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EAN : 9782070374441
635 pages
Gallimard (03/03/1983)
4.32/5   2242 notes
Résumé :
Une guerre atomique dévaste la planète, et dans la France détruite un groupe de survivants s'organise en communauté sédentaire derrière les remparts d'une forteresse. Le groupe arrivera-t-il à surmonter les dangers qui naissent chaque jour de sa situation, de l'indiscipline de ses membres, de leurs différences idéologiques, et surtout des bandes armées qui convoitent leurs réserves et leur " nid crénelé ?

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Critiques, Analyses et Avis (184) Voir plus Ajouter une critique
4,32

sur 2242 notes
Une belle (re)découverte.

Publié en 1972, Malevil est un roman post-apocalyptique réunissant toute les notions abordées généralement dans le genre.

"Le jour de l'événement", Pâques 1977. Nul ne sait pourquoi, un cataclysme nucléaire ravage la terre entière. L'électricité cesse de fonctionner et un fracas, vacarme, roulement de tonnerre, sirènes hurleuses, locomotives folles retentit. S'ensuit une élévation de la température digne des portes de l'enfer. La terre est morte, l'humanité est occise. Non, sur les 412 habitants de Malevil, bourgade de campagne française, que compte les 4 milliard d'habitants de la terre, une poignée a réussi à survivre. Et autour d'Emmanuel Comte et quelques amis, la survie s'organise, avec pour base ce château moyenâgeux dont ils occupaient la cave lors des faits. Et ils auront fort à faire, non pas pour reconstruire, mais déjà pour survivre...

Ce roman est un récit, celui d'Emmanuel, annoté de quelques chapitres de Thomas, le rendant ainsi plus réaliste et crédible. Il aborde tous les thèmes chers à la littérature post-apocalyptique. La survie à court terme, à long terme, le partage du reste des ressources, la défense contre les "autres" la politique la religion... On aura une vision particulièrement machiste de la condition féminine, les femmes étant soit vieilles et destinées aux corvées ménagères soit aguicheuses et "dévouées" à tout le monde, soit souffreteuses.
Le roman est moins complexe et moins "difficile" à lire que je ne le redoutais, sans doute influencé par les diverses critiques lues ça et là. Il est bien écrit, mais fait très "Français", voire campagnard (à grand renfort de "La menou" "La falvine" et "La noiraude"). D'un autre côté nous y sommes à la campagne, profonde, caricaturale, avec du consanguin (une certaine vision en 1972 ?). On est loin des romans post-apocalyptiques américains avec des survivalistes armés jusqu'aux dents qui feraient fuir une bande de zombies clopin-clopant.
Il y a des longueurs, et notamment une très longue introduction, qui permet certes, d'éclairer la psychologie du personnage principal (son rapport à la religion notamment), mais qui retarde beaucoup trop l'entrée dans le vif du sujet. Parfois trop de détails peuvent nuire à la fluidité du récit.
Cette religion, notamment, dont on verra la force et la puissance manipulatrice notamment grâce au machiavélique Fulbert.
Une vision très locale, on ne sait rien du reste du monde, avec des problèmes logistiques et des combats très locaux eux-aussi.

Bref, sans être un chef d'oeuvre ou un précurseur du genre, Malevil reste un roman post-apocalyptique franco-français agréable à lire et qui mérite d'être (re)découvert.
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Malevil est un chef d'oeuvre. Un chef d'oeuvre de la littérature française du début des années 70. Plus surprenant, un chef d'oeuvre de science-fiction, plus exactement de science-fiction post-apocalyptique…rurale qui plus est. Tout un programme !
Robert Merle sait nous happer : il nous plonge dans la campagne profonde, un terroir qui fleure bon la tradition, les bêtes, les petits plats roboratifs et le bon vin, les bois, la terre labourée puis y introduit une catastrophe…et nous laisse observer ensuite ce qui arrive, de façon presque sociologique, nous laisse entrevoir les conséquences psychologiques, sociétales, politiques, humaines de sa terrible dystopie épique dans laquelle le patois reste la langue naturelle et la campagne l'unique décor. Un chef d'oeuvre car il entrelace avec brio structure narrative haletante, histoire captivante, écriture merveilleuse et ciselée, nombreuses réflexions existentielles, théologiques, philosophiques qui nourrissent l'âme, le coeur et la raison.

