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Henri Michaux : Oeuvres complètes ... tome 3 sur 3

Raymond Bellour (Éditeur scientifique)Ysé Tran (Éditeur scientifique)
EAN : 9782070117451
2048 pages
Gallimard (06/05/2004)
4.81/5   21 notes
Résumé :

Ce volume contient : Connaissance par les gouffres. Vents et poussières. Images du monde visionnaire [Carnet de la drogue]. L'espace du dedans (Table de 1966). Les grandes épreuves de l'esprit. Parcours - Façons d'endormi, façons d'éveillé. Emergence-résurgence. En rêvant à partir de peintures énigmatiques. Moments - par la voie des rythmes. Idéogrammes en Chine. Face à ce qui se dérobe. Cho... >Voir plus
Que lire après Oeuvres complètes, tome 3Voir plus
Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
C'est l'expérience d'un « buveur d'eau »
H.M. ne cherche pas à échapper à l'angoisse, il se consacre à l'exploration de l'univers que lui a révélé l'usage des drogues. Sa quête porte sur les conditions de la pensée, les moyens propres à l'exprimer, quitte à plonger dans les ressacs inexplorés de l'esprit.
Les livres sont des descriptions des effets de la drogue, myriades d'images intenses qui disloquent le corps et le monde. La mescaline est une expérience de la folie, un « mécanisme d'infinité » absolument bon ou terriblement mauvais, une exploration des possibilités de la pensée et une tentative de retranscription. Les mots tentent de suivre systématiquement les effets de la drogue sur la conscience, d'en éprouver l'étendue, les ressources et les limites. Cette introspection se fait en une notation au fur et à mesure des prises de mescaline, sur le papier, des avatars et de nombreuses tribulations s'inscrivent de manière heurtée, disloquée, les mots s'écroulent parfois en d'incompréhensibles gribouillis. Les dessins sont d'« innombrables lignes fines, parallèles, serrées les unes contre les autres avec un axe de symétrie principal et des répétitions sans fin ».
Accélération de la vitesse mentale, surabondance qui gonfle les phénomènes (images, pensées, impulsions), caractérisent la modification essentielle de la mescaline ; mécanisme qui «exclut la conscience du sentiment, pour l'exprimer» en une longue descente dans des gouffres aux luminosités blanches et aveuglantes, sensations de faim violentes aussitôt disparues, invasions de couleurs, poussées d'architectures chaotiques, grimaces, ruines, montagnes, minarets, sensation de n'être plus qu'une ligne, une amplification des bruits – le moindre froissement assomme les
tympans : « c'est une vibration énorme, multiple, fine, polymorphe et effroyable qui semble ne devoir plus jamais finir ». La conscience est décapée avec violence, la surabondance des stimulis et la dislocation de l'esprit sont comparables à celles dont souffrent les schizophrènes.
Une erreur de dosage ouvre le cauchemar, désagrément multiplié par le caractère d'infinité de la mescaline. Une « petite mort » vécue des centaines et des centaines de fois, imagination annulée, diminuée dans des explosions de feu, entre sérénité et turbulence. Sans aucun prodige, l'expérience de la mescaline peut conduire à un long glissement dans un gouffre broyeur, un grand froid qui « désensualise l'image ». La vulnérabilité de l'humain, sa porosité au contact de l'infini, est comme une nostalgie de foetus, un souvenir d'une provenance visqueuse et transformeuse ; au bord de l'insoupçonné et d'une démesure inattendue, reste, parfois, une tension vers l'extase. L'existence est absurde, désespérément on y cherche quelque chose, sans trop savoir ce que c'est exactement, quand on le trouve enfin, tout s'éclaircit : on est dans un abîme où l'on ne finit plus de tomber ; avec le vertige rien à quoi se raccrocher, impossible de se ramasser, on tombe sans même pouvoir arrêter de respirer.
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Le troisième volume des oeuvres complètes de Michaux regroupe trois sortes de textes au moins dont je puis dire quelque chose : d'abord, le corpus de livres consacrés à la mescaline (voir aussi le tome II), la série des Idéogrammes en Chine (et autres textes où l'écrit dialogue avec le dessin), et enfin une dernière sorte de poésie, poésie gnomique, sentences, proses de sagesse, aphorismes, où l'effet poétique ne se distingue pas de la surprise de la pensée. On trouvera encore les critiques, hommages et discours de la fin de sa vie, et des inédits.
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Citations et extraits (113) Voir plus Ajouter une citation
Images du monde visionnaire


Vision 6

 Bulles de savon envoyées en l'air. On ne voit qu'elles, non
celui ou cela qui les lance. Irisées, admirables, au vol incertain.

 Une surface d'eau calme, légèrement ondulante. On entend
les cris légers d'une poule d'eau dans les roseaux et le bruit de
l'eau venant clapoter contre le fond d'une barque amarrée.

 Un pêcheur placidement surveille le bouchon de sa ligne.
En rejetant sa ligne à l'eau de grands cercles se forment, mais
ils ne s'atténuent pas. Ils augmentent, se développent. L'eau
se creuse. Son bruit se fait bizarre. Le bruit augmente. Sou-
dain apparaît un hors bord chassant de grandes franges
d'écume et d'eau éblouissante, tirant après lui un skieur nau-
tique virevoltant, qui s'approche et tout à coup c'est lui, le
sujet, qui est dessus entraîné à toute vitesse, traversant des
tourbillons faisant un parcours à lui couper le souffle. Soudain
tout s'évanouit.

 Il reste une eau parfaitement calme et un petit bateau (cha-
loupe ou pirogue) à bec de canard passe lentement, un peu
de style solennel, grotesque, d'une ancienne pirogue d'apparat
maori.

