roman) ? Comment Angie peut-elle se sentir libre avec tout cela ? Heureusement, il y a le boui-boui de Tomas où se retrouvent les échoués, les non acceptés, où ils s'enivrent avec du mauvais vin « Ce n'est pas un mauvais bougre, le Tomas. Encore un superflu dans mon genre, mis au rebut du village. On appartient tous les deux à la génération qui s'est perdue dans la fête et dans l'attente… Un vieux hippy ratatiné qui met de la bonne musique… Les Stones, les Kinks…. »

Cette région d'Espagne, aride, baignée par trop de soleil, se vide de ses habitants et c'est là qu'elle a choisi de revenir dans la maison que son père a toujours gardée, même quand il est parti et elle est bien décidée à y rester. Ses terres ? Elles ont été rachetées par le friqué local et le père n'a gardé que cette vieille maison décrépie.

Quelques irréductibles, qui ne sont pas gaulois, sont restés, des vieux qui ne savent où aller, d'autres, comme Ibrahima ont atterri sur ces terres arides on ne sait pourquoi, enfin, c'est vague.

C'est dans ce décor que Ibrahima découvre un pendu, qu'il va chercher Angie, car oui, même si elle est considérée comme l'étrangère, elle est d'ici, alors qu'Ibrahima….

Donc, « L'homme, car c'en est un, a dû monter sur la branche la plus basse du noyer et, une fois assis, attacher la corde à celle du dessus, puis serrer le noeud et se laisser tomber. le poids et la hauteur nécessaires. ». L'homme, c'est le patron, don Julian, le propriétaire de Las Brenas, avec ses yeux démesurément ouverts. Et ses mains couleur de vin. »

Le patron ? C'est le riche du village, celui qui a racheté les terres du père d'Angie pour une somme dérisoire.

Avec la découverte du pendu, les remous vont modifier le cours de la vie tranquille des paysans. Les filles du défunt vont arriver, vouloir tout vendre… Elles ne sont plus d'ici, elles. Les secrets, toujours embarrassants vont être autant de gros ou petits cailloux dans les chaussures.

La pauvreté, les jacasseries, les non-dits, la liberté, le dur labeur sans jamais de récompenses, l'amour, la désertification, la mort du village, l'aridité qui devient celle du coeur marquent le vie de ce bled paumé.

Les vieux réflexes franquistes seraient-ils toujours d'actualité lorsque je vois que le brave curé est dénoncé par une grenouille de bénitier ? Oui, il a, de temps à autre, des relations charnelles avec Angie. C'est surtout vers Angie, elle-même, que la chasse à la sorcière, à la différente s'effectue, tan pis pour les dégâts latéraux.

Les éditrices parlent de western contemporain et Angie en est la lonesome cowgirl ; il y a les bons, les méchants. C'est vrai, j'imagine bien la musique de Moricone lorsque les deux comparses découvrent le pendu... L'ambiance est là.

Le livre est à l'image du ressenti ; la lecture se fait lente, je ressens la pesanteur, j'étouffe avec Angie, elle qui se veut libre mais qui ne l'est pas tant que cela. L'âpreté de la terre, de la vie y est fort bien rendue. Je fus embarquée par la plume passionnée d'Olga Merino, j'ai senti le vent chaud, la poussière, la haine entre les habitants, la misère, la solitude.

Un premier très bon livre de la toute nouvelle maison d'édition Dalva, dont j'avais eu la chance de rencontrer sa créatrice lors d'un entretien chez mon libraire. Je gage que ce ne sera pas le dernier



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Après avoir vécu en Angleterre, Angela-Angie, la narratrice, est revenue à El Hachuelo, la bastide où sa mère a fini ses jours, près d'un village isolé dans un coin d'Espagne. Même si elle a vécu son enfance ici, elle reste "l'étrangère" pour les habitants. Il faut dire qu'elle ne fait rien pour gagner leur sympathie : sauvage, rebelle, directe jusqu'à l'arrogance, elle connaît les travers de chaque famille et ne se prive pas d'en faire état. Lorsque meurt le propriétaire du grand domaine mitoyen de sa ferme, les héritières projettent un réaménagement total de l'exploitation, ce qui passe par le rachat d'El Hachuelo. Mais Angela a décidé que personne ne la ferait quitter ces lieux...

Si la quatrième de couverture évoque un "western contemporain" c'est à juste titre me semble-t-il, car l'atmosphère et l'histoire sont en phase avec les lois du genre. le village semble isolé du temps, coincé dans un passé qui n'a rien d'idyllique et loin de l'esprit joyeux d'un "Brigadoon". Angela elle-même ressasse sa propre histoire, celle de sa famille et paraît piégée dans ce lieu et ce temps où elle s'entête à demeurer. le rythme de la narration s'en ressent et se déroule sur un tempo assez lent, voire répétitif, qui m'a parfois lassée.

