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EAN : 9782246824657
208 pages
Grasset (04/05/2022)
3.62/5   67 notes
Résumé :
Natalia a décidé de changer de vie en emménageant dans un petit village, La Escapa. Traductrice, elle a quitté son quotidien de citadine pour trouver le calme nécessaire à son prochain projet littéraire – et fuir certains fantômes du passé. Dès son arrivée, les relations avec son nouveau propriétaire se tendent. Comme convenu, il lui a trouvé un chien pour lui tenir compagnie, un animal qu’elle décide de nommer Chienlit, mais cela ne compense pas l’état déplorable d... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (29) Voir plus Ajouter une critique
3,62

sur 67 notes
Étrange atmosphère, étranges personnages. Une maison délabrée louée par une femme encore jeune qui semble résignée à tout et dont ne sait d'où elle vient et pourquoi elle s'est réfugiée dans cet endroit glauque prenant comme compagnon un chien à moitié sauvage. Autour d'elle orbitant «  un hippie » super cool qui fabrique des vitraux de goût douteux , « un Allemand » qui fait d'étranges propositions de troc sexuel, un voisin marié qui la drague et un propriétaire mal élevé et mesquin , celui de la maison délabrée…. Bienvenue à La Escapa,un village perdu de la Rioja ! Voilà pour le décor de ce livre au titre banal, d'une écrivaine espagnole dont je viens de faire la connaissance.

La femme c'est Nat, une femme qu'on peine à déceler. Elle a visiblement décidé de brouiller les anciens repères de sa vie, mais vu que ni sa mémoire , ni son âme ne sont vierges, elle n'arrive pas à s'en détacher . Bien que ne désirant pas approfondir, elle ne peut s'empêcher de penser, analyser et juger. Sara Mésa à travers ce personnage à l'apparence indifférente, va nous dérouter de pages en pages, instaurant un malaise par le biais « d'une histoire d'amour » qui relate l'ambiguïté et la différence entre femmes et hommes, entre la réalité et l'imaginaire des ressentis et de leurs manifestations, dans un monde où « chacun parle une langue différente », et où se révèle une part d'entre nous immense et inconnue, labyrinthique et insatiable dans des circonstances inattendues. le silence est au coeur du récit, « Autour, il n'y a que le silence : cet éternel silence fictif ». Un roman âpre, original, dont la prose délicate fascine par sa pudeur dans le choix des mots.

« — Donc c'est moi, mais ça pourrait être n'importe quelle autre femme……
— Ça aurait pu être une autre et j'aurais pu être un autre aussi. Comme toujours. »

« …on n'atteint pas sa cible en visant, mais avec insouciance, à travers des oscillations et des détours, presque par hasard. »


Un grand merci aux éditions Grasset et NetGalleyFrance pour l'envoie de ce livre.
#Unamour #NetGalleyFrance
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Récompensée par de prestigieux prix littéraires espagnols, Sara Mesa est devenue en quelques années une autrice incontournable de la littérature espagnole contemporaine.
Véritable événement littéraire en Espagne, son dernier roman, « Un amour », a été désigné « meilleur livre de l'année » par plusieurs journaux espagnols.

« Un amour » m'a attirée par sa belle couverture, par la simplicité de son titre. Mais, cette lecture a été très différente de celle à laquelle je m'attendais.

*
Nat, une jeune traductrice décide de changer de vie et s'installe dans le petit village rural de la Escapa dans le désert d'Almeria. Elle y loue, auprès d'un propriétaire véreux, intrusif et particulièrement répugnant, une maison délabrée avec un jardin pitoyable. Comme il a été décidé, l'homme lui a trouvé un chien pour lui tenir compagnie, mais ce chien craintif paraît avoir subi des mauvais traitements de son ancien maître et se laisse difficilement approcher.

« Quand elle s'accroupit à côté de lui, se mettant à sa hauteur pour ne pas l'effrayer, il se sauve la queue entre les jambes. À cause de cette attitude agaçante, elle se met à l'appeler Chienlit, parce qu'il faut bien lui trouver un nom. Chienlit n'est pas seulement farouche, il est aussi énigmatique. Il rôde dans les parages, mais c'est exactement comme s'il n'était pas là. »

Nat essaie sans succès de travailler sur la traduction d'un livre, mais ses journées sont longues et solitaires, laissant libre court à des pensées parasites qui envahissent son esprit et son quotidien.

