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Critique de Erik35


Erik35
15 septembre 2017
NAISSANCE D'UN MYTHE.

Valérian et son adjointe Laureline (on est en 1967, n'est-ce pas ? On nage déjà en pleine SF, on ne va pas, en plus, mettre un homme sous les ordres d'une femme, faut pas pousser) profite d'un repos bien mérité après une hypothétique mais épuisante mission sur Vénus. Nous sommes en 2720 sur Galaxity, capitale de l'empire galactique terrien ; les temps sont à la civilisation des loisirs, sauf pour les agents spatiaux-temporels qui, bénéficiant des voyages instantanés dans l'espace-temps, veillent au grain afin d'assurer la sécurité de la terre et de l'empire. Pourquoi une telle prudence ? C'est que la terre, en 1986, a déjà été la proie d'un immense cataclysme directement dû à la folie des hommes et à leur propension à faire mumuse avec des forces qui les dépassent, en l'occurrence avec des bombinettes nucléaires mal entreposées dans la région du pôle nord. Celles-ci vont, toutes bombes qu'elles sont, exploser, et transformer à jamais notre planète...

Dès les premières planches de ce premier volume, La Cité des eaux mouvantes, l'un des "couples" parmi les plus célèbres de la bande-dessinée franco-belge, le dessinateur Jean-Claude Mézières et le scénariste Pierre Christin fixent les éléments que l'on retrouvera au fil des albums :

- Des voyages spatio-temporels (avec tout ce que cela peut engager de partis pris et d'impossibles cartésiens)
- de la pure SF, tendance space ou planet opera
- Des mondes, des planètes, des civilisations et des êtres hautement improbables mais originaux.
- Des rapports de couple assez détonant (et moins déséquilibré qu'il y parait)
- Des méchants très méchants et des gentils qui gagnent à la fin. Heureusement, on croise aussi pas mal de personnages sachant jouer d'une grande ambiguïté de caractère.
- Une série entamée en 1968 pour un public "jeunesse" puisque dans le magazine Pilote (Pour mémoire, c'est dans cette revue qu'ont été créées de nombreuses séries à grand succès, au premier rang desquelles Astérix d'Albert Uderzo et René Goscinny, Tanguy et Laverdure de Jean-Michel Charlier et Uderzo puis Jijé, Achille Talon de Greg, Blueberry de Jean Giraud et Charlier, etc)

À partir de ces quelques données élémentaires, on adhère ou on referme de suite, au risque de ne voir que les illogismes, de l'irrecevable, de l'extravagant.

Mais reprenons : Nous sommes en 2720 et les affaires reprennent pour nos deux agents spatio-temporels. L'affreux Xombul, un ancien dirigeant de Galaxity qui souhaite en prendre le contrôle par tous moyens, s'est échappé de sa prison. Il semble être revenu à ce lointain passé de l'immédiat après apocalypse terrestre. La planète est presque totalement engloutie sous les eaux (ce qui donne droit à une vision des rues de New-York noyées et colonisée par la mangrove assez savoureuse). Quant à ce qui dépasse encore sans être noyé, c'est à la sécheresse qu'elle doit de mourir à petit feu. Bref : le bonheur sur terre !

Mais c'est aussi vers cette période que les historiens de la future Galaxity placent les prémices de la technologie temporelle. Raison probable pour laquelle le méchant absolu qu'est ce Xombul tente de s'en saisir avant tout le monde...

Avec ce retour dans le temps, Mézière et Christin vont nous faire partager leur vision d'un monde d'immédiat post-apocalypse. Un monde où presque tout est permis pour survivre, ou des gens cultivés deviennent de vulgaires malfrats, où de vieux cow-boys aux allures d'acteurs hollywoodiens (Mézière est un accroc au far-west) s'en tiennent à leurs habitudes pour tenir le coup, où des robots stupidement obéissant vous empêchent de mener votre enquête rondement... Un monde où notre planète est ravagée, noyée ici, en flamme-là, détruite par d'impressionnants séismes plus loin.

Quant à l'aventure elle-même, pour un peu qu'on se laisse porter par un dessin qui se cherche encore un peu, surtout en ce qui concerne les traits des personnages paressant parfois sortir d'une aventure de Spirou, par un dessinateur venu par hasard à la BD : impressionné par le coup de crayon magique de son ami Jean Giraud, en compagnie duquel il suivit des cours aux arts appliqués (n'oublions pas qu'en ces temps lointains, la BD n'était pas considérée comme quelque chose de bien sérieux. Pas pour un "métier" en tout cas !), il avait abandonné tout espoir de faire carrière dans ce genre pourtant si mal considéré alors. de fait, il y vint par le biais de la bande-dessinée humoristique, dans la lignée d'un Franquin et d'une revue étasunienne. Il le dit d'ailleurs lui-même plus tard : «Mais je me rendais bien compte que mon dessin humoristique, très influencé par le magazine satirique mad, ne collait pas à la science-fiction».

Rassurons-nous : la mise en scène graphique, le sens de la profondeur, de l'intrigue, du suspense évident du jeune dessinateur, servi par un scénariste doué, subtil, aux influences tant littérairement classiques que contemporaines de son époque font de ce premier album, malgré ses petits défauts et travers, un véritable coup de maître. La légende Valérian est en marche !
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