J'ai, en effet, eu du mal à m'intéresser aux affres de ce personnage-narrateur qui ne suscite pas tellement la sympathie et dont je n'ai pas toujours perçu clairement les motivations. Ce n'est que dans le dernier tiers du roman qu'elle m'a semblé s'humaniser quelque peu. Néanmoins une impression assez asphyxiante se dégage des descriptions et de la galerie de personnages qui gravitent autour de l'héroïne. Si l'histoire ne m'a pas passionnée j'ai été sensible à l'écriture qui sait rendre pesante l'atmosphère et planter un décor de manière très sensorielle.

Je suis donc restée au bord de cette histoire, pas vraiment impliquée dans ma lecture. Peut-être est-ce une question de moment ? Peut-être que certains épisodes (les souvenirs de l'histoire d'amour entre Angie et Nigel) s'étirent trop en longueur alors que cela n'apporte pas grand-chose au récit ? En tous cas, je suis restée sur ma faim.
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Dans la campagne espagnole, sous la chaleur écrasante, face à un vent sournois et aliénant, Angela "Angie" tente de faire mieux que survivre.

Revenue sur ses terres, après un long passage par la ville, puis à Londres un exil, elle reste "l'étrangère", celle de qui l'on se méfie. Vieille femme vivant seule, dont la tante était une marginale aussi consultée que conspuée. Emeteria, la folle du village, la folle de la vallée. D'après les langues persifflantes, ce sont des choses qui passent dans le sang.

L'histoire navigue entre un présent pesant et des passés écrasants. L'enfance et les relations avec père, mère et frère. Les années londoniennes et la relation intense, totale et brulante avec Nigel, le peintre.
Et puis ce présent avec chien et chienne. Pas de véritables proches. Juste quelques moins éloignés. Comme Ibra, migrant sénégalais, travailleur agricole. Il y a aussi Blanche-Neige, immigré ukrainien. Pas les mêmes papiers, pas les mêmes statuts. On croisera également Salingue, le vieux crasseux qui rode. Et une palanquée d'autres personnages, tantôt sympathiques, tantôt patibulaires.

Trop de suicides. Partout des suicides. Une épidémie qui traverse les générations. D'où vient cette affliction ?
Alors que les questions s'accumulent, une menace plane sur le village et ses environs. Un changement brutal qui s'avance en serpentant.

Une lecture agréable, pleines de belles ou terribles formules. La famille, les marges, le secret, le déclassement, la lutte, la dignité, la folie, la vengeance, la foi, la mort. Tels sont les ingrédients. La mort encore. Histoire de bien épicer, de s'aligner sur la chaleur étouffante de ces terres arides, désolées mais toujours fièrement habitées.
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Citations et extraits (15) Voir plus Ajouter une citation
Depuis là-haut, depuis le lacet sur la route qui descend au port et rejoint la régionale en direction de Cordoue, on voit bien ma maison, le mur latéral couvert de vigne vierge et les grappes d’orpin blanc qui poussent sur le toit. Dans le coin où ma mère avait planté de la sauge, du persil et de la menthe, s’entremêlent désormais les pavots et les choux montés en graine. Je l’aime comme ça, un peu abandonnée, comme un coquillage parmi les pierres, un îlot planté au milieu d’une terre en friche. Il y a environ quatre ans, peu après la mort de ma mère, les Jaldones ont cessé de cultiver les parcelles autour de la maison qui autrefois nous appartenaient, et là où poussait le blé prospèrent désormais la bruyère, la ciste à gomme et les chardons jusqu’en lisière du chemin qui, au-delà des chênes de garrigues, forme une fourche menant à la rivière et à la maison des Las Brenas.
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Ma mère savait à peine écrire [...]. Elle lisait à peine mais, quand elle racontait les histoires du village, on aurait dit qu'elle lisait des mots venus d'un autre monde, comme si une voix très ancienne, composée d'autres voix, de vent et de poussière, se pressait pour sortir de sa bouche. (34)
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Deux semaines ont passé et on continue à tourner en rond avec l'insistance des taons, car lorsqu'un suicide se produit dans le village, dans l'un des replis de ces montagnes, les gens craignent qu'un autre ne succède dans les jours suivants, très vite, comme la peste jetant le lasso invisible de la contagion. (51)
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Au bar de la Galicienne, on trouvait les cuillères à café à la taraudeuse pour que les junkies ne puissent pas chauffer l'héro, et il fallait demander une clé pour entrer aux toilettes, une clé attachée à une corde sale et effilochée. Il n'y avait pas de lumière et il fallait pisser dans le noir. (31-32)
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Ici, on n'affectionne pas les étrangers, sauf si tu fais le premier pas, et moi, c'est un effort qui ne m'a jamais tenté. (11)
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