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EAN : 9782070323173
220 pages
Gallimard (23/10/1985)
4.13/5   295 notes
Résumé :
C'est peut-être le recueil où apparaît avec le plus d'ampleur le thème essentiel de l'œuvre d'Henri Michaux : le refus de la réalité quotidienne - «sa défaite : le quotidien» - et la revendication d'«autre chose».
Cet autre chose souvent proposé, on le sait, sous la forme de situations imaginaires qui témoignent chez le poète du constant besoin d'inventer. Tantôt avec les couleurs apparemment légères de l'humour, tantôt avec celles d'une angoisse existentiell... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Pas simple, la poésie de Michaux ! Ce recueil est composé de 2 parties : « Lointain intérieur » et « Plume ». Mais j'ai vraiment eu des difficultés à séparer les deux parties tant elles se rejoignent dans la forme et le contenu. Ce qui m'apparaît le plus évident, c'est le décalage entre l'absurdité ou la naïveté apparente, à la manière surréaliste, et le sens, terriblement sombre. On retrouve cette différence quasiment à chaque page. Michaux, sous des allures rieuses, nous présente un monde sauvage et incontrôlé où les individus n'hésitent pas à s'entre-tuer.
« Ah, comprendre le monde maintenant ou jamais ! » p 116
« Aventures terribles, aventures douloureuses et guidées par un ennemi implacable. » p 151
« Alors, comme on était là avec un tas de Bulgares, qui murmuraient entre eux on ne sait pas quoi, on a préféré en finir d'un coup. On a sorti nos revolvers et on a tiré. » p 152
Et le pauvre Plume subit les mêmes turpitudes.
C'est un recueil que j'ai lu en prenant mon temps. Pour essayer d'en apprécier toute la saveur et la complexité.
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Est-ce un recueil de poèmes en prose? un conte pour enfant? un rêve éveillé pour surréaliste? Plume-le-livre est tout cela à la fois, et bien plus encore.
Plume c'est surtout un personnage. C'est l'enfant rétif qui sommeille en nous, c'est l'éternel étranger, c'est le clown blanc attrapeur-de-nuages, c'est l'empêcheur de rationaliser en rond, c'est Candide en Absurdie.
Plume c'est la légèreté grave, la gravité en apesanteur..
.Il fait rire- c'est un clown- il fait pleurer -c'est un clown- il fait penser, critiquer, se rebeller, mais surtout rêver...
Plume se glisse sous notre oreiller...de plumes, et c'est toute la nuit qui s'agite et palpite au battement de ses ailes blanches.
Plume se met au bout des doigts de l'écrivain-peintre Michaux, comme une histoire un peu folle, un croquis volé, un conte esquissé à finir en songe...
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Plume et Lointain intérieur, deux titres qui, longtemps après que j'ai découvert le recueil, restent chargés d'un charme poétique particulier.
Henri Michaux est de ces auteurs qui m'ont fait entrer en poésie, Plume précédé de Lointain intérieur de ces recueils qui m'ont et continuent de me marquer par son caractère mais aussi par l'histoire qui me lie à lui.

L'écriture d'Henri Michaux n'est pas des plus accessibles, elle surprend, peut déconcerter par certains aspects mais elle révèle cependant une intentionnalité, une originalité touchantes.

Dans toute son oeuvre, Michaux n'a jamais voulu s'installer dans une subjectivité figée, se compromettre dans un déjà vu, un ressassement de style. Il a toujours souhaité renouveler une écriture en mobilisant la langue, en se jouant des convenances morales, du sens donné aux choses. Très perceptible dans Lointain intérieur (oublié en 1938), Michaux se livre à un combat, à un affrontement verbal dans lequel il cherche à débusquer le sens, comme pour le mettre à mal, l'éprouver. Sous le désordre apparent de l'écriture et dans une variété des registres, le poète expérimente la ductilité, la souplesse du langage.
Cette malléabilité, ce renouvellement constant de la subjectivité sont chez Henri Michaux les conditions essentielles de son écriture, l'impératif de toute sa poésie.

Un peu différente est son approche dans Plume. C'est un ensemble de textes qui ont été publiés en 1930 puis retravaillés jusqu'en 1963 et qui mettent en scène un personnage, celui de… Plume. " Un homme paisible ", " Plume au restaurant ", " Plume voyage ", " Dans les appartements de la Reine ", " La Nuit des Bulgares ", " La vision de Plume ", " Plume avait mal au doigt ", etc. sont quelques-uns des titres des chapitres de ce récit poétique. Michaux utilise ici le registre de l'absurde pour imaginer un personnage qui peut nous paraître comme étrangement familier.

