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EAN : 9782743637644
362 pages
Payot et Rivages (21/09/2016)
3.71/5   629 notes
Résumé :
À l'été 67, une jeune fille disparaît dans les épaisses forêts entourant Boundary Pond, un lac aux confins du Québec rebaptisé Bondrée par un trappeur enterré depuis longtemps. Elle est retrouvée morte, sa jambe déchirée par un piège rouillé. L'enquête conclut à un accident : Zaza Mulligan a été victime des profondeurs silencieuses de la forêt. Mais lorsqu'une deuxième adolescente disparaît à son tour, on comprend que les pièges du trappeur ressurgissent de la terre... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (196) Voir plus Ajouter une critique
3,71

sur 629 notes
Il est des romans étiquetés «  polars » qui dansent autour des codes habituels de ce genre en les épurant a minima pour les envelopper d'une atmosphère étrange et inquiétante qui happe le lecteur dès les premières pages.

Il faut dire que cela commence comme une légende au fin fond du Québec, à la frontière du Maine, sur les rivages du lac Boundary, la légende d'un trappeur solitaire qui y avait trouvé refuge pour fuir la conscription de la Deuxième guerre mondiale puis s'était suicidé lorsqu'une femme trop belle pour lui s'était refusée à lui. Les enfants aiment invoquer son esprit pour jouer à se faire peur comme aiment à le faire les enfants. Mais voilà que ses pièges ours semblent ressurgir de la terre noire de la forêt, une adolescente est retrouvée morte, déchirée par un de ces pièges. Puis une deuxième. Comme une malédiction posthume pour détruire la beauté de la jeunesse. Nous sommes en 1967.

C'est peut-être la première fois que je lis un polar en ne m'intéressant pas à l'intrigue de l'enquête à proprement parler : il y a bien une traque de l'assassin, des interrogatoires, une autopsie, des suspects, mais la tension n'est pas crée par une multiplication de rebondissements et de fausses pistes. L'essentiel réside ailleurs car ces crimes tendent un miroir à la population qui les subit. Et c'est cela qui est formidablement désossé, les lignes de fracture que créent les meurtres des jeunes filles lorsqu'il déchire la langueur du Summer of love, leurs répercussions sur la communauté au sein de laquelle tout le monde se connaît et qui héberge le meurtrier.

En alternant les chapitres menés par un narrateur omniscient ou par la jeune Andrée qui se souvient à la première personne, l'auteure sait puissamment dire la montée des tensions, la méfiance qui s'insinue, la colère, la tristesse, la peur qui remplacent la sidération initiale. L'acuité psychologique dont fait montre l'auteure est remarquable. le lecteur est comme envahi par les pensées de chacun, témoins, victimes, enquêteurs, assassin. Un flot d'émotions jaillit des pages et m'a habitée durant toute la lecture.

Cette intensité naît de la force d'évocation de l'écriture, d'une richesse incroyable qui célèbre la francophonie en la mariant à des anglicismes et des québécismes qui jaillissent et régalent. Cette explosion des frontières linguistiques est une véritable performance stylistique tant la langue est virtuose, sensuelle et sensorielle. de nombreux passages m'ont éblouie et donnée des frissons, aussi bien lors des descriptions quasi impressionnistes de la nature, lacustre ou forestière, que lorsque Andrée A. Michaud se place au chevet des âmes. Comme lorsqu'elle se penche sur celle d'une voisine de l'adolescente tuée dont son mari à retrouver le corps :

« Celle-ci avait confirmé que son mari s'absentait souvent de longues heures pour revenir l'haleine chargée d'odeurs de gomme d'épinette, les yeux remplis de lueurs prises à l'eau des ruisseaux ou à l'oeil des bêtes tapies dans l'obscurité verte des sous-bois. Elle ne connaissait pas la véritable origine de ces lueurs, ne comprenait pas que l'eau froide puisse se transformer en lumière au coin d'un oeil, mais elle pouvait décrire le goût amer de la forêt, qui demeurait longtemps dans sa bouche après que son mari, à coups de langue lumineuse, avait tenté de lui inoculer cette essence contenant la beauté des arbres. Elle n'avait cependant rien pour leur apprendre sur Zaza Mulligan, sinon que son corps fantomatique marchait depuis la veille au côté de celui de son mari, qui lui avait parlé de la jambe déchirée de Zaza, mais surtout de sa chevelure, de cette trainée de lumière éteinte dans l'ombre verte. C'est ce qu'avait d'abord vu Ménard en s'écartant du sentier, une longue chevelure rousse, ne comprenant pas bien ce qu'était cet enchevêtrement soyeux. Il avait ressenti un violent coup au sternum en l'apercevant, pareil à ceux qui lui transperçaient la poitrine quand sa petite Marie lui échappait pour traverser la rue. »

J'ai été hypnotisée même si j'ai parfois décroché dans le dernier tiers à cause de quelques longueurs et d'une révélation de l'identité du coupable qui ne m'a pas convaincue.

