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Critique de motspourmots


En exergue, cette phrase de Nietzsche : "Nous avons l'art pour ne pas mourir de la vérité". Plus qu'une introduction, une sorte de profession de foi, un engagement pour l'avenir. Tandis que je lis cette phrase, j'ai encore en mémoire le discours sobre mais convaincu de Catherine Meurisse, entendu plusieurs fois dans différentes émissions, sa voix et ses yeux qui m'ont donné envie de découvrir son récit. le récit d'une renaissance, par la beauté de l'art.

Le 7 janvier 2015, Catherine Meurisse, dessinatrice à Charlie Hebdo rumine dans ses draps un violent chagrin d'amour et peine à s'extraire de son lit. Hasard des turpitudes de Cupidon ou volonté divine, quoi qu'il en soit, elle arrive en retard pour la conférence de rédaction, bien après l'entrée des sinistres frères qui opéreront le massacre que l'on connaît. Miraculée, rescapée... mais "tout aussi morte" que ses amis. Plombée, anéantie, la mémoire en vrac. Pour continuer, il va falloir se raccrocher à l'essentiel. Et pour Catherine Meurisse, le plus précieux, c'est la beauté.

Cet album est là pour raconter le chemin qui la mène vers la légèreté retrouvée. le trait sobre de la dessinatrice possède la force de l'évidence, ses couleurs disent alternativement le désarroi et l'espoir, le texte comme posé à la main crée la proximité. La sincérité et la volonté de trouver la lumière irriguent ces pages magnifiques.

Il y a d'abord la sidération, l'assèchement, l'enfermement lié à sa garde rapprochée, l'envie et l'inspiration disparues. le recours à la mémoire du groupe et des personnalités singulières qui le composaient, les réponses que l'on cherche dans les moments déjà enfuis. Et puis l'idée de partir, respirer. Puisque Proust, "son meilleur auxiliaire de vie" ne lui sert à rien à ce moment, pourquoi pas Stendhal et son fameux "Syndrome" ? le séjour à Rome, à la Villa Médicis à la recherche de cet éblouissement total devant tant de beauté est pour la jeune femme l'occasion de questionner son rapport à l'art. Que nous disent ces oeuvres millénaires, comment les ressentons-nous ? Statues antiques, peintures de maîtres sont autant de livres d'histoires et de témoignages de civilisations souvent brutales et meurtrières. Dont on ne retient, des siècles plus tard, que la beauté.

Catherine Meurisse n'hésite pas à se transporter à l'intérieur de ces oeuvres, de façon symbolique. Comme cette poignante traversée du "Cri" de Munch qui laisse son lecteur KO. Où l'un de ses derniers dessins, "Femme encore jeune sortant la tête de l'eau".

Pour témoigner, cette jeune femme a choisi le beau. Son salut vient des arts plastiques, de la littérature et de la musique, qui ont toujours constitué un fil conducteur dans sa vie (je n'ai pas encore lu ses précédents albums dans lesquels l'art est omniprésent mais je vais m'empresser de le faire !).

Avec cet album, elle offre un fabuleux cadeau. Celui d'une femme qui place la culture au-dessus de la violence. Et veut croire en la suprématie du beau sur la laideur du monde.

A lire absolument !
Lien : http://www.motspourmots.fr/2..
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