A-t-elle jamais livré ses secrets, elle dont la vie fut un roman ? Dont le destin oscilla entre une scène de Sophocle et le roman-photo, entre une héroïne de l'Antiquité et « Dallas ». Elle, dont la vie mélangea si souvent les ingrédients les plus romanesques : pouvoir, fortune, tragédie et love stories sur fond de jet-set, fut quasiment un personnage de films muets, une légende silencieuse se nourrissant de son propre silence.
Mais le plus romanesque est sans doute sa personnalité mystérieuse et secrète, presque aussi énigmatique que celle de Greta Garbo. Car le biographe qui cherche à déceler le sens d'une vie – assurément le but de toute biographie – doit faire face pour Jackie à un caractère complexe. Elle souhaita toujours que rien ne transparaisse de ses émotions ni de l'insécurité qui la troublaient. Une fois pour toutes, elle avait tiré un invisible rideau sur son visage, se condamnant ainsi à devenir une légende, un mythe, fidèle en cela au précepte de son père adoré : « Ne pas trop donner de soi-même, retenir un peu de soi et laisser les autres deviner… »
On s'attend à une biographie très glamour s'agissant de Jackie Kennedy. La réalité est tout autre, sa vie est une suite de drame et de désillusions. Sa personnalité est complexe, l'Amérique l'a adorée autant qu'elle l'a haïe. Son biographe Stephen Birmingham disait d'elle : "Quand on est seul avec elle, elle est plutôt timide, elle paraît effrayée, un peu rêveuse, hésitante, lançant des coups d’œil de toutes parts. Mais lors de ses apparitions publiques, elle est radieuse." A-t-elle jamais livré ses secrets, elle dont la vie oscilla entre une héroïne de l'antiquité et une courtisane très intéressée ? J'ai trouvé intéressant cette biographie qui m'a permis de découvrir une femme plus à plaindre qu'à envier et qu'il m'est difficile d'admirer.
Kennedy ne peut qu'être conscient que, dans toute l'histoire des présidences successives aux États-Unis, aucune Première Dame ne reçoit autant l'attention que sa femme. Son couple inaugure un nouveau style en politique, qui comble l'imagination des gens aux États-Unis. Ragaillardie par ses succès à l'étranger, galvanisée par la perspective de donner une touche à la française à la Maison-Blanche, Jackie repart de plus belle dans son tourbillon. Lors des dîners officiels, elle a remarqué que les lumières crues des lustres creusent des ombres sur le visage des femmes. Elle fait disposer des chandeliers dont les flammes diffusent une lueur pastel.
Elle s'habillait avec simplicité. Peut-être le pouvoir l'a-t-il par la suite changée, mais à l'époque elle n'avait rien d'une enfant gâtée. Elle n'avait qu'un défaut : son incapacité à se rapprocher des gens. Elle était secrète. Elle avait une conversation charmante, mais ne dévoilait jamais ses pensées intimes. Elle n'était pas superficielle, mais simplement difficile à cerner.
Si enfant elle aime à se retirer dans la solitude pour lire ou faire de longues promenades à pied, ce goût se développe durant ses années de collège. Le headmaster de son école a remarqué cette évolution : « Sa différence était déjà légendaire. Elle était vraiment différente des autres filles. Une certaine timidité, mais aussi une espèce de calme intérieur apparent. » Elle prend une attitude si distante à l'égard de ses camarades de classe que ces dernières la surnomment « Jacqueline Borgia ». Elle reste très secrète : « Je ne sais pas exactement ce que je veux… »