Il y a un avant et un après vous l'aurez compris dans ce roman. La ligne de fracture est appelée pudiquement « l'Évènement », une catastrophe nucléaire dont on ne connait pas grand-chose, plus personne n'étant là pour pouvoir l'expliquer. Tout n'est que suppositions et craintes. Après "Le jour de l'événement", à Pâques 1977, il reste quelques survivants, ayant eu la chance de se trouver dans des endroits relativement protégés (en l'occurrence une cave à vin pour notre héros et ses acolytes) durant l'explosion. Entre les deux, de multiples changements. de valeurs, de société, de repères. Une régression. Une société à réinventer. Un retour au Moyen-Age avec une population réduite à presque rien.

« C'est une régression en ce sens que le savoir et la technologie ont été anéantis. L'existence est donc plus précaire, plus menacée. Cependant, ça ne veut pas dire qu'on soit plus malheureux. Bien au contraire ».

Avant, Malevil était un château restauré appartenant à Emmanuel Comte qui comptait l'ouvrir aux touristes. Une chose un peu artificielle dans laquelle on tentait de raviver les fantômes. Après, Malevil est bien autre chose avec ses terres, ses troupeaux, ses réserves de foin et de grain et ses compagnons unis comme les doigts de la main…et ses deux jeunes femmes destinées à sauver l'humanité en portant des enfants. « C'est aussi notre repaire, notre nid d'aigle. Ses murs nous protègent et nous savons que nous serons enterrés dans ses murs ». La vie s'organise donc après l'événement, Emmanuel accueillant un ensemble de personnes à demeure qui deviendront une communauté.
On découvre comment la vie reprend ses droits, l'organisation et la hiérarchie qui se mettent en place peu à peu, la façon de prendre des décisions, de partager les ressources, les activités qui occupent les hommes désormais privés d'électricité et de toute source d'énergie, la défense contre les autres. Cette communauté qui, après chaque épreuve va se fortifier. L'amour de la vie s'est intensifiée, les plaisirs sociaux sont plus vifs, les peurs plus animales et primaires, les combats plus virils. le sentiment religieux est plus présent et nécessaire. La femme est revenue à une condition bien inférieure à celle de l'homme, son rôle étant soit de s'occuper des tâches ménagères, soit d'être objet sexuel pour tous, soit enfin de procréer. Cette place dévolue aux femmes peut faire tiquer, j'y vois justement une dénonciation de la part de l'auteur : la régression de la société signifie aussi hélas celle de la condition féminine qui s'est battu et qui continue de se battre pour avoir une place égale à celle de l'homme. En faisant un bond en arrière, ce sont des années de lutte féministes qui se sont envolées.

Au-delà des regrets, de la prise de conscience des contradictions de l'homme, «la seule espèce animale qui puisse concevoir l'idée de sa disparition et la seule que cette idée désespère » , force est de se demander si ces hommes vont répéter les mêmes erreurs que par le passé, si la puissance et le pouvoir vont corrompre certains, si la guerre va être l'unique voie pour résoudre les désaccords.

Il est passionnant de découvrir comment la vie s'organise dans le village d'à côté, à La Roque, où une vingtaine de survivants sont pris sous la terrible et despotique aile d'un soi-disant curé, Fulbert. Puis d'observer les relations entre les deux territoires, deux sociétés radicalement différentes, deux mondes, désormais éloignés à plusieurs heures de marche quand la voiture mettait quelques minutes pour parcourir ces 15 kilomètres.

Distance et temps ont en effet changé considérablement d'échelle abolissant les anciens repères : « Nous sommes très occupés et pourtant, rien ne nous presse. Nous disposons de vastes loisirs. le rythme de la vie est lent. Chose bizarre, bien que les journées aient le même nombre d'heures, elles nous paraissent infiniment plus longues. Au fond, toutes ces machines qui étaient supposées faciliter notre tâche, autos, téléphone, tracteur, tronçonneuse, broyeur de grain, scie circulaire, elles la facilitaient, c'est vrai. Mais elles avaient aussi pour effet d'accélérer le temps. On voulait faire trop de choses trop vite. Les machines étaient toujours là sur vos talons à vous presser ».
Ce ralentissement du temps remarqué dans les gestes même, a le don de modifier les rapports humains, de les rendre plus profonds et intenses.