Indifférent à lui-même, à toute interaction sociale, à tout ce qui l'entoure (même sous la menace d'un danger ou de la violence), Plume incarne la vulnérabilité de l'être humain, le tragique existentiel. Michaux inverse le propos de l'homme livré à une société de consommation. Dans Plume, c'est la société qui a consommé l'individu. Face à une époque devenue violente et impersonnelle, le personnage de Plume va se désengager moralement du monde, se mettre en retrait de toute pensée, de toute conviction. Dans le comportement de Plume, apparaît la perte de toute valeur humaniste, l'abandon de tout projet historique pour l'homme, le délitement d'un rapport moral à soi et aux autres.

Plume n'est cependant pas un manifeste, un plaidoyer contre un monde en perte de valeurs. Il est avant tout une oeuvre poétique, l'expression libre d'un imaginaire à portée de la réalité.
Henri Michaux, qui était aussi peintre et voyageur, à toujours été à la recherche d'une totalité, d'une satiété poétique. Il voulait une écriture qui soit en perpétuel mouvement, qui soit mobile et mobilisante. Exercice mené jusqu'aux limites de la conscience, jusqu'à se perdre soi-même. Les exigences d'une poésie incomparable.
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Là où dans La Nuit remue Michaux faisait l'inventaire de ses « propriétés », il renie ici ce terme trop évocateur d'une possession figée, et se fait plus que jamais le sujet d'une dépossession permanente. le mouvement est intense, dans les images, les rythmes et les formes employées. Plume est une force centrifuge qui emmène vers une altérité introspective, un « Lointain intérieur », titre d'une partie du recueil dont la rédaction est postérieure de quelques années aux autres textes mais qui se retrouve placée au début : illustration éloquente du remue-ménage(rie) que constitue ce livre riche en animaux fantastiques, métaphore d'une identité en permanente métamorphose.

Alors on y tourne et on y retourne dans le monde de Plume. On espère y trouver et y retrouver du sens, balloté entre les brises du grand large comme un petit cheval intranquille, roulé en boule mais ne demandant qu'à se déployer, à se transformer, à s'envoler au-dessus de l'océan.

On aimerait y forger quelque chose en-Plume, mais faut-il pour cela marteler les mots d'une paire d'yeux attentifs ou au contraire laisser dériver son attention le long des lignes, avec la légèreté du duvet emporté par le vent ?

La brise tempêtueuse achoppe parfois sur un calme angoissé lorsque celle-ci est « ralentie ». La ralentie, c'est le principe féminin du poète, une pulsation qui duplique, multiplie, sa voix et le fait naître de toutes choses, à tout moment, sous des formes extravagantes. Et via ce nouveau tempo, le mouvement renaît lui aussi de plus belle.

Parmi les réincarnations de la voix de Michaux, on trouvera Plume. Plume n'en a pas conscience, mais il est atteint d'une légèreté ontologique qui semble tout faire glisser sur lui, même l'insoutenable. Il lui arrive de s'endormir dans son voyage vers un pays lointain, entre quelques cadavres et quelques réveils en sursaut. Plume est sans famille, sans amarres. le monde le tient pour coupable et ceux qui prétendent l'aider (avec une désinvolture maternaliste ou paternaliste) le rendent complice de crimes. Plume est passif, Plume se laisse faire, trop léger pour s'opposer, mais cette légèreté semble aussi bien le menacer que le sauver : moins soumis à la pesanteur, il tombe moins vite que les autres. Là où certains s'étouffent en avalant leur langue, lui accepte de la laisser partir nager avec les poissons et peut encore parler. Plume chute en tourbillonnant vers le plafond et il nous fait perdre la tête, afin qu'elle sorte des murs.

Plume nous démembre, nous change à travers les signes, nous change en signes transitoires. Il nous fait signe, et le monde nous fait signe à travers lui.
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C'est un ouvrage assez étonnant, tant par sa structure (à mi-chemin entre la poésie et le récit, selon moi) que par ses textes. Ce recueil est composé de deux parties : Lointain intérieur et Plume.