 Il se retrouve dans un jardin beau, paradisiaque, aux fleurs
aux couleurs intenses. Végétation inattendue, belle. Il y a un
bruit d'eau mais fin, distingué, pur comme le son du cristal. Il
vient en effet d'un tout petit bassin sur lequel tombe l'eau
d'un mince mais assez haut jet d'eau. Extase.

 Variante : il fume une pipe d'où sortent de petits anges ou
des djinns qui se répandent dans l'herbe.

 Variante : Dans une pouponnière des centaines de bébés
horribles, côte à côte, plusieurs atteints de jaunisse….

p.242-243
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PHOTO (EN NOIR) D’UNE BEAUTE CREOLE

Visage plen de charme.
Il regarde, regarde encore, et tout à coup la voilà qui vit devant lui. Cependant qu’il la contemple sans pouvoir en détacher les regards, elle se livre au plaisir de vivre avec lui, de vivre pour lui, de le séduire comme si elle-même en coup de foudre avait été par lui séduite. Par de petits mouvements subtils, presque imperceptibles, elle lui parle le langage des yeux (et du cœur). Sans paroles, sans la plus vague indication de paroles, ses lèvres aussi à un moindre degré, de façon infiniment discrète, par de fines moues de désirs et de reproches expriment les sentiments intimes d’une personne possédée d’amour. Successivement elle sourit, elle stimule, elle taille, « elle fait des grâces », des reproches, des promesses, donne des encouragements et persuade et s’attriste, caressante, voluptueuse puis sentimentale, mélancolique, espiègle, joueuse, tentatrice, cruelle surtout amoureuse possédée de la transe qui la plonge en lui...
Visage également sans couleurs. Aucun bruit. Ou un bruit de fond extrêmement faible.

(Inutile de dire combien la jeune fille choisie pour ce rôle doit avoir les yeux expressifs et capables de séduction.)
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Poteaux d’angle


Une certaine araignée chaque matin fait dans la nature
et en tout lieu qui s’y prête une toile admirablement régu-
lière. Après ingestion d’un extrait de champignon halluci-
nogène — que par ruse on lui a fait prendre — elle
commence une toile dont petit à petit les spires ne se sui-
vent plus et partent de travers, et d’autant plus que la
quantité absorbée est plus considérable : une toile de folle.
Des parties s’affaissent, s’enroulent, Zygiella notata, c’est
son nom, ne s’arrête pas avant d’avoir obtenu la dimen-
sion habituelle mais, devenue incapable de suivre son plan,
un plan qui pourtant ne date pas d’hier, mais de dizaines
ou de centaines de siècles, passant intact et parfait de mère
en fille, elle commet des erreurs, des redoublements, ailleurs
laisse des trous, elle, si soigneuse, et passe outre. Les der-
nières spires sont un balbutiement, un vertige, c’est comme
si elle avait eu un éblouissement. Œuvre en ruine, ratée,
humaine.
Araignée si proche de toi maintenant. Nul sur la drogue
n’a plus justement, plus directement exprimé le trouble des
enchevêtrements. En frère, regarde ses ruines en fil. Mais
qu’a-t-elle donc vu, Zygiella ?”

p1062-1063
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Déplacements, dégagements
OÙ POSER LA TÊTE ?


Un ciel
un ciel parce qu’il n’y a plus la terre,
sans une aile, sans un duvet, sans une plume d’oiseau, sans
une buée

strictement, uniquement ciel
un ciel parce qu’il n’y a plus la terre

Après le coup de grisou dans la tête, l’horreur, le désespoir
après qu’il n’y a plus rien eu, tout dévasté, sabordé, toute
issue perdue

un ciel glacialement ciel

Obstrué à présent, barré, bourré de débris ;
ciel à cause de la migraine de la terre
dépourvue de ciel
un ciel parce qu’il n’y a plus nulle part où poser la tête

Traversé, rétréci, rentré, rogné, défait intermittent,
irrespirable dans les explosions et les fumées
bon à rien

un ciel désormais irretrouvable

p.1321-1322
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FILLE DE LA MONTAGNE / 1984
À Lokenath Bhattacharya.


Fille restée petite
sans fleurir
chapelet de jours
sans aurore

soignant les bêtes
dans un réduit sans air

rêvant fenêtres
une grande large fenêtre,
où les disparus
réapparaîtraient
pénitence terminée.

La saison de la feuillaison revenue
la voici au-dehors
menant les chèvres brouter

À nouveau sur les cimes, l'étrangère
immensités devant elle
immensités autour d'elle
grimpant
dévalant
remontant

Mais loin du pays de sa naissance
loin le Grand Continent
habité des dieux

Sur les hauteurs, les cieux sont proches,

de partout reviennent

Montagnes donnant courage aux courageux
persévérance aux persévérants
élévation à celles qui aspirent à l'élévation.

Espaces de toute sorte
reçus de toute part
toujours autres
un infini d'espaces
entretenant attirance, transports
attente . . .
attente . . .

p.1289-1290
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Videos de Henri Michaux (48) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Henri Michaux
Sacha Guitry, Victor Hugo, Henri Michaux, Raymond Devos... Tous ces noms furent les auteurs de textes illustres, qu'André Dussollier convoque et ressuscite sur la scène des Bouffes parisiens depuis le 18 janvier. Rencontre avec cet acteur à trois césars et récompensé du Molière du comédien.
#theatre #cinema #andredussollier __________ Venez participer au Book club, on vous attend par ici https://www.instagram.com/bookclubculture_ Et sur les réseaux sociaux avec le hashtag #bookclubculture
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