C'est Emmanuel qui raconte, sorte de journal de bord, dans lequel quelque fois nous lisons avec étonnement un rajout de quelques pages, une note, de la part de Thomas, le seul de la bande qui ne soit pas un enfant du pays. Comme cela est subtil de la part de Robert Merle : nous pouvons cerner les différences de points de vue, le manque d'objectivité, certes léger de la part d'Emmanuel qui se veut précisément bienveillant et le plus objectif possible. Ces petites notes, rares, viennent nous rappeler que toute objectivité est vaine, l'histoire est racontée et ne peut être précisément ce qu'elle est vraiment. Toute histoire narrée est déformée par le point de vue en présence. Ces notes permettent aussi au récit de gagner en crédibilité. Et quelle écriture dans ces rapports, ce sont à la fois des réflexions servies par une plume classique comme on n'en fait plus guère, cette plume a pris de la bouteille et revêt une élégante et subtile robe, et des échanges parlés aux accents du terroir, comme le mettent en valeur rien que les diminutifs donnés aux gens et aux bêtes : les ménines, La Noiraude, Miette, la Falvine, La Menou…

Quant aux personnages, ils sont délicieusement croqués, impossible de ne pas les aimer, de ne pas être touché (je pense notamment au poignant Momo, personnage haut en couleur) ou de ne pas les détester, dans tous les cas impossible de rester indifférent. Ces descriptions, leurs comportements et réactions en disent long sur la nature humaine dont nous avons là, comme offert, un inventaire fabuleux.
« Mais si Thomas était beau, il ne l'était pas comme on l'est chez nous. La statue grecque et le profil parfait ne sont pas nos canons. Peu nous importent un gros pif et un lourd menton si, derrière, il y a le feu de la vie. Nous aimons les gros gars carrés, rieurs, blagueurs, un peu farauds ».

Loin de certains romans post-apocalyptiques très futuristes, Malevil me fait penser à l'arche de Noé revisité en sauce terroir. Il fait la part belle aux hommes, aux valeurs humaines, à ses contradictions et ses paradoxes. Servie par une plume de toute beauté, c'est une lecture passionnante, une lecture nécessaire. Une lecture qui parle du recommencement.

« Je me transportai avec mon livre fermé et mon tabouret contre l'autre jambage de la cheminée, pour me réchauffer le côté gauche. La Menou jeta des brindilles dans le feu pour me donner de la lumière, j'ouvrit la Bible à la première page et je commençai à lire la Genèse. Tandis que je lisais, une émotion mêlée d'ironie m'envahit. C'était là, à n'en pas douter, un magnifique poème. Il chantait la création du monde et moi, je le récitais, dans un monde détruit, à des hommes qui avaient tout perdu ».
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Malevil est l'un des romans qui m'a le plus marqué, suffisamment pour le lire trois fois.
Robert Merle nous propose ici une histoire dans un environnement post-apocalyptique parfaitement crédible où un groupe de personnes habitant un château devra sa survie à l'épaisseur des murs après une probable catastrophe nucléaire.
Passé le choc et la stupéfaction, l'évidence est là, ils sont peut-être les seuls survivants et très vite le problème des ressources et l'organisation de cette nouvelle vie va accaparer toute l'énergie de ce petit groupe.
La vie reprend petit à petit ses droits et une harmonie précaire va s'installer, jusqu'au jour où l'on apprend qu'il y a d'autres survivants, plus nombreux que l'on croyait, passés les premiers espoirs, le doute s'installe, après tout l'homme n'est-il pas un loup pour l'homme ?
L'auteur excelle dans la description et la lecture des rapports humains. La perte de tous les repères qui procuraient sécurité et stabilité va donner prétexte à un scénario passionnant.
Dans l'adversité certains vont assumer par devoir un rôle qui ne les enchantent pas mais auquel ils ne peuvent pas se dérober, d'autres vont révéler des qualités insoupçonnées au service de la collectivité et faire preuve de grandeur d'âme, d'autres au contraire...
Dans une société à réinventer va-t-on répéter les mêmes erreurs ? le pouvoir corrompt-il obligatoirement l'homme ?
Emmanuel, Momo et la Menou, Miette, Fulbert, autant de personnages qui vont nous faire vivre des moments forts et nous interroger sur la nature humaine, car je crois que c'est essentiellement de cela que l'auteur nous entretient, il décortique notre mode de vie et notre société, nous parle de grandeur et de bassesse, de chute et d'élévation, d'altruisme et d'égoïsme.
Malevil est aussi et surtout une fresque épique et dramatique faite de bruit et de fureur qui saura nous tenir en haleine jusqu'au bout, pour ma part l'un des meilleurs livres que j'ai lus.
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« l'Événement » à lieu à Pâques 1977. Un cataclysme, probablement d'origine nucléaire, ravage la terre entière. Une gigantesque déflagration réduisant tout en cendres… et puis, plus rien, le silence, plus de radio, plus d'électricité. Pourtant, une poignée d'habitants de Malevil, qui se trouvaient plus ou moins à l'abri dans les caves d'un château moyenâgeux appartenant à Emmanuel Comte, parviennent à survivre au désastre. Reste maintenant à s'organiser…

