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Critique de OphelieC


Nous sommes bien d'accord, L'amor dans l'âme est un hommage explicite et dévoué au cinéma. C'est avec un réalisme criant, touchant et presque étouffant, que le lecteur rentre dans l'univers du septième art et se retrouve à gravir les marches du Festival de Cannes aux côtés de notre héroïne, Blanche. Après la lecture d'un tel roman, pas besoin de se déplacer jusqu'au prestigieux Festival, nous avons la saisissante et incroyable sensation d'y avoir déjà été et d'avoir tout vu. Evidemment, Sandra Mezière sait de quoi elle parle et elle nous le fait bien comprendre. C'est avec justesse, précision, renforts de descriptions, d'anecdotes et de références cinématographiques que nous progressons dans l'histoire.

Nous y découvrons alors le personnage de Blanche, une jeune femme dévorée par son amour pour le cinéma, tout autant que l'auteure qui nous expose ici sa passion. Une jeune femme qui, malgré son ambition de devenir une grande actrice et de sortir un jour son épingle du lot, est hantée par le décès de son père qu'elle n'arrive pas à oublier. Si bien que le lecteur oscillera sans cesse entre une déclaration d'amour fulgurante, presque viscérale et divine au septième art, et le poids du deuil que notre héroïne doit traîner derrière elle et qui la freine pour avancer dans la vie et essayer de construire quelque chose.

Néanmoins, une lumière au bout du tunnel se profile à l'apparition de Julien, un jeune cinéaste prometteur aux allures de Julien Sorel dans le Rouge et le Noir de Stendhal. La littérature se mêle donc habilement au cinéma, afin de ravir tous les types d'esthètes. Cette lumière ne cessera d'ailleurs de clignoter et de s'éclipser jusqu'à la fin où la mort tragique de l'actrice sera le dernier coup de clap à cette rocambolesque et romantique histoire. 

En revanche, ce roman est loin d'être parfait, et ce n'est sans doute pas ce qu'on lui demande. Si nous pouvons reconnaître sans mal le talent inné de l'auteure pour les belles phrases, les figures de style, les longues descriptions, ainsi que son implication corps et âme dans son oeuvre, ça ne passe pas. Sa passion, qui est le cinéma, bien qu'elle soit partagée par les lecteurs aguerris, et même ceux qui font passer l'art et la culture avant tout, virera à l'overdose. Trop de références cinématographiques, connues ou inconnues, trop de répliques de films, trop de pensées vagabondes et soudaines qui viennent arracher le lecteur à ce qu'il lit, pour le ramener encore et toujours au cinéma...

La passion viscérale et presque obsédante du personnage est le résultat de la vie de l'auteure, entièrement consacrée à cet art. Si bien que nous finissons par être agacés par ce flot de références, de scènes de films qui viennent s'immiscer dans la réalité du quotidien. L'héroïne, Blanche, aura d'ailleurs le maniaque défaut de ne plus être capable de faire la différence entre la réalité et la fiction, allant jusqu'à vivre sa vie comme une actrice et une héroïne de tragédie ; ce qui frôle la folie. En un mot, même si le cinéma est le thème central du roman, ce dernier mettant en lumière le luxe du Festival de Cannes, la juste mesure n'a pas été respectée et finit par noyer le lecteur.

Malheureusement, ce n'est pas le seul faux pas de ce roman pourtant bourré de charme et de promesses. Les personnages auxquels nous avons affaire dégoulinent d'un romantisme candide et presque mièvre. Blanche possède la transparence de son prénom. Bien entendu, nous finissons par nous y attacher et par suivre avec plaisir et curiosité ses aventures, mais les choses s'arrêtent là. Elle incarne une sorte d'Emma Bovary moderne qui ne se rend pas compte qu'elle rêve sa vie au lieu de vivre ses rêves. La mort de son père est un fardeau qu'elle porte sur ses frêles épaules et qui l'empêche d'avancer. Autrement dit, ça lui pourrit la vie et on ne peut pas vraiment y faire grand chose. le lecteur, comme les autres personnages, est impuissant. Même sa passion pour le cinéma et son rêve de petite fille qui est en train de se réaliser, ne fait pas le poids face à cette mélancolie auto-destructrice...