« Mieux vaut ne pas penser, mais les pensées surgissent et se frayent un chemin en elle, s'entassent. Elle voudrait qu'elles ressortent aussi vite qu'elles sont entrées, pourtant elles s'accumulent à l'intérieur, l'une par-dessus l'autre. Cette simple volonté – tenter de les restreindre à un unique aller-retour plutôt que de les laisser s'accumuler – est en soi une pensée trop intense pour son cerveau.
Quand elle aura le chien, ce sera plus facile. »

*
Dans ce monde rural très fermé et rude, son choix de vie dérange et amène la méfiance : elle est une étrangère, une femme seule et indépendante. Ainsi, elle a du mal à se faire accepter, à tisser des liens avec les habitants du hameau trop peu nombreux et intolérants.
Ses voisins les plus proches sont un couple de personnes âgées et malades ; Andréas baptisé « l'Allemand » sans aucune raison, un homme taciturne qui vit des produits de son jardin ; Piter, un vitrailliste hippie; et une famille.

L'histoire commence vraiment lorsqu'un orage particulièrement violent éclate. La maison prend alors l'eau de toute part.
Le propriétaire refusant d'entreprendre des travaux dans la maison, Andréas lui propose un étrange marché (sans aucune équivoque) contre la réparation du toit de la maison.

Nat est une jeune femme ordinaire, à un croisement de sa vie où elle est en mal de reconnaissance, vulnérable, désorientée, déracinée, seule. Est-ce pour cette raison qu'après avoir refusé dans un premier temps la proposition de son voisin, elle décide finalement d'accepter ?

« Un changement a commencé à s'opérer en elle. Sa fureur se dissout et cède le pas à un vide dont l'écho assourdit tout son corps. Elle est tombée au fond d'un puits où elle est en train de se noyer. »

Lorsque l'amour arrive sous une forme à laquelle elle ne s'attend pas, on peut se demander si c'est vraiment de l'amour. J'y ai vu davantage une histoire sur l'incapacité d'aimer et de communiquer, sur le besoin de rompre sa solitude, de rechercher un plaisir dans le sexe.
Par cette relation troublante, malsaine, obsédante et cette dépendance gênante, l'autrice cherche à créer un trouble chez le lecteur, elle y réussit parfaitement bien.

« Est-ce une obsession ? Oui, sans nul doute, c'est une obsession. Mais pas seulement, se dit-elle. C'est un rapt, une métamorphose, une transformation radicale du tableau prévisible. Ce qui était à l'extérieur, au loin dans le paysage, ce qui était invisible et sans intérêt, est désormais en elle, la hante, l'ébranle. »

*
La narration est sobre, sèche, écorchée, propice à rendre l'atmosphère oppressante et malaisante. Tout est fait pour nous faire ressentir les émotions, les sentiments, les doutes, les blessures, la méfiance de la jeune femme qui se sent à la fois contrainte et menacée. Les paysages nus, la montagne qui domine et écrase le village, l'atmosphère inquiétante et insécure, les personnages masculins dérangeants, les silences envahissants, tout amène à créer une ambiance étouffante et pesante.

« Il suffit d'un frôlement, d'un nouveau rapprochement, pour que l'engrenage se remette à tourner. Remords et désir, soif et vertige s'alternent, telles les dents du rouage. »

Le sort semble s'acharner sur elle : les personnes qui gravitent autour d'elle, toutes les mauvaises décisions qu'elle prend, l'excluent, la marginalisent et la fragilisent chaque jour un peu plus. le lecteur sent bien qu'elle se dirige droit dans le mur, qu'il va assister, impuissant, à son effondrement psychologique.
Je dois dire que, même si je n'ai pas compris cette femme, j'ai tout de même eu de l'empathie pour elle. J'ai ressenti sa peur, sa colère, sa fragilité, son besoin d'amour et d'attention.

*
Si ce roman semble me décevoir, c'est que cet amour a été frustrant et trop dur pour moi.
Le titre et la couverture représentant un lévrier m'ont également induite en erreur. Cet amour, je pensais, peut-être bêtement, que c'était son chien qui le lui apporterait. Je pensais que chacun se reconstruirait dans l'amour de l'autre.
Le chien tient une place importante dans le roman, mais pas celle-ci.