Un polar d'atmosphère atypique et puissant par la force d'évocation qu'il distille, porté par une plume rare et superbe.
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La nuit était trop belle, les étoiles trop lumineuses en cet été flamboyant de 1967 pour que Zaza rentre chez elle aussitôt après quitté son amie de toujours, Sissy. Fredonnant, insouciante, enivrée, elle marche sans but, profitant de cet instant. Une fois engagée dans Otter Trail, non loin du chalet familial, elle entend un léger craquement derrière elle. Puis un second, un peu plus fort. Prenant soudainement peur, elle demande qui est là. Aucune réponse mais une ombre furtive. Une main qui s'empare d'elle et des cris dans la nuit.. le corps de Zaza Mulligan est retrouvé seulement deux jours plus tard par un riverain, Gilles Ménard, très choqué par cette découverte. La jambe sectionnée par un vieux piège à ours. le lac de Boundary Pound étant à la frontière entre le Canada et les États-Unis, l'enquête est tout de même confiée à Stan Michaud, l'inspecteur en chef de la police du Maine, et de son assistant, Jim Cusack, d'autant que la victime est de nationalité américaine. Très vite, ils concluent à un tragique accident. Dès lors, l'été, à Bondrée, perdra de ses saveurs, de ses couleurs, de son insouciance, d'autant qu'un nouveau drame ne va pas tarder à surgir...

C'est l'été, une période de certaine insouciance et légèreté. L'on fredonne "Lucy in the sky with diamonds". C'est près du lac de Poundary, près de la frontière américaine, que plusieurs familles, aussi bien canadiennes qu'américaines, viennent profiter de ces jours d'été, entre baignades, barbecues ou parties de pêche... Les adolescents, eux, jouissent de leur nouvelle liberté. Parmi eux, Zaza Mulligan et Sissy Morgan, deux amies, à la vie à la mort. La blonde et la rousse, inséparables, un brin provocantes parfois ou désinvoltes. À la mort aussi dramatique qu'incompréhensible de Zaza, toute la communauté de Bondrée s'en trouve bouleversée, vacille et doute fortement. Y aurait-il un tueur parmi tous ces vacanciers ? Aux questionnements et aux tâtonnements de l'inspecteur Stan Michaud s'intercalent les pensées d'une jeune narratrice, Andrée, adolescente admirative de Zaza et Sissy. Outre cette enquête policière finement menée, Andrée A. Michaud installe une atmosphère dense, pesante, un brin onirique et comme hors-du-temps. Aux expressions québécoises, mélangeant français et anglais, la plume acérée, descriptive, parfois poétique de l'auteur se révèle dépaysante.
Un roman d'atmosphère captivant...
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Eté 1967, Summer of love, au bord du lac de Boundary Pound, cerné de forêts profondes, à la frontière entre le Canada et les Etats-Unis.
Bondrée, pour les intimes.
Endroit propice aux légendes tressées autour du personnage d'un trappeur dont certains se souviennent et qui flanque le frisson à tout le monde...
Le lieu de villégiature fait le plein de vacanciers canadiens et américains, qui reviennent année après année. Ils ne se fréquentent pas forcément, mais ils se connaissent tous.

Parmi eux, les Mulligan et les Morgan, dont les filles, Zaza et Sissy, deux amies fusionnelles, laissent derrière elles un sillage d'attirance sexuelle chez bien des hommes et de jalousie chez bien des femmes.

Et les Duchamp, qui viennent aussi chaque année avec leurs trois enfants, Bob, Andrée et Millie.

Une nuit, Zaza disparaît. Elle est retrouvée morte, dans une clairière, la jambe prise dans un vieux piège à ours.
L'inspecteur Michaud conclut à un accident.
Mais trois semaines après, une autre jeune fille est engloutie à son tour dans le crépuscule...