En se limitant au sort de quelques survivants d'une bourgade de campagne française, ce roman post-apocalyptique ne s'intéresse pas au reste du monde, dont on ne saura d'ailleurs rien, et livre une vision très locale, voire même rurale de l'apocalypse. Servi sous forme de journal écrit par Emmanuel Comte, agrémenté de quelques annotations d'un autre survivant, visant à « éclairer » certains faits, voire à corriger certaines omissions, ce roman qui sent bon le terroir n'hésite d'ailleurs pas à nous baigner dans un patois qui a également eu la bonne idée de survivre à la destruction.

Le lecteur s'attache très vite aux quelques personnages qui ont miraculeusement survécu au drame et dont Robert Merle parvient à brosser le portrait avec grand brio. de l'indestructible Menou au bouleversant Momo, en passant par les incontournables Peyssou, Meysonnier et Colin, Robert Merle livre des personnages qui continuent à vivre dans notre esprit longtemps après avoir refermé le roman… peu importe le sort qu'il leur a réservé.

Cette régression de notre société vers le Moyen-Age s'avère être une invitation à tout reconstruire avec les moyens du bord en en évitant les erreurs du passé. Dès que la survie à court terme, allant de l'hébergement aux réserves de nourriture, est garantie, l'auteur s'intéresse avec brio à la reconstruction de cette mini-société, offrant quelques réflexions existentielles, théologiques et philosophiques particulièrement intéressantes.

L'espérance de vie au sein de cette nouvelle société, dépourvue des évolutions technologiques, s'avère certes plus limitée, mais le rythme de vie est également beaucoup moins élevé, les rapports humains beaucoup plus profonds et les petits plaisirs de la vie, tel qu'un bon verre de vin, beaucoup plus intenses. C'est à se demander ce que le progrès nous a finalement apporté au niveau de la qualité de vie ?

Les lecteurs qui ont un minimum d'affinité avec la cause féminine ne manqueront cependant pas de noter que Robert Merle effectue bel et bien une solide régression au niveau de la condition des femmes, dont les plus âgées sont dorénavant affectées aux tâches ménagères, tandis que les plus jeunes reçoivent pour mission de procréer, l'auteur réinstaurant même la polygamie pour l'occasion. C'est donc au moment où les femmes détiennent l'avenir de l'humanité entre leurs mains, qu'elles se retrouvent à nouveau dans un rôle bien inférieur à celui des hommes. Ce ne sont donc visiblement pas les féministes qui ont survécu à cette catastrophe ! Si certains ne manqueront pas de célébrer ce retour au « bon vieux temps », l'auteur risque tout de même de récolter quelques mauvais points pour le côté misogyne de cette dystopie.

Un incontournable, servi par la superbe plume d'un Robert Merle qui dissèque les rapports humains de cette nouvelle civilisation avec une maestria incroyable !
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Ah la la... J'aimerais tellement n'avoir à dire que du bien d'un roman de Robert Merle. Son écriture, son érudition, sa précision dans la narration, le charme qui se dégage de sa plume, le confort de lecture qu'il offre à ses lecteurs, tout concoure à faire de lui l'un de mes auteurs favoris. Il m'a fait rêver avec son « Idole », il m'a subjuguée avec sa « Fortune de France » et il m'a tétanisée avec son mémorable « la Mort est mon métier »...