Malgré ma déconvenue, je dois reconnaître que Sara Mesa a le talent pour raconter une histoire qui n'est pas belle, une histoire dans laquelle prédomine des sentiments intenses, profonds, douloureux, sombres, violents, effrayants. L'autrice a su provoquer les lecteurs en les plaçant dans une situation incommodante, car l'amour peut parfois prendre différentes formes ou des chemins détournés, alambiqués, hasardeux, dangereux.
La fin est déconcertante, je ne m'y attendais pas.

*
« Un amour » est un petit roman sur le désir, sur l'image que les autres nous renvoient comme un miroir, sur le besoin d'exister dans le regard de l'autre et en particulier celui des hommes, sur les attentes de chacun dans une relation.
C'est un roman étrange, douloureux, froid, triste qui surprend par son approche inattendue.
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Sans qu'on sache très bien pourquoi au départ, Natalia, jeune trentenaire, a décidé de changer de vie. Elle a quitté sa ville et son boulot de traductrice en entreprise pour s'installer à La Escapa (la bien nommée : « escapar » signifie « échapper »), petite localité isolée de l'Espagne profonde, pour se consacrer à sa carrière de traductrice littéraire.

La nouvelle vie de Natalia est cependant loin d'être idyllique. La Escapa est un bled paumé, aride et quasi-désert, à proximité d'une montagne dénommée Glauco (faut-il traduire?), la petite maison qu'elle occupe est délabrée et son propriétaire est un escroc au regard lubrique, et les habitants du village se méfient de cette étrangère et de sa décision saugrenue de s'installer dans cet endroit sans charme. Parmi ceux que côtoie néanmoins la jeune femme, il y a en particulier Piter, le hippie local, étranger lui aussi mais bien intégré dans la communauté, un type sympathique mais un peu intrusif et dispensant des conseils moralisateurs. Il y a aussi la jeune fille qui tient la supérette et rêve de s'enfuir à la ville, des voisins qui débarquent le week-end dans leur maison de campagne, et Andreas, surnommé « l'Allemand », taciturne et dont, paraît-il, elle devrait se méfier. Pour compléter cet entourage étriqué, Natalia, qui avait demandé à son propriétaire de lui trouver un chien pour lui tenir compagnie, se voit refourguer un cabot très peu sociable, qu'elle baptise Chienlit.

Malgré ses efforts, Natalia a du mal à s'intégrer, et le malaise s'épaissit encore lorsqu'un violent orage endommage la toiture de sa maison et qu'elle accepte l'offre de l'Allemand de réparer les dégâts moyennant rétribution en nature. Les rumeurs se répandent dans un silence assourdissant et Natalia se sent de plus en plus isolée, méprisée, jusqu'à ce qu'éclate le drame causé par Chienlit.

Ce qui devait être un renouveau pour la jeune femme s'avère être une lente descente dans un puits sans fond de doutes existentiels et de solitude, au point de fantasmer sa relation avec l'Allemand et d'y perdre sa dignité et, inévitablement, d'en souffrir.

Sara Mesa s'y entend pour installer une ambiance de tension diffuse de plus en plus pesante et inquiétante, et pour camper des personnages incarnés et complexes. Elle décortique avec une grande finesse psychologique les questionnements de Natalia, anti-héroïne qui se laisse dériver et qu'on voudrait secouer, pour laquelle on n'éprouve pas de réelle empathie mais qui ne laisse pas indifférent.

Sur les thèmes de la solitude, de la manipulation, des faux-semblants, de l'incommunicabilité, des choix de vie et du respect des autres et de soi-même, « Un amour » est un roman ambigu, rude et captivant.

En partenariat avec les Editions Grasset via Netgalley.

#Unamour #NetGalleyFrance
Lien : https://voyagesaufildespages..
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La Escapa, village perdue en Espagne , où sans les téléphones portables et les voitures , le temps se serait arrêté il y a quelques siècles.
Nat vient de s'y installer , on ne sait trop pourquoi. Elle est traductrice mais semble mal dans sa peau, craintive. Autour d'elle, Piter assimilé à un "hippie", des gitans , une folle, l'Allemand , au surnom incompréhensible Et le week end , le couple de bobo qui vient se ressourcer au milieu des ploucs .
Mais le premier contact de Nat , c'est son proprio, qu'on pourrait surnommer le con , tellement il coche les cases. Il lui laisse un chien , pas forcément d'une sympathie débordante.

