Mourir d'amour. Ce roman est inspiré des quarante pages de souvenirs rédigés par l'héroïne, Jing Qiu en 1977 au sortir de la révolution culturelle. La dictature communiste étreint la vie.
1974, les derniers feux de la Révolution culturelle rougeoient, le peuple plie sous le joug de la dictature maoïste et la jeune Jin Qiu, comme tous les zhiqiing, les jeunes instruits, s'en va faire progresser sa conscience de classe chez les paysans pauvres dans le Hubei au centre de la Chine. Idée de génie socialiste de son directeur d'école, son talent de plume devra se mettre au service de la magnifique classe des paysans pauvres de Xicun avec la rédaction d'un manuel scolaire qui rendrait jaloux un pédagogiste, prince de l'Eduction Nationale française. En effet, "quoi de plus révolutionnaire que de demander aux élèves d'élaborer leur propres livres ?"
Xicun sera le lieu d'un coup de foudre. Un amour impossible auprès d'une aubépine rouge. Fils de cadre, fille d'institutrice, le mariage sert à progresser dans la hiérarchie sociale, schéma classique mais à ce moment là la progression s'entend à rebours : "Ce n'est pas grave pour une fille si sa famille n'est pas comme il faut, En épousant Changlin, tu changes de classe, tu entres dans le groupe respecté des paysans pauvres. Vos enfants auront une bonne origine. Pense à eux." Et pourtant ils s'aiment comme les romances du XVIIIème ou la littérature slave sont capable d'aimer. le mot amour est interdit remplacé par l'euphémisation amitié prolétarienne. Changer le sens des mots, changer les mots de sens, changer le peuple s'il ne convient pas, les révolutions socialistes se reconnaissent à leurs fondements. La morale socialiste d'après 1965 construit les bases du bonheur en luttant contre les quatre tendances : "délicatesse, bureaucratie, apathie et orgueil".
Il faut imaginer cette prison intellectuelle, ce monde contraire aux règles naturelles, dans lequel une jeune fille instruite, ne connaissant de la sexualité que ses interdits sans savoir à quoi il est fait allusion, navigue à vue en essayant de ne pas fauter. La faute conduit à la mort civil et physique.
Le roman est une suite de rendez-vous improbables, de déclarations enflammées, de restrictions de toutes sortes. L'amour inconditionnel de Lao San abattra des montagnes. Jing Qiu refusant de se faire examiner par un médecin, Lao San s'infligera une grave blessure avec son poignard obligeant ainsi son aimée à le suivre à l'hôpital. Et il a de ces mots simples et touchants : "Depuis que je t'ai rencontré, tu occupes toutes mes pensées. Si la vie est une route à sens unique, alors marche dorénavant devant moi, que je puisse toujours te voir. Si la vie est une route à double sens, alors donne-moi la main, et traversons la foule sans nous perdre".
Lao San présente à Jing Qiu la littérature, roman français ou poèmes du XVIIIème des Tang, hors de ce temps révolutionnaire. de ce fait l'amoureux devient cette bouffée d'air pur, le symbole de l'au-delà de la dictature. Ce passage est court mais la symbolique est forte.
"Lao San avait fermé les yeux. Deux larmes brillaient au coin de ses paupières. Deux larmes rouges, translucides." Écrit pour commémorer le trentième anniversaire de la mort de Sun Jianxin (Lao San)
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