Toute la noirceur du monde est un roman du, hélas, trop méconnu Pierre Mérot, surtout réputé pour le magnifique
Mammifères (Prix Flore 2003) qui, un peu à la manière d'un
Houellebecq, auscultait avec dérision, cynisme et poésie le désarroi du mâle quadra contemporain.
L'histoire de ce roman, son huitième, pa
ru dix ans plus tard, est un roman en elle-même. Manuscrit refusé par Grasset, il est annoncé chez Gallimard, qui finalement fait volte-face et renonce. Stock reprend le manuscrit et l'inscrit à son agenda, avant de renoncer finalement quatre mois avant la publication. Après ce jeu de chaises musicales qui fit grand bruit dans le microcosme littéraire, l'ouvrage est finalement récupéré par Flammarion qui le publiera en demandant à Pierre Mérot d'y ajouter une préface de mise en perspective et d'explication. C'est que ce récit de l'auteur de
Mammifèresdonne de nombreux bâtons pour se faire battre et mettre mal à l'aise éditeurs et lecteurs. Il retrace la dérive d'un professeur de lycée au bout du rouleau qui par désespoir et haine envers son prochain va devenir militant d'extrême droite, puis serial killer.
Raciste, alcoolique, pédophile, manipulateur et tueur, voilà le portrait d'un homme atroce que l'auteur cherche pourtant à rendre, d'une certaine façon, touchant. Il essaye en tout cas de dépasser le simple regard réprobateur ou froid sur un monstre et de nous faire toucher du doigt sa part d'humanité blessée. L'homme est inconséquent et fou, mais pas véritablement abject, malgré ses épouvantables méfaits.
L'entreprise est osée et certains passages, dont la fin, ne sont pas loin de donner la nausée. On sent aussi une vraie volonté un peu puérile de choquer le bourgeois et d'écrire des horreurs avec un sens du mauvais goût et du cynisme assumé.
Mais au-delà de la posture provocante, le parcours apocalyptique de ce french psycho porte en lui une très belle proposition. C'est que Pierre Mérot est un auteur. Un homme de style et de goût (littéraire) malgré les dégoûts que peuvent susciter certains propos du héros ou certaines aventures qu'il vit. Alors oui, c'est parfois choquant ou bêta, ou bêtement choquant. Il y a presque un esprit potache et bas de plafond chez ce Patrick Bateman (nom du héros du
American Psycho de
Brett Easton Ellis) franchouillard, mais ses terribles pérégrinations sont truffées de fulgurances poétiques et de vérités puissantes et tristes. La plume de Mérot est à la fois douce et tranchante et ce n'est pas tous les jours que l'on trouve un auteur contemporain français capable de telles envolées.
Un livre malade, mais d'un véritable auteur, qui n'a hélas pas trouvé avec ce livre le chemin pour rendre justice à son talent.
Tom la Patate
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