Pas même notre Julien Sorel moderne ne pourra l'aider. Leur rencontre décrite comme dans un film a tout de l'apparition amoureuse, romantique et impossible, que nous retrouvons dans les bons vieux classiques (littéraires et cinématographiques). Une romance interdite, des rendez-vous manqués et des rencontres éphémères au cours desquelles il ne se passe finalement pas grand chose. Bref, ce jeu du chat et de la souris entretient un suspens haletant tout au long de l'histoire, mais finit par lasser. 

Enfin, il faut aussi s'avoir s'accrocher au niveau du style d'écriture de l'auteure. Il faut aimer les phrases longues, très très longues. Il n'y a pas beaucoup de passages faciles, car tout est affaire de figures de style. Un lyrisme est donc notable tout au long de notre lecture, ce qui fait du bien ! Car oui, la belle et grande littérature est à l'honneur, dans un souffle moderne qui aime à nous rappeler que tout le monde n'écrit pas en langage SMS, même dans les romans. C'est donc avec un plaisir sincère que nous ne pouvons que remercier Sandra Mezière pour son talent d'auteure, mais aussi pour sa patte littéraire.

Une patte qui ne plaira pas à tous les types de lecteurs. Les phrases sont très longues, et même à renforts de virgules, il faudra parfois relire plusieurs fois un même paragraphe pour comprendre. Sandra Mezière est aussi adepte des synonymes et des termes compliqués qui ne sont d'ailleurs pas expliqués par des notes. Les lecteurs doivent donc avoir une solide culture. Enfin, le lyrisme se mêle à des tournures oratoires, presque grandiloquentes, tragiques, mélancoliques. C'est du théâtre Antique ! C'est donc un trop-plein de virtuosité que nous notons ici et qui gâche un talent pourtant grandiose et presque naturel, car le lecteur sent que ce n'est pas forcé. Un simple élagage suffirait à rendre cette lecture qui au départ, est sans prétention, beaucoup plus accessible. 

Pour conclure, L'amor dans l'âme plaira davantage aux cinéphiles, même si l'auteure n'a pas la prétention d'adresser son ouvrage uniquement aux amoureux du cinéma. N'empêche que le flot de références, de répliques et de scènes ont plus de chance de parler à de véritables adeptes de cet art. Sinon, l'overdose se profile au loin.

L'histoire dans son ensemble est bonne et originale, mettant en scène des personnages crédibles et humains, bien qu'un peu trop romantiques et clichés. C'est dommage, car le décor du Festival de Cannes est absolument époustouflant. le travail de l'auteure qui nous parle avant tout de sa passion est digne d'un tableau vivant ; digne d'un film ! du début à la fin, le lecteur déambule dans la ville du cinéma pour son plus grand plaisir, vibrant d'émotions, les yeux plein d'étoiles. La crédibilité est donc largement assurée, peaufinée d'une main de maître par Sandra Mezière.

En revanche, le style trop ampoulé qui donne l'impression de vouloir en faire beaucoup et d'en rajouter une couche, est quelque chose qui ne passe pas. La maîtrise de la langue et du style a franchi la limite entre le talent et la boursouflure littéraire. Et finalement, si le côté auto-destructeur de l'héroïne (de nouveau Emma Bovary qui entre en scène) peut être à la fois compréhensible et insensé, le suspens ne tiendra pas le lecteur en haleine jusqu'au bout, car nous comprenons la fin bien avant cette dernière. L'amor dans l'âme reste néanmoins un bon roman, surtout pour la performance littéraire. 
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