Que l'on accompagne Andrée Duchamp dans ses vacances adolescentes bouleversées par la disparition de Zaza puis par l'angoisse grandissante parmi les vacanciers, ou bien l'inspecteur Michaud venu du Maine enquêter sur cet "accident", les personnages sont bien campés, les caractères finement évoqués.

Zaza et Sissy font écho aux Zaza-et-Sissy que nous avons tous pu croiser.
Les vedettes de la villégiature.
Tout le monde les connaît. Tout le monde a un avis sur elles. Tout le monde les regarde.
Elles fascinent Andrée, litteldole so cut, Sissy, à qui elles donnent des gommes ballounes.
Deux jeunes filles qui se jouent du désir qu'elles éveillent chez les hommes, qui se fichent que les femmes en prennent ombrage, riant au nez de tous ces bien-pensants qui les toisent de haut.
Deux jeunes filles insouciantes et libres.
Pas si chanceuses qu'on veut le croire, ni si bien-aimées non plus.
Plutôt délaissées par leurs parents, gâtées à hauteur de leur désintérêt pour elles et qui ne comptent que l'une sur l'autre.
Dont le souvenir égratignera la mauvaise conscience de tous ceux qui en pensent tant de mal... révélant malgré elles le meilleur et le pire en chacun.

La plume d'Andrée A. Michaud a une force d'évocation remarquable. Elle enveloppe la narration de bribes de conversation en anglais, tics de langage, expressions québecoises, jurons, passant d'une langue à l'autre dans la même phrase si naturellement qu'on croit l'entendre.
Tous ces voisins prennent vie, les anglophones, les francophones. La lumière scintille en poudre d'or sur le lac. La forêt se pare du chatoiement de toutes ses nuances d'émeraude. Les journées vibrent dans une chaleur harassante avant la déferlante d'orage. Mais une inquiétude pesante rampe autour de Bondrée... Elle monte avec le crépuscule, soir après soir, semaine après semaine, retombe un peu, un court répit, pour assurer ensuite davantage son emprise sur la communauté...

A l'aise dans la peau d'une adolescente comme dans celle d'un inspecteur au bord de rendre son insigne, hanté par les fantômes d'affaires abominables, l'auteur tisse subtilement la toile de cet été 67, où viennent se prendre jeunes filles, illusions, enfance, tranquillité et innocence...
Tout y est juste, le ton, les préoccupations, les descriptions, les relations familiales, amicales, de voisinage.
Tout peut réveiller un souvenir enfoui en soi, qui dit les incertitudes de l'adolescence, les odeurs de barbecue, les voix appelant les enfants dans le soir d'été, la ligne rose vif au-dessus des cîmes suivant l'engloutissement du soleil, les mères, les pères, leur regard sur leurs enfants, leur absence aussi...
Au fil des pages, l'ambiance se tend, une sourde anxiété fait place à l'angoisse, l'air devient irrespirable.

J'ai été très impressionnée par la maîtrise, la profondeur, la finesse d'observation d'Andrée A. Michaud, sa délicatesse et sa poésie.
Bondrée est pour moi un grand roman, j'en ai suivi chaque méandre avec délectation.

Encore une découverte que je dois à la lecture commune polar,
merci !
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Eté 1967. Boundary Pound fait le bonheur des vacanciers. du soleil, un lac entouré d'une forêt profonde. Nature et farniente, chasse et pêche, confitures et barbecues. Ils s'appellent Duchamp ou McBain, Larue ou Latimer, viennent du Maine ou du Québec et partagent tous la douceur de vivre de ce lieu paradisiaque. Les femmes préparent des tartes, les enfants barbotent et les maris arrivent pour le week-end pour un repos bien mérité. Andrée est encore une enfant même si elle se donne des airs de grande et rêve de s'immiscer dans le duo formé par Zaza Mulligan et Sissi Morgan. Une blonde, l'autre rousse, deux gamines tout juste sorties de l'adolescence qui exhibent leurs longues jambes, chantent les Beatles à tue-tête, cigarettes fines au bec. Andrée les admire, les femmes leur jettent des regards réprobateurs et les hommes tentent de cacher la convoitise honteuse qu'elles allument dans leurs yeux. Rien de grave, rien de bien méchant. Mais tout bascule le jour où Zaza disparaît jusqu'à ce qu'un promeneur la retrouve dans les bois. Morte, la jambe coincée dans un piège à ours, elle s'est vidée de son sang. L'enquête menée par Stan Muchaud et son adjoint Jim Cusack conclut à un accident. Mais la quiétude de l'été a disparu avec Zaza. On s'inquiète, on organise des battues pour déloger les pièges, on déterre les histoires du passé. Celle de Pierre Landry, un déserteur qui voulait échapper à la seconde guerre mondiale et s'est réfugié dans les bois de Boundary. Un trappeur, un ermite, un sauvage, mort d'amour pour les beaux yeux d'une estivante qui ne l'aimait pas en retour. Son fantôme a-t-il tendu un piège à Zaza ? Quand une deuxième jeune fille disparaît, le doute n'est plus permis. Ce n'est pas un fantôme qui lui a rasé la tête et coupé la jambe...Michaud revient et cherche un meurtrier.