Malevil est un roman post-apocalyptique dont Robert Merle situe l'action en France. Nous sommes dans les années 70, à cette période complexe où le monde connaît des difficultés économiques et politiques avec le premier choc pétrolier et la Guerre Froide, entre autres, et où, en France, s'essoufflent les Trente Glorieuses ; à cette période où le Mur est encore solidement debout et où l'on craint à chaque instant que Russes et Américains ne pressent le bouton rouge... Au fil des 630 pages de la collection Folio, Robert Merle m'a déroutée, m'a fascinée mais m'a également irritée. Question d'honnêteté intellectuelle, je dois bien l'admettre, je n'ai pas été totalement séduite par un roman dont j'attendais beaucoup, peut-être trop.

Je ne révélerai rien de la trame du roman en disant qu'une bombe atomique a rayé de la surface de la Terre tout ce qui vivait, humains, animaux et végétaux, c'est écrit en 4ème de couverture. Qui, des Russes ou des Américains a pressé le bouton rouge ? Bien malin celui qui désormais peut le savoir, plus personne ne vit pour en témoigner. Plus personne ? Un groupe d'irréductibles périgourdins, occupés à mettre en bouteille le vin en fût dans une cave médiévale, a pourtant survécu... Situation qui engendre autant d'optimisme que de pessimisme car, dans un monde où plus rien ne subsiste et où la seule femelle survivante compte 75 printemps, comment envisager de transformer la survie en existence ?

***ALERT SPOILER***

Le roman est très dense, vraiment très dense et, globalement, sa lecture m'a plutôt satisfaite.

L'histoire est bien construite, l'auteur nous plonge dans le quotidien et les intérêts personnels des protagonistes, des gens qui vivent à la campagne, dans une bourgade rurale du Périgord où chacun se connaît, s'apprécie ou se déteste selon ses liens avec ses voisins, concitoyens, parents, etc. A proximité de ce village se dresse la fière silhouette pleine de noblesse de Malevil, un château fort en ruines qu'Emmanuel, le héros, va acheter et restaurer. La vie est paisible, dans l'ensemble, pour la petite communauté villageoise, entre élections municipales qui se préparent, élevage des chevaux, artisans au travail, accidents de la vie courante, etc. Evidemment, aucun des habitants ne se doute qu'il vit ses derniers instants et que d'ici peu, la folie humaine va déclencher un cataclysme nucléaire et anéantir toute trace de vie dans ce joli coin de Dordogne.

L'histoire a vraiment de quoi séduire. Nous sommes très en amont de romans de type « La Route » de Cormac McCarthy et pourtant le thème est similaire. Fermez les yeux et imaginez une seconde que vous vous retrouviez seul survivant sur une terre qui ne compte plus un brin d'herbe, avec au-dessus de la tête un ciel où pas un seul oiseau ne vole et sous les pieds un sol stérile qui ne vous offre aucune chance de survie. C'est une pensée terrifiante, pas de nourriture, pas d'espoir, pas d'avenir, aucun sens à donner à votre existence, vous avez tout perdu.

J'étais vraiment très attirée par ce thème et j'ai vraiment apprécié le traitement qu'en fait Robert Merle, mettant au coeur des préoccupations de la poignée de survivants ayant échappé à la mort, avec Emmanuel à leur tête, le pouvoir, la sécurité et la spiritualité. La subsistance n'est pas tout, une fois les réserves de nourriture recensées, il faut penser à s'organiser, se structurer pour tenir sur le long terme. L'organisation sociale des survivants de Malevil devient pour le lecteur le fil ténu qui les lie à la civilisation et chaque fibre de son attention vibre au gré de leurs aventures, découvertes et déconvenues... On s'attache à chacun des personnages, ils deviennent familiers, ils sont précieux, ils sont les derniers êtres humains !

Ce que j'ai moins aimé et ce qui, par conséquent, mitige mon opinion finale, ce sont tout d'abord les longueurs, bien réelles, de la narration. Vraiment, l'auteur s'est fait plaisir, il a dû beaucoup travailler autour de la psychologie de ses personnages et de ce fait, il n'épargne à son lecteur aucun cheminement, aucune justification, aucune explication avant de poser les actes de ses protagonistes ; cela alourdit l'action qu'on aurait imaginée plus fulgurante, plus chirurgicale voire plus violente.

