« Mizoguchi Kenji est au cinéma ce que J.-S. Bach est à la musique,
Cervantès à la littérature,
Shakespeare au théâtre, Titien à la peinture : le plus grand. » (
Jean Douchet)
Mizoguchi a su au long d'une carrière qui débuta à l'époque du cinéma muet créer un style fort et original, en artisan passionné et exigeant, bien qu'autodidacte, préférant aux artifices du montage de longs plans séquences, lesquels donnent à ses films plus d'unité et de profondeur, plus de réalisme, une tension dans le jeu des acteurs qui en accentue la force dramatique. Cette objectivité qui a été pour Mizoguchi un souci constant n' exclut pas de ses films le lyrisme et la poésie, sans sentimentalisme, une beauté formelle qui met le réalisateur au rang des grands magiciens du 7ème art. Individualiste, révolté, chacun de ses films est une remise en question de l'ordre social, Mizoguchi a été aussi plus qu'aucun autre sans doute le cinéaste de la condition des femmes. Celui qui, après le tremblement de terre du Kanto, avait choisi de vivre à Kyoto plutôt qu'à Tokyo, montre le monde suranné et violent des geishas. Comment oublier Omocha des "Soeurs de Gion" ? la jeune geisha qui se révolte avec cynisme contre tous les hommes, magnifiquement interprétée par Yamada Isuzu qui lui prête son charme et sa rage. dans les "Femmes de la nuit" et "La rue de la honte", son ultime chef d'oeuvre, le cinéaste aborde la prostitution dans le désarroi du japon d'après guerre.
Michel Mesnil revient dans cet essai sur ce parcours exceptionnel. Il s'appuie aussi sur de nombreux documents et témoignages, soulignant non seulement l'oeuvre, mais aussi la personnalité et la vie du cinéaste , lequel incarne le mieux avec Kurosawa, Ozu et Naruse le cinéma classique japonais.