Bien que j'ai lu l'intégralité du livre, c'est la partie sur Plume qui me reste le plus en mémoire : en effet, c'est celle que nous avons étudiée en cours de littérature française.

Cette poésie (puisque Gallimard la nomme ainsi) est étrange et absurde, si bien que j'étais parfois interloquée, que j'avais l'impression de passer totalement à côté du livre, et d'autres fois, j'appréciais ma lecture pour ce qu'elle était et je riais aux aventures de Plume. J'ai trouvé un certain humour cynique dans l'écriture d'Henri Michaux.

Malgré tout, je suis restée relativement hermétique aux nouvelles et aux poèmes proposés par l'auteur.
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Citations et extraits (116) Voir plus Ajouter une citation
Difficultés (1930)
MOUVEMENTS DE L'ȆTRE INTÉRIEUR

La poudrière de l’être intérieur ne saute pas toujours. On la croirait de sable. Puis, tout à coup, ce sable est à l’autre bout du monde et, par des écluses bizarres, descend la cataracte de bombes.
En vérité, celui qui ne connait pas la colère ne sait rien. Il ne connait pas l’immédiat.
Puis la colère rencontre la patience lovée sur elle-même. Sitôt touchée, celle-ci se dresse et se confond avec celle-là, et fonce comme un obus et tout ce qu’elle rencontre elle le renie et le transperce.
Puis, roulant ensemble, elles rencontrent la confiance à la grosse tête et les autres vertus, et la débâcle s’étend à toutes les zones.
La vitesse remplace le poids et fait fi du poids.
Comme un cil pointant au bord d’une paupière y est mieux à sa place qu’au bout d’un nez, la vélocité est à sa place dans l’être intérieur. Elle y est plus naturelle que dans la patte d’une tortue atteint de paralysie.
Quand la concupiscence halant ses bateaux de fièvre dans la campagne immense de l’être intérieur… Quoi ! Qu’est-ce donc que cette brume qui monte ?
L’être intérieur combat continuellement des larves gesticulantes. Il se trouve tout à coup vidé d’elles comme d’un cri, comme de détritus emportés par un ouragan soudain.
Mais l’envahissement reprend bientôt par le bas, et le calme d’un instant est soulevé et troué comme le couvercle des champs par les grains de blé avides de croître.
Il faut voir l’être intérieur attaquant la concupiscence. Quel boulanger plongea jamais d’aussi énormes mains dans son pétrin ? Quel boulanger vit-on pareillement accablé par la montagne mouvante, montante, croulante, de la pâte ? Une pâte qui cherche le plafond et le crèvera.
L’être intérieur collabore avec la concupiscence dans la joie ou avec réserve. Mais toujours il est traqué par cet envahisseur gonflant.
L’être intérieur a tous les mouvements, il se lance à une vitesse de flèche, il rentre ensuite comme une taupe, il a d’infinie hibernations de marmottes. Quel être mouvementé ! Et la mer est trop mesquine, trop lente pour pouvoir lui être comparée, la mer à la gueule ravagée.
Enfin, s’attaquant à l’homme vaincu d’avance, la Peur,
Quand la peur, au ruissellement mercuriel, envahit la pauvre personnalité d’un homme qui devient aussitôt comme un vieux sac,
Écartant tout quand elle entre, en Souveraine, s’assied et se débraille sur les sièges culbutés de toutes les vertus,
Décongestif unique du bonheur, quand la Peur,
Quand la Peur, langouste atroce, agrippe la moelle épinière avec ses gants de métal…
Oh, vie continuellement infecte !
Le désespoir et la fatigue s’unissent. Et le soleil se dirige d’un autre coté.

p.131-132-133
Extraits PLUME précédé de LOINTAIN INTERIEUR, Nouvelle édition revue et corrigée, GALLIMARD 1963
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L'insoumis

Quittant le balcon où défilait le Monde, quand il faut rentrer sans arcades, dans la gueule froide de la journée grignoteuse, devant les centaines de boîtes qu'il faut remplir précipitamment, quand il faut quitter le grand vide admirable où l'on avait séjour...
Tristesse du réveil !
Il s'agit de redescendre, de s'humilier.

