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Critique de gouelan


Le journal d'un manoeuvre, ou plutôt le journal d'un poète qui maçonne les mots avec un ciment magique. Ses mots survolent le chantier, les hommes, comme des petits oiseaux de papier.

Dans sa brouette il y met des rires, des silences, des gestes, des ordres, des parpaings, des nuages, des poignées de main, des instants, des regards. Et il en sort des arcs-en-ciel, des cerfs-volants, des rouges-gorges, des graines, comme autant de soifs d'hommes.

Il donne la voix à ceux qui n'ont pas les mots, à ceux qui ploient sous le poids de la pioche, à ceux qui creusent sans rien trouver au bout de leurs pelles. Il regarde là-haut sur l'échafaudage, rassemble les mots pour en faire un livre. Pour dire. Sans tricher. Des mots bruts, des phrases courtes. Peu pour dire beaucoup.

Son langage fait fleurir les roses sur le chantier au milieu des orties. Sa voix est cerf-volant, elle plane, malgré la pioche, la pelle, et les chaussures de sécurité. Malgré les ordres qui le rattachent au labeur, à l'absence par les gestes répétés.

Un poète incroyable, pourtant, si peu connu. Et comme m'a dit ma fille (12 ans), qui m'a lu quelques passages à haute voix : « il devrait ». Oui, il devrait l'être. On devrait l'écouter ce poète qui construit des mots pour faire de nos instants des miracles. On devrait le lire sur le grand chantier du monde depuis le manœuvre jusqu'à l'architecte. On devrait parfois poser la pioche, la pelle, ou lever les yeux des plans, pour se demander ce que l'on cherche, ce que l'on veut. Vraiment.

« le chef ne fait que dire le chantier. Rien d'autre.
Si on l'écoute : où est le monde ? qu'est-ce qu'on fait ?
Comment savoir ?
On parle de rien ici.
C'est comme ça tous les jours. »

J'essaierai de faire lire cette pépite à mon mari qui travaille sur les chantiers. Quand il sera en congés. C'est pas gagné. On peut toujours essayer. Je ne comprends pas toujours pourquoi chacun de nous n'est pas sensible à des mots si vrais, si simples, si beaux. Il y a parfois un petit effort à faire, il faut se laisser glisser dans cet univers d'images, oublier ce qui nous entoure, nos façons de penser terre à terre, mais en échange, tellement à récolter.

À lire et à relire, car il s'en cachent des petits trésors dans ce journal.

Une pensée aussi pour cet homme trop tôt disparu et dont la plume aurait pu nous enchanter encore longtemps.


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