C'est Emmanuel qui raconte les évènements et son récit est à peine entrecoupé des notes de Thomas, un autre survivant, qui, tels des points d'orgue, viennent apporter une justification supplémentaire à ses actes. Emmanuel, propriétaire de Malevil et doté d'un ego plutôt solide, va assez naturellement prendre les rênes du pouvoir et occuper au fil des chapitres toutes les fonctions : exécutive et spirituelle. Cet état des choses ne m'a pas toujours semblé aller de soi. le pompon est atteint avec le pouvoir de séduction d'Emmanuel qui ira jusqu'au culte de la personnalité, voire la déification. Too much.

Les survivants de Malevil sont bien des survivants mais ils ne sont pas si démunis que cela. Avec une logique souvent dissonante, l'auteur a veillé à ce qu'ils ne manquent pas complètement du nécessaire et disons que les murs de Malevil renferment un kit complet et quasi prêt à l'emploi de tout ce qu'il faut pour faire renaître de ses cendres une civilisation en péril. Des bougies (qui n'ont pas fondu malgré la brusque nappe de chaleur de l'explosion qui a tout détruit sur son passage), au foin heureusement remisé avec quelques animaux dans une cavité du roc, en passant par le papier qui permet à Emmanuel d'écrire son récit, au final, les fournitures dont ils disposent sont légion et là encore, méchante fille que je suis, j'aurais préféré les imaginer dans un dénuement véritablement apocalyptique...

Enfin, (et je m'arrêterai là car je ne voudrais pas vous détourner de ce roman qui reste une bonne dystopie à découvrir pour les amateurs du genre et également pour les adeptes de l'auteur) il faut quand même que je dise un mot sur la place des femmes dans le récit. Vous pourrez difficilement trouver moins féministe que moi et pourtant, j'ai tiqué à la lecture de Malevil sur les rôles dévolus à ses héroïnes. Soit vieilles et bonnes à faire la vaisselle, s'assujettissant d'elles-mêmes dans une dévotion muette et résignée envers la gent mâle. Soit jeunes et ayant difficilement droit à la parole pour exprimer idées et opinions. Aucune ne m'a paru bien crédible dans son comportement et dans ses choix.

Robert Merle a donc choisi de faire de Malevil un roman viril, il l'est sans conteste mais, en pareilles circonstances, on ne saurait nier que la femme est plus que jamais l'avenir de l'Homme. Cela méritait, à mon sens, un peu plus de considération.
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Nous sommes très occupés et pourtant, rien ne nous presse. Nous disposons de vastes loisirs. Le rythme de la vie est lent. Chose bizarre, bien que les journées aient le même nombre d'heures, elles nous paraissent infiniment plus longues. Au fond, toutes ces machines qui étaient supposées faciliter notre tâche, autos, téléphone, tracteur, tronçonneuse, broyeur de grain, scie circulaire, elles facilitaient, c'est vrai. Mais elles avaient aussi pour effet d’accélérer le temps. On voulait faire trop de choses trop vite. Les machines étaient toujours là, sur vos talons, à vous presser.
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Robert Merle vient donc de publier chez Gallimard "Malevil", copieux ouvrage de plus de cinq cents pages, basé sur un thème archi-connu des amateurs de SF : la vie en petites communautés des survivants d'une extermination atomique.
Disons-le tout de suite : ce n'est pas sur le plan de l'originalité en matière de SF qu'il faut juger ce roman.
Durant les deux années sur lesquelles s'étend l'action, de 1977 à 1979, les survivants peints par Robert Merle font en somme tout ce qu'on attend d'eux : regroupement en clans, lutte armée entre bandes errante et sédentaires, retour forcé vers une structure agraire et lent glissement vers le mode de vie d'une société primitive, etc.
Mais ce qui compte c'est que Robert Merle est un conteur prodigieux.
Il est de la race de ces écrivains qui donnent à voir.
La réorganisation de la vie dans la communauté de Malevil, l'interaction des multiples personnages, les difficultés sans nombre qu'ils ont à affronter, tout cela n'est pas seulement raconté mais littéralement véhiculé à bout de bras vers le lecteur, avec une richesse dans le détail qui est le point d'aboutissement de toute une tradition romanesque en littérature.
Même si on est amateur de formes narratives plus modernes et plus neuves, un tel travail de romancier au sens classique ne peut laisser indifférent....
(extrait d'une critique signée Serge-André Bertrand et parue dans le 225ème numéro de la revue "Fiction" en septembre 1972)
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À l’École Normale des Instituteurs, nous avions un professeur amoureux de la madeleine de Proust. Sous sa houlette, j’ai étudié, admiratif, ce texte fameux. Mais avec le recul, elle me paraît maintenant bien littéraire, cette petite pâtisserie. Oh, je sais bien qu’un goût ou une mélodie vous redonnent, très vif, le souvenir d’un moment. Mais c’est l’affaire de quelques secondes. Une brève illumination, le rideau retombe et le présent, tyrannique, est là. Retrouver tout le passé dans un gâteau amolli par une infusion, comme ce serait délicieux, si c’était vrai.
Je pense à la madeleine de Proust, parce que j’ai découvert, l’autre jour, au fond d’un tiroir, un très, très vieux paquet de tabac gris qui avait dû appartenir à l’oncle. Je l’ai donné à Colin. Fou de joie à l’idée de retrouver, après tant de temps, son poison favori, il en bourre sa pipe et l’allume. Je le regarde faire, et dès les premières bouffées que je respire, l’oncle et le monde d’avant resurgissent. À me couper le souffle. Mais comme j’ai dit, ce fut très bref.