Très belle lecture , portée par un écriture incisive , puissante et précise. Les personnages , avec leur part de mystère, sont remarquablement introduits et leurs différents caractères rendent ce roman presque inclassable.

Nat bien sur cristallise l'attention mais ses rapports avec ses voisins permettent de mettre en exergue la vie de ces gens , simples , qui ne se posent pas trop de questions mais qui se doivent de réagir cliniquement face à certaines situations.
Les rapports humains dans une communauté fermée sont magistralement évoqués , notamment la relation entre Nat et l'Allemand.
Mais si ce livre n'était tout simplement qu'une façon de montrer que l'on a tous besoin d'amour, quelle qu'en soit la forme ?

On regrettera une nouvelle fois , la quatrième de couverture qui nous annonce un fait important se passant à 30 pages de la fin . Mais c'est quoi le concept ?

Une très belle découverte, qui a trusté les récompenses en Espagne .
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Cicatrice, livre précédent de l'autrice m'avait laissé une forte impression, et je voulais voir si Un amour allait suivre le même sillon.
Le titre déjà, Un amour, mais où Sara Mesa est-elle allée chercher ce titre, car il n'y en a pas trace dans le livre, ou alors je n'ai pu l'entrevoir. Ou bien était-il en creux dans l'histoire, dans les marges, dans les espoirs de l'héroïne, ou dans son passé ?
Nat, la trentaine, dont on ne connait rien, hormis le fait qu'elle travaillait en tant que traductrice commerciale et qu'elle a commis un vol non expliqué, part s'installer à la campagne dans une maison de village en piteux état, le propriétaire, antipathique à souhait, refusant de s'occuper de son entretien.
Il lui laisse, à sa demande, un chien étrange, qu'elle va parvenir à domestiquer et qui va prendre de l'importance dans la suite du roman.
Nat fait progressivement la connaissance de son voisinage, Piter, le "hippie" du coin, avec qui elle noue une relation impersonnelle, des gitans, un couple de personnes âgées un peu dérangées, et surtout "l'Allemand", un homme taciturne qui lui propose "d'entrer en elle" en échange de travaux de réparation de sa toiture.
La voici embarquée dans une histoire improbable et indéchiffrable avec cet "Allemand" qui ne semble pas prêt à lui donner quoique soit, ni mots, ni tendresse.
Sara Mesa installe d'entrée de jeu un climat glauque et malsain. Son héroïne, dont la quête est mystérieuse, est en proie à des démons, à une culpabilité envahissante. Ses relations sont teintées de crainte, de suspicion et de paranoïa, surtout avec les hommes en qui elle voit des prédateurs, mais dont elle peut aussi parfois se trouver sous la dépendance.
Nat semble avoir perdu ses repères ; elle navigue à vue et rêve une histoire imaginaire. Qu'est-elle venue chercher dans ce coin perdu de la Rioja, où les étrangers sont mal vus et où les ragots circulent vite ? Pourquoi cette citadine s'immerge-t-elle en milieu hostile ? Doit-elle racheter une faute impardonnable ?
La dynamique du personnage d'Un amour rappelle celle de Cicatrice. Des jeunes femmes sont prêtes à s'avilir, à s'oublier et à toucher le fond, dans le cadre de relations de séduction ambigües, pour mieux rebondir et en sortir éclairées et comme lavées de leur honte. Une démarche cathartique en somme...
Un roman puissant, âpre, dérangeant sur le thème de l'incommunicabilité.
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critiques presse (2)
LeMonde
24 août 2022
out le roman développe une méditation poignante sur le dehors et le dedans, servie par la belle traduction de Delphine Valentin, attentive à suivre ce fil qui fait aussi d’une manière incroyablement subtile le départ entre le masculin et le féminin dans leur lien au sexe.
Lire la critique sur le site : LeMonde
LeFigaro
05 mai 2022
L'écrivaine reprend les thèmes de la solitude, de la culpabilité, de la domination, de la perception déformée de la réalité et de la manipulation des sentiments.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Sur la table, la traduction est restée à la page où elle l’avait laissée, une réflexion autour du silence, de notre silence en particulier, une qualité de silence en particulier. Mais si le silence est l’absence de mots, comment un silence en particulier pourrait-il exister ? Les silences ne devraient-ils pas être tous les mêmes, comme la couleur blanche est toujours la même ? Il est donc évident que ce qui distingue les silences, c’est ce qui les entoure, à commencer par leurs causes.
