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Critique de Renod


Discipliné, consciencieux, ingénieux, capable de prendre des initiatives et surtout, dépourvu de conscience et de tout sens moral, Rudolf Lang a le profil idéal pour occuper le poste de commandant des camps de concentration et d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Robert Merle imagine les mémoires de ce double fictif de Rudolf Hoess dans « la mort est mon métier ». Il livre un roman didactique essentiel pour comprendre la Shoah et la mentalité des criminels nazis.

Le roman s'attache dans un premier temps à analyser les circonstances qui ont permis la naissance d'un tel monstre. Enfant, il grandit sous la férule d'un père autoritaire doté d'une religiosité névrotique. Âgé de seize ans, il s'engage dans les rangs de l'Armée allemande et combat sur le front oriental pendant la Première Guerre mondiale. Après l'Armistice, il rejoint le corps-franc Rossbach avant de connaître une période de chômage et d'emplois mal rémunérés. Il s'inscrit au parti nazi dès les premiers mois de sa création. En mélangeant tous ces ingrédients, on obtient un animal de sang froid, patriote revanchard, prêt à obéir sans état d'âme.

Le roman décrit dans un second temps l'élaboration d'un génocide industriel. Les massacres de masse des premiers temps de guerre commis par les Einsatzgruppen sont aux yeux de Lang un procédé grossier indigne d'une nation moderne. Il va chercher à perfectionner l'organisation du camps d'extermination pour être en mesure de « traiter » un convoi de deux mille « unités » en quelques heures. Il faut être efficace et productif pour tuer un maximum de déportés et se débarrasser de cadavres encombrants dans des délais très courts. Lang relève le défi technique et travaille avec dévouement pour perfectionner son usine de mise à mort. La mort est son métier.

Je regrette l'emploi répété d'expressions allemandes en *v.o.* comme « Jawohl », « Mein Herr » ou « Mensch ». Si le but était de germaniser les dialogues, c'est raté, je trouve qu'au contraire que le texte perd en crédibilité. A noter que si Robert Merle analyse les mécanismes de l'extermination, il aborde peu ou pas l'aspect concentrationnaire et l'exploitation économique des détenus. Cette thématique est plus largement traitée par Martin Amis dans « Zone d'intérêt » qui s'inspire lui aussi de Rudolf Hoess, mais dans un registre totalement différent.

« La mort est mon métier » permet de comprendre le parcours de Rudolf Lang/ Hoess sans toutefois l'absoudre de ses responsabilités. Lors de son procès, l'ancien commandant ne ressent aucune culpabilité, il n'a fait qu'exécuter des ordres. Si l'ordre était mauvais, il n'en est pas responsable. Robert Merle conclut : « Tout ce que Rudolf fit, il le fit non par méchanceté, mais au nom de l'impératif catégorique, par fidélité au chef, par soumission à l'ordre, par respect pour l'État. Bref, en homme de devoir : et c'est en cela justement qu'il est monstrueux. »
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