(Incipit)
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Dans la société de consommation, la denrée que l'homme consomme le plus, c'est l'optimisme. Depuis le temps que la planète était bourrée de tout ce qu'il fallait pour la détruire - et avec elle, au besoin, les planètes les plus proches -, on avait fini par dormir tranquille. Chose bizarre, l'excès même des armes terrifiantes et le nombre grandissant des nations qui les détenaient apparaissaient comme un facteur rassurant. De ce qu'aucune, depuis 1945, n'avait encore été utilisée, on augurait qu'on n'oserait et qu'il ne se passerait rien. On avait même trouvé un nom et l'apparence d'une haute stratégie à cette fausse sécurité où nous vivions. On l'appelait "l'équilibre de la terreur".
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De la fenêtre ne venait que l'odeur de mort de la campagne carbonisée. Au bout d'une minute, j'avais demandé à Thomas de refermer. Il n'y avait rien d'autre, dans l'obscurité absolue de la chambre, que la respiration des trois hommes, et dehors, de l'autre côté des murs surchauffés, une planête morte. On l'avait tuée en plein printemps, les bourgeons à peine formés, les lapereaux à peine nés dans les terriers. Plus un animal. Plus un oiseau. Plus un insecte. La terre brûlée. Les maisons en cendres. Çà et là, des pieux déchiquetés et noircis qui avaient été des arbres. Et au milieu de tout cela, une poignée d'hommes. Gardés en vie, peut-être, comme cobayes-témoins dans une expérience ? C'était dérisoire. Au beau milieu de ce charnier, quelques poumons qui pompaient l'air. Des cœurs qui pompaient le sang. Des cerveaux d'hommes actifs. Actifs pour quoi ?
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https://www.laprocure.com/product/458979/amis-martin-la-zone-d-interet https://www.laprocure.com/product/374972/merle-robert-la-mort-est-mon-metier
La Zone d'intérêt - Martin Amis - le livre de poche La Mort est mon métier - Robert Merle - Folio
Quel est le lien entre “La Zone d'intérêt” de Martin Amis écrit il y a quelques années, et “La Mort et mon métier” écrit par Robert Merle en 1952 ? On évoque un sujet d'une grande lourdeur. On est pendant la guerre dans le milieu concentrationnaire. Ce n'est pas un témoignage de la vie dans un camp de concentration, c'est presque pire que cela. C'est le quotidien de celles et ceux qui participent à faire en sorte que ce terrible rouleau compresseur qu'est le monde concentrationnaire, ils fonctionnent au quotidien (...). Des lectures qui semble nécessaire. Martin Amis, “La Zone d'intérêt” au Livre de poche. “La Mort est mon métier”, Robert Merle, chez Folio. Stéphane, libraire à la Procure Paris
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