Grace à ces deux auteurs, René le Philosophe a maintenant sa bande dessinée. Philosophe mais aussi mathématicien, physicien de génie... C'est une réussite et un vrai plaisir d'avoir entre ses mains ce volume qui s'adresse à tous. Et il tombe à pic pour éclairer sur ce
Descartes toujours aussi présent aux alentours, surtout en Touraine où les lycées, les rues portant son nom se comptent par dizaines. J'ai adoré le texte simple et érudit de
Francis Métivier allié à la qualité des illustrations et de la mise en page de Mickaël Roux dans un style BD aux illustrations « enfant », une belle association de contraires, source de fraicheur et d'humour.
Cette manière de présenter
Descartes est habile, avec une biographie très précise intégrant les principaux écrits du philosophe, le contexte de l'époque, avec sa vie personnelle et familiale. Loin du docte savoir, on apprend ici en s'amusant tout comme
Descartes semble avoir mené sa vie, s'intéressant à toutes les sciences et cherchant des explications à tout.
Après le droit à Poitiers et l'étude à Paris, afin de voir du pays, il part en Hollande, au Danemark puis en Allemagne où il s'engage quelques temps dans l'armée du duc de Bavière. Il réfléchit au fondement d'une science admirable. Il fera plusieurs séjours aux Provinces-Unies, à Amsterdam notamment, où il trouve une terre d'accueil, de tolérance intellectuelle et de liberté d'expression.
Ce n'est pas chose aisée au XVIIe siècle de penser par soi-même. L'Église veille. A huit ans il part étudier chez les jésuites. L'enseignement est scolastique, mélange de métaphysique d'
Aristote et de théologie chrétienne. Face à cette rigidité sans controverse possible, il parviendra à partir du doute, pas à pas, à développer sa méthode, une véritable révolution. Il écrit « Traité du monde et de la lumière en 1633 », l'année de la condamnation de
Galilée par l'Église pour avoir affirmé que la terre tourne autour du soleil et non l'inverse.
Sa vie personnelle n'est pas très gaie. Sa mère Jeanne meurt alors qu'il a treize mois. Il vit maritalement avec sa servante Hélène Jans. Une petite Francine naît de cette liaison, mais elle meurt à cinq ans de la scarlatine. Plus tard il s'intéressera aux princesses protectrices des arts et des lettres : Élisabeth de Bohème puis
Christine de Suède...
A 53 ans, en 1649, il accepte l'invitation de la reine
Christine de Suède, qui lui commande « un ballet à la gloire de la paix, ainsi qu'un projet d'Académie. » Mais notre philosophe n'ira pas jusque-là car il meurt en 1650, officiellement d'une pneumonie. Une thèse dit qu'il aurait été empoisonné à l'arsenic. Aurait-il eu trop d'influence sur la Reine ? En tout cas cela éclaire sur les risques de l'époque d'exercer sa liberté...
Descartes avait pourtant appris à avancer masqué – son célèbre mot : Larvatus prodeo – afin de se protéger. Son
Discours de la méthode et la plupart de ses écrits ont contribué à désacraliser le pouvoir de l'Église, pouvoir reposant sur des fidèles dressés à accepter la parole dite divine sans objection. Après lui, la philosophie s'ouvre, se fait multiple. La révolution de 1789 arrivera dans un peu plus d'un siècle seulement.
A la fois bande dessinée et livre de philosophie... Un classement difficile pour un livre passionnant qui ravira autant les lecteurs souhaitant passer un bon moment que ceux cherchant à décrypter la pensée d'un de nos grands philosophes. Vous l'avez compris, j'aime
Descartes et j'aime l'approche qu'en fait
Francis Métivier, dans la foulée de son excellent livre chroniqué sur ce blog, au titre accrocheur «
Kant à la plage,
la raison pure dans un transat ».
Mon avis concernant
Descartes aujourd'hui : la pensée du grand philosophe est souvent caricaturée. Il faut relire
Descartes, lire cette formidable bande dessinée permettant d'aborder réellement cette pensée complexe. S'il est mentionné ici de sa théorie « des animaux-machine » – distinguant l'homme pensant de l'animal machine – cela ne gomme pas tout le reste et surtout pas la liberté de la pensée. A mon avis, juger
Descartes sur ce seul aspect est une erreur, peut-être une malhonnêteté. N'est-ce pas une façon pour lui, maladroite certes, de laisser des gages à l'Eglise ?
Montaigne avait un siècle auparavant une autre approche avec ses animaux pensants, mais il devait également trouver protection auprès des puissants. Et peut-on juger
Descartes quatre siècles après ? Autre point de controverse : faut-il l'accuser pour avoir voulu se « rendre comme maîtres et possesseurs de la nature », « nous servir de nos connaissances pour fabriquer des machines, avoir une vie plus commode et être en meilleure santé. » ? Si les antibiotiques avaient existé, sa petite Francine ne serait pas morte à 5 ans... Il me semble que le penseur rationnel aurait été du côté des protecteurs de l'environnement. Je trouve totalement abusif de lui imputer l'emballement phénoménal qui a suivi et qui se poursuit à un rythme effréné. Il ne pouvait quand même pas lutter contre les multinationales qui n'existaient pas alors... C'est bien à nous de faire cela, et non d'exclure hâtivement un penseur aussi fécond, pouvant encore nous éclairer sur la marche du monde, nous éviter le retour de doctrines qu'il faudrait accepter sans réfléchir par nous-mêmes !
Francis Métivier est un philosophe représentatif de la pop philosophie, chroniqueur, conférencier, musicien créateur du concept «
Rock'n philo », professeur et docteur diplômé de Paris IV-Sorbonne, auteurs de nombreux livres de philosophie brillants et abordables pour les non spécialistes. Mickaël Roux est scénariste et dessinateur. Il écrit et dessine des histoires pour les enfants et aussi pour les grands !
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La chronique complète, avec photo personnelle de la couverture et des illustrations concernant la présence de
Descartes en Touraine, est sur le blog Bibliofeel ou la page Facebook clesbibliofeel. A bientôt !
Lien :
https://clesbibliofeel.blog