Quel magnifique roman ! Grâce à sa plume alerte et sensuelle, sa langue colorée mixant anglais et français, Andrée Michaud nous emmène avec elle au bord de ce lac qui marque la frontière entre Canada et Maine, dans les petits chalets habités par les familles d'estivants, au coeur de la forêt profonde qui l'entoure et contribue au mystère des lieux. C'est dans ce décor bucolique qui invite au farniente ou à l'exploration de la nature qu'elle instille discrètement un parfum de drame. Malgré les enfants qui s'ébattent dans les eaux du lac, les femmes qui confectionnent à tour de bras tartes et confitures, les hommes bienheureux qui viennent goûter ici au repos du guerrier, il y a quelque chose de pourri à Boundary, une odeur de mort qui vient peut-être de la triste histoire de Peter Landry...A la suite de ses personnages si attachants, du flic surmené, hanté par une affaire non résolue et profondément humain, à la petite Andrée qui fait une entrée fracassante dans l'âge adulte, jusqu'à ces mères autoritaires et protectrices dignes représentantes de la bonne ménagère des années 60, on parcourt les sentiers de Boundary, on profite de la chaleur estivale et puis on craint le pire, on cherche un coupable, on voit voler en éclat la douce langueur d'un dernier été au bord du lac.
Bref, plus qu'un polar c'est un roman d'atmosphère, extrêmement bien écrit, aux personnages marquants, dans un décor dépaysant. Un coup de coeur.
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Au fin fond du Canada, dans une région qui s'appelle « Bondrée », quelques familles se sont regroupées comme chaque année pour passer l'été au bord d'un lac. Trois adolescentes profitent de leurs vacances, insouciantes, Zaza et Sissy, que l'on pourrait prendre pour des jumelles car elles sont inséparables et Frenchie, dernière arrivée qui s'est liée au duo de délurées. Elles ne se doutent pas que dans la forêt environnante, un être sanguinaire et malfaisant rode…
Tout l'intérêt du roman d'Andrée Michaud réside dans l'atmosphère pesante qu'elle a parfaitement su recréer autour des meurtres perpétrés par un psychopathe. Même la nature participe à cette tragédie, une forêt primaire, des montagnes et un lac.
« Bondrée » est un polar à la Hitchcock où le lecteur est gardé à distance de l'intrigue et l'auteur lui lâche les éléments au compte-goutte derrière un voile opaque, un peu comme dans un cauchemar. Rien n'est dit ouvertement, tout est centré sur l'ambiance de cette région qui va s'avérer hostile, et sur les caractères des personnages, des gens simples, des ermites, des gueules cassées de la vie.
Il manque mal grès tout la pression crescendo d'une enquête qui livre ses éléments, des pistes élaborées pour accompagner ou perdre le lecteur. L'auteur a trop axé son récit sur la psychologie de ses personnages ce qui affaiblit la tension narrative. Il y a tous les éléments d'un très bon polar mais trop dilués dans un flot de détails sur le caractère des protagonistes.
« Bondrée » est une enquête hors des sentiers battus de ce type de littérature où le venin envahit lentement le corps de cette histoire.
Editions Rivages / noir, 380 pages.
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critiques presse (2)
Telerama
07 août 2018
La québécoise Andrée A. Michaud réussit un conte noir et obsédant, réunissant enquête policière et réflexion sociale sur le passage à l’âge adulte. Mais c’est d’abord l’écriture qui envoûte, descriptive, mélancolique, puissante.
Lire la critique sur le site : Telerama
LaPresse
15 décembre 2014
Une ambiance remarquable, une écriture ciselée et un exemple, trop rare, de polar qui est aussi de la grande littérature.
Lire la critique sur le site : LaPresse
Citations et extraits (174) Voir plus Ajouter une citation
Mon père avait posé une main sur mon épaule. Ça va, punaise ? Il me donnait ce surnom dans les moments graves, punaise. J'aurais pu m'en offusquer, mais je savais que la punaise qu'il voyait en moi n'avait rien à voir avec la bestiole. Il s'agissait d'une punaise pas vraiment punaise, qui ne sentait pas le diable et savait grimper aux arbres. Punaise n'était qu'un synonyme de la puce, pas tellement plus flatteur, si on y pense bien, qu'un mot gonflé d'affection, et rien ne me faisait plus plaisir que de l'entendre m'appeler ainsi. Tant qu'il m'appellerait punaise, je saurais qu'il m'aimait.
