Coming out

Le monde, autour de moi, disparaît. Mon corps vibre et il a faim. Nous emmêlons nos langues. Mes mains caressent son visage. Ses doigts explorent mon cou. Puis, je râle. Elle respire bruyamment. Sans que je m’en rende compte, Anne se retrouve sous moi et gémit de plaisir sous mes caresses insistantes. J’ai envie de la toucher partout et de la déguster. Mes craintes envolées, je ne suis que désir, un désir refoulé depuis des mois et d’autant plus fort. Anne déboutonne mon chemisier de ses doigts tremblants et caresse mon buste. Les pointes de mes seins sont dures comme de la roche. Ayoye ! Mon corps est sur le point d’exploser de plaisir… Difficile de croire que mon rêve se réalise. Anne me désire !

Je déteste cette peur incontrôlable qui me saisit et me paralyse chaque fois que je veux m’ouvrir à mon ami ! Ou aux autres ! Me cacher, faire semblant d’être hétérosexuelle et me mentir (ou mentir à mes parents !), tout cela m’épuise. Je dois prendre une décision. Suis-je enfin prête à rencontrer quelqu’un ? À risquer que les autres cégépiens découvrent mon homosexualité ? Que mes parents apprennent que je suis lesbienne ? Est-ce que j’aurai enfin le courage de m’accepter une fois pour toutes ? C’est désespérant, toutes ces questions !

Depuis que j’ai fait ma sortie du placard, je suis dans un tel état d’excitation… On dirait que je viens de me réveiller d’un long sommeil. Les couleurs sont plus claires, la vie est plus belle, mon corps, plus léger ! Je revis littéralement et j’ai follement envie de ma copine. Mes deux mains sur son visage, ma langue agace sa lèvre inférieure et je la glisse dans sa bouche. Un gémissement m’échappe. Anne caresse doucement mes avant-bras. On dirait qu’elle se retient de me rendre mon baiser.

Chaque fois que quelqu’un découvre que je suis lesbienne, c’est la crise. Ariane me reprochait de lui avoir caché la vérité, et maintenant, ma mère me traite de menteuse. Comment pourrais-je blaguer avec ça ? Je n’ai rien fait de mal à part me protéger en gardant ce secret pour moi. Pourquoi est-ce que personne n’est capable de comprendre que j’ai souffert en découvrant que je suis lesbienne ? Que je souffre toujours en devant garder ça pour moi ? Est-ce si compliqué de se mettre à ma place ?

Je me sens comme dans un film lorsque le personnage principal découvre, devant lui, la personne de ses rêves. Anne est entourée de flocons, ses joues sont rosées et son sourire brille, comme ses jolis yeux bleus. Je suis si contente de la voir que je lui saute dans les bras, mouillant mes chaussettes, par le fait même, en enfonçant mes pieds dans la neige glaciale. Anne semble surprise. Tant pis ! J’ai besoin de la serrer contre moi.

On fait comment pour deviner l’orientation sexuelle d’une personne ? C’est frustrant de ne pas savoir !

Ma peur de me confier ou de m’attacher à quelqu’un me bloque. Si on découvrait que je suis lesbienne, me jugerait-on, ici, au cégep ? Les étudiants semblent plus ouverts d’esprit, ils font chacun leurs petites affaires, mais j’ai quand même peur. Ça fait plus d’un an que je cache mon homosexualité à tout le monde, surtout à mes parents, trop effrayée à l’idée qu’ils la découvrent. Plus le temps passe, plus cette solitude me pèse.

Son odeur me rend folle. Et JE SAIS que la mienne attise aussi son désir. Il existe une chimie naturelle entre nous, pas explicable. Léa soupire toujours en respirant mon parfum. Elle a des frissons partout sur le corps quand je la caresse. Je sais que ça ne faisait pas longtemps qu’on se fréquentait, mais c’était tellement bon d’être avec elle ! Comment peut-elle cracher là-dessus ? Qu’est-ce que je donnerais pour lui faire entendre raison ! Si je la prenais dans mes bras, en ce moment, je suis sûre qu’elle changerait d’idée. Si je pouvais au moins la revoir une dernière fois… mais elle ne veut même pas me parler de vive voix.

Léa a toujours eu la mauvaise habitude de me quitter pour n’importe quelle raison, juste pour éviter qu’on se retrouve trop longtemps ensemble, surtout en public. Quand elle est restée loin de moi, à l’hôtel, pour éviter que la réceptionniste devine qu’on était plus que des amies. Ou lorsqu’elle a retiré ses mains des miennes, au bar, après que je les lui ai prises. Dans le fond, ça ne m’étonne pas qu’elle décide de rester dans le placard. Elle n’a jamais voulu se montrer au grand jour avec moi. La preuve, aujourd’hui, tout ce qu’elle a accepté de faire, c’est de rester dans mon appart pour faire l’amour.

Le parfum floral de sa peau m’enivre. Je nous revois, une demi-heure plus tôt, dans son lit, complètement nues, et je frissonne. Elle me fait de l’effet, cette fille-là. Ça n’a pas de sens comme notre relation est physique. J’ai juste envie de la toucher. Même inquiète et démoralisée, je sens mon cœur palpiter en humant son odeur.