L’objet de cet ouvrage est tout à fait estimable, voire même excitant pour une personne très motivée par les questions religieuses. Trois personnalités, un Juif, un Chrétien et un Musulman, se livrent à une étude critique de leur propre livre sacré. Erudits et honnêtes, ils mettent en perspective et discutent sur le fond les passages les plus surprenants, voire détestables, que l’on trouve dans la Torah, le Nouveau Testament et le Coran. Ils savent faire la part des choses et, souvent, rappeler le contexte historique qui a influencé la rédaction des Ecritures.
David Meyer, rabbin, étudie en détail divers éléments polémiques trouvés dans la Torah, comme la destruction de Sodome et Gomorrhe, le sacrifice d’Abraham, l’anéantissement de Jéricho par Josué... Il en fait une analyse détaillée. L’une des leçons qu’il en tire est la suivante: l’homme devrait se considérer comme "partenaire" de Dieu, et non comme son esclave obéissant à toutes ses injonctions.
Yves Simoens, Jésuite, se concentre sur l’Evangile de Jean, le plus tardif et donc le plus suspecté d’anti-judaïsme. Mais cette étude déborde largement la question des relations des relations entre Chrétiens et Juifs. Le texte m’a semblé difficile. En outre, les traductions qu’il propose du texte évangélique sont peut-être exactes mot à mot, mais lourdes et même rebutantes.
Soheib Benchaeikh fait l’effort de bien distinguer entre le texte du Coran lui-même, les hadiths (dont l’authenticité peut être contestée) et la jurisprudence islamique. Seule une partie des interdictions et anathèmes litigieuses proviennent du Livre sacré. L’auteur examine sans détours ses versets les plus "douloureux". Il souligne les contradictions manifestes existant entre des passages distincts du Coran. Par une analyse littéraire du texte, il cherche à expliquer des formulations qui nous paraissent choquantes. Parmi bien des exemples, cette phrase « Lorsque vous rencontrez des incroyants, alors frappez au cou… » (sourate 47, verset 4) nous semble être une invitation à une agression gratuite; mais l’auteur replace cette injonction dans le cadre de la guerre, lors d’une bataille rangée (et non dans la vie civile).
Seule une exégèse fine et même érudite peut "déminer" le terrain dans ces passages controversés. Le malheur, c’est qu’il est beaucoup plus simple (et même simpliste) d’en faire une lecture littérale - c’est précisément ce que font les djihadistes en ce moment. Soheib Bencheikh n’hésite pas à donner un avis éclairé sur le devenir de sa religion: « Toute tentative de réformer l’Islam, et le droit musulman en particulier, passe par un travail de désacralisation, par une relecture des textes à la lumière de l’intelligence moderne, par la recherche d’une orientation (…) pour permettre au Musulman de bien vivre aujourd’hui son Islam ». C’est cette troisième et dernière partie du livre qui m’a le plus intéressé.
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(p. 176)
Sur les six mille deux cents versets qui constituent le Coran, deux cents seulement sont à caractère normatif. Et la moitié parmi ceux-ci ont été abrogés ! Pendant toute la période de la révélation, c’est-à-dire pendant vingt-trois ans environ, un jeu entre versets « abrogeants » et versets abrogés a fait évoluer la législation du musulman. Il est curieux que Dieu, pendant vingt-trois ans, ait favorisé cette évolution dans la législation pour ensuite la voir stagner pendant quatorze siècles !
(Soheib Bencheikh)
(p. 187-188)
Le signifiant aujourd’hui signifiera autre chose demain. Je vous donne une exemple: nous avons un adage attribué au Prophète qui dit, en s’adressant aux parents « Apprenez à vos enfant l’équitation, la natation et le tir à l’arc ». Si je devais dire cela aujourd’hui dans les quartiers nord de Marseille, cela ferait très mondain. Alors qu’à l’époque la relation entre signifiant et signifié était très proche. Aujourd’hui, si je veux donner vie à ce signifiant, je dis tout simplement qu’il signifie autre chose. Il signifie « Mettez tout de suite vos enfants à l’apprentissage des sciences de votre siècle ».
(Soheib Bencheikh)
(p. 182)
On ne lit pas la Coran uniquement pour l'aduler, mais pour chercher des solutions pour soi. On peut avoir autant d'interprétations qu'il y a d'individus.
(Soheib Bencheikh)