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Deux heures plus tard, il était prêt à rédiger un rapport préliminaire dans lequel figureraient les mots "mutilation", "lacération", "esquille", des mots froids qui cimentaient le mur qu'il avait érigé entre l'homme de la salle d'autopsie et celui qu'il redevenait lorsqu'il enlevait ses gants et sa blouse tachés de matières organiques. Son rapport comporterait aussi des mots comme "fétichisme", "couteau", "chasse", car il était parvenu à déterminer que les cheveux de Sissy Morgan avaient été coupés par un couteau de chasse, du genre de ceux dont on dépèce les carcasses. Ajouté au piège, ce couteau esquissait le portrait du meurtrier de Boundary, un chasseur, un être dont le pouvoir reposait sur la capture, puis sur les attributs dont il dépouillait sa proie, viande, bois, fourrure et, dans le cas présent, chevelure, la marque par excellence de la féminité, le trophée de l'être malade.
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Dans les jours qui avaient succédé à la disparition d'Esther Conrad, il s'était aussi penché sur ces questions absurdes, pourquoi, pourquoi, pourquoi ? Il se souvenait que Dorothy, pendant qu'il s'interrogeait sur la durée de la beauté, lui avait parlé des jonquilles et des roses, des lilas qu'on coupait la plupart du temps avant qu'ils soient prêts à mourir. Tel était le destin d'une certaine beauté. Il n'avait su que rétorquer, il avait pensé aux chevaux qu'on achève alors que leur regard se perd dans l'écume du souffle, à cet acte de charité sans lien, pourtant, avec les fleurs cueillies au milieu des jardins, puis il était revenu à son idée de départ, la mort n'avait de sens que si le cœur s'arrêtait de fatigue, que si elle était le résultat d'un geste conscient, d'une trop grande inadaptation à la vie.
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Boundary était enveloppé du calme succédant au drame, de l'engourdissement des jours de deuil, quand tout le monde se croit tenu de chuchoter, de baisser le volume de la radio, de garder les enfants à l'intérieur. Ce silence durerait tout au plus une journée ou deux, puis le bruit reprendrait ses droits. La mort de Zaza Mulligan, comme toute autre mort, ne parviendrait pas à étouffer éternellement le rire des survivants. La vie se réorganiserait autour de cette absence et tous, sauf les proches et les flics de son espèce, incapables de repousser les fantômes, oublieraient que dans l'espace occupé par l'absence, se tenait autrefois une jeune fille.
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[Zaza] a eu un accident, elle reviendra pas. Assise en indienne sur le coussin défraichi de la causeuse, je me triturais les orteils en attendant la suite, mais mon père ne prononcerait le mot qui m'éclairerait définitivement sur le sort de Zaza Mulligan que si je le lui arrachais. J'avais demandé si ça signifiait que Zaza était à l'hôpital et il m'avait répondu que non, que Zaza n'était désormais nulle part. Peut-être au ciel, avait-il ajouté, mais il n'y croyait pas plus qu'il ne croyait que les communistes allaient envahir l'Amérique et transformer le Maine en goulag. Il disait ça parce que c'était moins compliqué que de chercher à m'expliquer la mort, à m'expliquer que le ciel n'était qu'un rêve permettant à ma mère d'accepter l'absurdité du monde. Il avait depuis longtemps compris ce que je comprendrais plus tard, à savoir que le terre n'était comme nous qu'un accident, que le corps n'était que poussière et qu'aucune volonté, divine ou autre, ne pouvait ranimer cette poussière dans un quelconque au-delà. C'est ici bas que la poussière revivait, au milieu de l'absurdité du monde.
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Vidéo de Andrée A. Michaud
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Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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