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Critique de MarianneL


Engagé dans l'armée sept ans plus tôt pour fuir sa ville natale et son amitié évaporée avec son ami Kérim San, pilier de sa jeunesse, Charles Zalik revient brutalement du désert rocailleux où il combat vers cette ville de C., après avoir reçu un message anonyme l'informant que «Kérim a attrapé un cancer».
Personnage plus grand que nature dans ses souvenirs, délinquant et bienfaiteur, démon et ange gardien, Charles retrouve, derrière la vitre de la chambre stérile de l'hôpital de C., un Kérim amenuisé par sa bataille contre la maladie et méconnaissable.

«Il était assis, ou plutôt paraissait posé comme une relique sur son lit sans draps et sans couverture, indifférent à la femme en tenue bleu horizon qui s'affairait d'un bout à l'autre de la pièce et lui parlait sans que jamais il ne daigne répondre, le regard fixé sur une fenêtre grillagée de noir qui dispensait une insoutenable blancheur et qui, frappant son visage sous un certain angle, le faisait presque disparaître.»

Loin d'un milieu militaire aux règles simples pour supporter des guerres contemporaines irréelles et indicibles, ce retour dans la petite ville de sa jeunesse, milieu étriqué mais où le sentiment de collectivité naît de la proximité inévitable et chaotique des autres et de la nature, ces retrouvailles malaisées avec un ami dévoré par la leucémie, font resurgir, de manière inattendue et criante, la force de ses expériences de jeunesse vivaces malgré la dérive des vies. En retrouvant Kérim, Charles retourne vers le passé à travers une relation à l'autre sans cesse recréée, avec ses multiples variations de lumière et d'ombre.

«Je le suivis, tenant par la main Cat que je forçai à m'accompagner, et nous rejoignîmes Kérim dans une cellule inoccupée, assis sur le lit, voûté, les yeux levés vers la fenêtre comme si son imagination, la part enchantée de lui-même que j'adorais depuis toujours, était occupée à construire l'échelle d'argent qui pourrait le mener au quartier de lune qu'on voyait s'extirper de la masse sombre des forêts et percer les nuages. À la vue de cet homme qu'enfin il me sembla retrouver, à son sommet ou à son plus bas il ne m'appartenait pas de le dire, son visage à nouveau jeune dans la clarté de lune, sous l'influence magique de la lune qui s'était emparée de lui et, après avoir opéré subtilement, faisait monter vers elle tous ses maux, à la vue de cet ami qui s'abandonnait, pendant un instant, pour s'accorder au temps et aux choses tels qu'ils étaient et non tels qu'il les désirait, mon orgueil tomba, et ma peur de me livrer aussi, de ne pas être à la hauteur, disparut d'un coup.»

L'ampleur des phrases de ce deuxième roman de Loïc Merle, leur avancée en longues spirales raconte superbement la complexité de l'expérience humaine, les atermoiements liés à ce qu'on a tenté ou a ce que l'on n'a pas accompli, le retour vers et la dissolution des idéaux de jeunesse comme tremplin pour grandir, seul, invaincu.
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