Celia de Serna eut un jour une vision
Elle donnera naissance à cinq enfants
Et l'un d'entre eux, Ernesto Guevara
Sera comme une forêt
Comme une terre prodigue de graines
Comme un fleuve bouillonnant
Comme une flamme escaladant l'espace, brûlant tout sur son passage
Ou comme une image flottant à l'horizon
Loin des hommes mais pour les hommes
Près du ciel mais loin de Dieu
Infatigable comme une armée de termites
Toujours luttant
Toujours debout et souriant
Énergique et facétieux
Athlétique et courageux
Aimant la vie sous toutes ses formes
Aimant ses frères, ses sœurs et ses semblables
Interrogeant sans fin
Le ciel, les nuages, la pluie
La poussière que soulèvent les semelles
Et l'impénétrable maître du souffle qui nous anime
Les couchants étincelants
Poudre d'or de légende
Promesse de drames et de passions
L'exaltaient
Né à l'ombre de la parole
Grandi dans le creuset de la révolte
Il voulait bannir l'amertume, l'humiliation
Gommer les flétrissures
Infuser l'ardeur et la gaieté
Chanter l'espoir et la joie
Animé par la volonté de comprendre
Il abhorrait les mascarades, les mises en scène
Là où cessait la ferveur
Où naissait la souffrance
Où criaient les douleurs
Où pleuraient les malheurs
Lumumba était là
Muhammad clame la beauté du noir
La plus belle des couleurs
Celle qui donne tout son éclat
Au soleil, à la lune et aux étoiles
Et qui confère grandeur et gravité
Aux cérémonies solennelles
Puissent les hommes qui l'incarnent
Vivre enfin dignement
Lu par l'auteur, ce poème de Jean Métellus, "Voyance", inaugure son recueil de poésie du même nom, Voyance, publié pour la première fois aux éditions Hatier (Paris, 1984), pages 5-7.
Il est reproduit sur Île en île avec la permission de l’auteur.
© 1984 Jean Métellus ; © 2004 Jean Métellus et Île en île pour l'enregistrement audio
Enregistré à Paris le 30 mars 2004