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Critique de Erik35


Erik35
15 septembre 2017
PARA BELLUM !

Les missions d'un agent spatio-temporelles sont multiples. Il ne s'agit pas toujours de remonter le temps à la poursuite d'un affreux pas beau en mal de modification de l'avenir. Parfois, plus simplement, il s'agit d'accompagner les quelques centaines de colons terriens partis s'installer aux confins de la galaxie, de leur apporter aide, connaissances et soutien. Dès lors, ne reste plus - hips - qu'à inaugurer une petite - Hips ! - tournée d'ad-HIPS !-ieu , avec discours, flonflons, petits fours et cocktails à la clés (que font des colons masculins dès qu'ils sont un peu installés et qu'ils ont deux minutes ? Ils distillent de l'alcool, pardi ! Valérian en sera pour ses frais... et pas bien frais vers la fin de la petite tournée de popotes !).

Mais derrière la farce, un drame atroce s'ourdit dans le silence enténébré des étoiles : une planète folle semble se diriger à toute vitesse vers le petit système nouvellement colonisé. N'écoutant que son courage (alcoolisé), Valérian entraîne sa fidèle (et bien patiente) compagne directement vers l'objet planétaire en question.

D'apparence parfaitement stérile, des lacs phosphorescents en parcourent la surface, s'avérant être des sortes de portes d'accès à la véritable vie de cette planète totalement creuse ! L'idée peut faire sourire, mais ce serait oublier que la théorie de la terre creuse fut prise très au sérieux tout au long du XIXème siècle, qu'elle fit les beaux jours de la littérature de science-fiction débutante (on pense évidemment au roman de Jules Verne "Le Voyage au centre de la terre", qui n'est d'ailleurs pas, stricto sensu, une terre creuse... Il y eut aussi le roman assez mal ficelé d'Edgar Allan Poe, "Les Aventures d'Arthur Gordon Pym") et sera magistralement reprise par les belges Luc et François Schuiten dans la série Les Terres Creuses, une dizaine d'année après ce "Pays sans étoile", troisième album des aventures de nos deux agents spatio-temporaux. (Sans oublier quelques farfelus complotistes qui croient encore à cette théorie).

Ce qu'ils vont découvrir à l'intérieur de cette planète affolée, Zahir ?

Des nomades, les Lemm, qui suivent le cheminement d'une sorte de lune intérieure (le "soleil" n'étant autre que le noyau central incandescent de la planète) dans l'ombre de laquelle éclot une étrange matière minérale explosive, le Flogum, qu'ils savent récolter et qu'ils revendent pour survivre, mais non sans un certain cynisme.
On va aussi croiser deux peuples, vivant dans les deux seules cités de Zahir, Valsennar et Malka.
Dans la première, seuls les hommes sont admis à vivre (au bas de l'échelle) tandis que ce sont les femmes - des guerrières charpentées comme des bodybuildeurs californiens et belliciste comme des amazones mal embouchées - qui dirigent. Dans la seconde, c'est l'exact inverse : les femmes sont maintenues dans leur rôle éternel de mères couveuses et de bonnes à tout faire tandis que les dirigeants, sous l'empire d'un Prince très efféminé, sont les hommes, mais en véritables caricatures mode de drag queen et sans grand caractère.

Seulement, à force de se taper dessus sans fin (et sans réelle victoire des uns ni des autres), à force d'abuser de ce fameux Flogum, cette belle bande d'imbéciles caricaturaux a fini par déboussoler complètement leur planète. le comble c'est que, vivant dans une planète creuse, ils n'ont bien entendu aucune conscience du vide intersidéral qui les entoure, du mouvement des planètes autour de leur soleil, de l'existence de l'espace, pour résumer. C'est là que nos deux agents vont bien entendu intervenir, pour le salut espéré des planètes nouvellement colonisées...

Le tour de force de cet album réside dans le traitement de ce que l'on pourrait appeler "la guerre des sexes" et qui, au delà d'un humour gentiment potache, fait parfaitement mouche. Non seulement ce troisième album d'une série a priori destinée à la jeunesse et publié entre 1970 et 1971 fait preuve d'une assez grande originalité en matière de SF pure et de planet opera, mais il peut apparaître comme une véritable critique sociale, en des temps de paternalisme encore relativement triomphant malgré les lézardes provoquées par les révoltes, mouvements sociaux et autres manifestations étudiantes de 68 (n'oublions pas que le mouvement fut assez général dans les pays industrialisés). Mézière et Christin, qui étaient plus qu'enthousiasmés par les avancées en la matière aux USA où ils s'étaient déjà rendus, parviennent ainsi à faire passer un message pour le moins féministe (bien que les femmes y soient aussi quelque peu moquées), montrant à qui veut les entendre que rien n'appartient définitivement à un seul sexe (de préférence masculin), y compris cette chose stupide mais supposée virile qu'est la guerre. Démonstration par l'absurde, bien entendu, mais efficace.

La fin est en pur happy end, comme il se doit, mais là encore, nos deux auteurs se réservent le droit de rire de leurs petits héros de papiers ainsi que de nos petits travers (ou ceux de nos parents... Voire de nos grands parents... Bref !). le dessin de Mézière se cherche encore un peu - paradoxalement, le second album semblait plus affirmé - , mais les univers proposés sont parfaitement crédibles et certaines planches sont d'une efficacité redoutables. Mézière n'a certainement pas la patte de Giraud, l'ami tant admiré, mais son expressivité n'a cependant rien à lui envier. Quant à Christin, on se demande parfois où il va chercher toute cette fantasmagorie débridée, tant elle est riche de détails sans jamais paraître gratuite ni lassante.

Vivement la suite dans mes rayons !
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