Je n'écris plus beaucoup de critiques. (En ai-je jamais beaucoup écrit ?) Ce n'est pas que je ne lis plus, c'est que je lis trop (ou trop mal). Je ne finis pas un bouquin sur deux et je n'avais plus ressenti aucune pulsion de partage de mon petit sentiment si distingué depuis bien longtemps. Et puis, j'ai lu
passages de Michaux.
Je connaissais un peu le bonhomme, sans plus. J'avais braconné un peu dans son oeuvre, y avais trouvé quelques beaux
poèmes et pas mal d'autres qui m'avaient intéressé sans me transpercer. Et puis, j'ai lu cinq pages de
passages et je me suis souvenu d'un truc que j'avais entendu sur la littérature. Un écrivain, une femme je crois, disait lors dune interview : "la littérature, c'est faire des phrases." J'avais trouvé ça assez juste. Faire des phrases, oui, pas si mal. Et en lisant
passages, après 5 pages et quelques gorgées de bières (pas plus), j'ai eu cette sensation d'être à l'intérieur de ce truc, à l'intérieur de la littérature. C'était bien. En fait, je crois que si je devais expliquer ce qu'est la littérature, je me contenterais de filer ce petit bouquin et de raconter ce souvenir de lecture : le bouquiniste, la pinte de bière, les phrases de Michaux, les filles qui passaient, la sensation que tout cela remettait un peu de désordre dans l'ordre incompréhensible du monde.
Vous n'êtes toujours pas bien sur de savoir ce qu'est la littérature ? Lisez les dix premières pages de
passages. Vous saurez.