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Elle se concentre pour maîtriser les idées qui grandissent en elle, pour leur trancher les extrémités du mieux qu’elle peut.
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Le paysage frappé par la sécheresse est parsemé d’oliviers, de chênes-lièges et de chênes verts. Les cistes à gomme, poisseux et humides, offrent les rares fleurs qui viennent égayer la terre. Seule la silhouette du Glauco, une petite montagne d’arbustes et de buissons qu’on dirait dessinée au fusain sur le ciel nu, vient rompre la monotonie du paysage. On prétend qu’il y a encore des sangliers et des renards sur le Glauco, bien que les chasseurs qui le gravissent n’en reviennent qu’avec des chapelets de perdrix et des lapins ficelés à la ceinture. Elle est sinistre cette montagne, pense Nat, puis elle tente immédiatement de chasser cette pensée. Pourquoi sinistre ? Glauco est un vilain nom, c’est sûr ; elle suppose qu’il lui vient de sa couleur terreuse et blême. Elle associe le mot glauque à un œil malade, souffrant de conjonctivite, ou aux yeux des vieux, vitreux et rougis, comme embués. Elle se rend bien compte qu’elle se laisse contaminer par la signification de glaucome. Le hasard fait que le mot glauque apparaît dans le livre qu’elle essaie de traduire, attribué au personnage principal, le père redoutable qui, à un moment donné, invective fort cruellement l’un de ses enfants, tout en plantant sur lui, précise le texte, son regard glauque. Au début, Nat avait pensé à une pathologie oculaire, puis elle avait compris qu’un regard glauque est simplement un regard vide, inexpressif, le genre de regard où la pupille reste morte, presque opaque. Quel est donc le sens précis ? Vert clair, verdâtre, maladif, flou, fuyant ? Elle devra orienter la suite du paragraphe en fonction du mot qu’elle choisit. Opter pour une traduction littérale, sans comprendre l’esprit authentique de la phrase, cela reviendrait à tricher.
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C’est quand la nuit tombe que le poids s’abat sur elle, si lourd qu’elle doit s’asseoir pour reprendre son souffle.
À part le silence, ça ne ressemble pas à ce qu’elle avait imaginé. En réalité, ce n’est pas vraiment du silence. Il y a une rumeur lointaine, comme un bruit de route, alors que la route la plus proche est une départementale, à trois kilomètres de là. On entend aussi les grillons, des aboiements, le klaxon d’une voiture, les cris d’un voisin pressant son troupeau, déjà de retour.
La mer c’était mieux, mais plus cher aussi. Au-dessus de ses moyens.
Et si elle avait tenu un peu plus longtemps, économisé davantage ?
Elle préfère ne pas y penser. Elle ferme les yeux, s’affale lentement sur le canapé, se retrouvant la moitié du corps dans le vide, dans une posture contre nature qui provoquera des crampes si elle ne bouge pas rapidement. Elle s’en rend compte. S’allonge comme elle peut. S’endort.
Mieux vaut ne pas penser, mais les pensées surgissent et se frayent un chemin en elle, s’entassent. Elle voudrait qu’elles ressortent aussi vite qu’elles sont entrées, pourtant elles s’accumulent à l’intérieur, l’une par-dessus l’autre. Cette simple volonté – tenter de les restreindre à un unique aller-retour plutôt que de les laisser s’accumuler – est en soi une pensée trop intense pour son cerveau.
Quand elle aura le chien, ce sera plus facile.
Quand elle aura organisé ses affaires, installé sa table et arrangé le terrain autour de la maison. Quand elle aura arrosé – tout est si sec – et nettoyé – si mal entretenu. Quand il fera plus frais.
Tout ira beaucoup mieux quand il fera plus frais.

(Incipit)
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Sa nostalgie reste immense. Parfois, ses seins gonflent sous l’effet du désir, tout son corps fourmille d’angoisse à son seul souvenir. Et pourtant, les traits de son visage ont commencé à s’effacer. Elle ferme les yeux et tente de les retenir, mais ils s’évanouissent malgré tout. La sensation de perte s’étend, gagnant rapidement du terrain sur la mémoire.
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