Il y a toujours un hasard qui guide nos lectures, une incertitude traverse notre chemin de lecture comme
Adolphe a disparu, croisé sur l'étale d'une librairie d'enseigne grand public, ce roman en équilibre, dépassant de sa tranche gaufrée d'or au titre trompeur attrape ma curiosité pour l'étancher, le quatrième de couverture réveille mes sentiments en berne d'une histoire amoureuse inachevée. Une part de nous et de notre vie attire ces lectures pour satisfaire notre âme, la nourrir, la soigner, l'apaiser, la tromper d'illusion-
Adolphe a disparu est ce livre.
Quelle surprise de découvrir l'auteur, Éric Metzger, le compère humoristique de Quentin Margot du petit journal de Yann Barthès, ce duo comique à l'humour décalé, être dans la littérature, auteur de deux romans, son premier
La nuit des trente publié en 2015 à l'édition Gallimard collection L'Arpenteur. Cet auteur pudique aime Fan d'auteurs classiques comme
Stendhal, Tolstoï en passant par
Balzac, les définissants comme des « tueurs », c'est un ancien khâgneux, étant détenteur d'un master de lettres, écrire est une suite de ces envies, une continuité essentielle, une vie nouvelle et rêvée.
Adolphe a disparu, sonne comme un échappatoire plutôt drôle d'une rupture sans raison, « je t'aime encore mais je ne suis plus amoureuse », débute alors une suite d'évènements pour oublier. Notre jeune homme de 31 ans se laisse bercer par ses émotions pour se remémorer sa vie passée amoureuse et intime, puis de celle de son enfance dans ce périple surréaliste avec sa mère. Débute pour ce nouveau célibataire fraichement détrôné de son rôle d'amoureux principal, une aventure incroyable dans la forêt du bois de Boulogne, la quête improbable d'un chat sauvage blanc à la tache noir sur le museau, signe ostentatoire de son noms d'Adolphe, référence sombre à Hitler, ce qui m'amuse drôlement et amène un peu d'ironie légère à cette histoire, une mère sexagénaire à la retraite mécène des chats errants et de la misère humaine et son fils triste de sa rupture.
Le chat animal chéri par beaucoup de grands auteurs comme Colette,
Georges Perec,
Baudelaire et d'autres occupe un personnage important de ce roman, surtout de ceux abandonnés, livrés à eux-mêmes, de domestique à la vie sauvage, ces chats oeuvrent dans une misère, la faim, la maladie, la mort en solitaire….
Le décor reste ce bois Boulogne, lieu d'asile de toute époque, la nôtre c'est la prostitution, les chats, et autres marginaux, comme cette mère échappant à son passé de femme hautement diplômée à l'ascension professionnelle élevée, puis éjectée de cette société « comme une comédienne à qui l'on aurait plus de rôle à proposer ». Nous découvrons un panel de personnages atypiques et des vies différentes.
Puis les petits délires du narrateur, celui du petit Poucet au désir sexuel hyperactif, conte lubrique inspiré des préservatifs usagés parsemés dans ce bois aux désirs pervers nombreux, l'huissier de justice constatent la fin
de l'amour d'un couple, l'affrontement en lui entre son éducation avec ses certitudes et ses principes puis l'autre nouvelle découvert avec sa mère depuis leur recherche de ce chat nazi, le comparant à un combat de boxe…. Puis amorce l'idée de
Romain Gary dans
Gros-Câlin, celui de combler sa solitude avec ce chat « à la ressemblance pilaire du Führer ». Avoir une religion, une cause politique pour atténuer cette solitude précoce, puis être un alpiniste de son égocentrisme illumine ses étroites pensées en côtoyant des SDF, comme la folle histoire d'Adolphe un cigare dans le museau, jouant au carte, asthmatique, folie histoire inventée pour cacher sa solitude et tristesse.
Dans le coeur assombrit de ce fils, célibataire surpris, pour un cdd indéterminé traverse au côté de sa maman cette épreuve. Une sorte de psychanalyse solitaire et utérine absorbe lentement l'esprit torturé de notre jeune héros à la recherche d'Adolphe, ce chat perdu, inconnu dans la masse du Bois de Boulogne où un microcosme, sous terrain de notre société, peuple cette nature frontière de ces deux mondes opposés.
J'ai vraiment adoré ce roman, drôle, émouvant dans cette introspection de soi face à un échec amoureux, la mort d'un parent, puis la rupture lente avec sa mère avec cette écriture fluide et direct.
Beaucoup d'espoir félin caresse nos émotions humaines solitaires.