L'homme retrouve sa défaite : le quotidien.
Ayant perdu les témoins de sa splendeur, il ne sait que dire. Il peut même passer pour un imbécile, un médiocre, un homme de rien, cependant qu'il y a peu d'instant encore, il se trouvait entre les Majestés, lui-même sur un trône, parmi les souverains masqués et qu'en grande pompe le suivaient ses gens, tandis que s'élevant toujours plus haut, plus haut encore, il abordait à la plateforme suprême, où, seul, le son des grandes trompettes de la victoire pouvait le rejoindre.

C'est fini. En vain, le pauvre remonta d'un élan irrésistible le cours de son destin. En vain, il s'éleva.
Il lui faut en un instant, et incertain s'il la reverra jamais, quitter sa vraie famille, les célestes siens, pour revenir parmi les étrangers qui se disent ses proches et ne le connaissent pas.

Il regarde autour de lui. Il se sent accablé.
La journée le reprend comme un train omnibus prend sa charge de journaliers. Allons, en route ! Et il lui faut s'éloigner.
Cependant, il se demande comment il pourrait rentrer dans le paradis perdu (et qu'importe que ce soit parfois un enfer).
Il médite l'évasion, car les "mous" sont les "durs", ne se laissent ni vaincre, ni convaincre, et se reforment entiers et agrandis sous la botte.

Tous les moyens lui sont bons. Pas besoin d'opium. Tout est drogue à qui choisit pour y vivre l'autre côté.

Attaquant son coeur à grands coups de café, ou même simplement de fatigue, ou même simplement d'imagination et du fluide intense de son désir, il décolle.
Il regarde ensuite le monde des objets immobiles, mais qui commencent à chanter, à tenir la note.
Les immeubles des boulevards, comme appelés à devenir d'immenses vaisseaux, commencent à se caréner.

D'autres voûtes entre les voûtes des monuments se mettent à osciller lentement.
Des plafonds descendent continuellement des plafonds... et sans remonter jamais.
Des visages émanés de son propre visage, partout le regardent.

Ses tempes chantent haut, en ténor. Cependant que les agrès intérieurs se raidissent.

Dans la tempête, il entend le monde, comme il sonne vraiment. Oh ! Qu'il résonne étrangement ! Il le voit aussi, comme il est, jaune, essentiellement jaune et mêlé d'un peu de boue et d'ocre.
Il est dans la trajectoire et la vie prend un tout autre sens. Chacun est après une autre chandelle. C'est la poursuite vertigineuse, et il n'est pas de pont dans un tourbillon.
Son coeur se met à sauter comme une balle.
En sa poitrine, c'est à présent le barattement du lac de l'émotion.
Comme des bulles, des horizons toujours nouveaux apparaissent, croissent, se dilatent, crèvent, réapparaissent, s'étirent, se dilatent, et encore, et encore...
Progressivement et rapidement formées des cuirasses de frissons maintenant l'isolent, comme son idée profonde isole le somnambule et le retire de la nuit, de ses pièges et de son grave défaut de lumière.
Dans le calme parfait qui précède les apparitions, son être galvanisé attend la révélation. (Celle-ci ne vient pas, étantt sous une autre dépendance.) De toute façon, le versant est bientôt dépassé, car il y a toujours un versant, et il retombe.
Ce redoublement de fatigue, quoique au premier abord décevant, lui est une nouvelle occasion de lâcher pied et de déserter l'odieux compartimentage du monde.
Capitaine à la débâcle, il détruit les derniers échafaudages, il nivelle tout dans la cendre, il accomplit la ruine.
C'est ainsi qu'il aura été un grand bâtisseur.
Sans remuer un doigt, il aura été un grand aventurier.
Ni but, ni buter, il faut savoir dévaler.
C'est le jeu de la pierre qui roule.

Il ouvre la fenêtre. Un instant après, il revient de plusieurs heures de vol. Tel est le Temps pour lui. Telle est sa vie.
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NAISSANCE


Pon naquit d’un œuf, puis il naquit d’une morue et en naissant la fit éclater, puis il naquit d’un soulier ; par bipartition, le soulier plus petit à gauche, et lui à droite, puis il naquit d’une feuille de rhubarbe, en même temps qu'un renard ; le renard et lui se regardèrent un instant puis filèrent chacun de leur côté. Ensuite il naquit d'un cafard, d'un œil de langouste, d'une carafe ; d'une otarie et il lui sortit par les moustaches, d'un têtard et il lui sortit du derrière, d'une jument et il lui sortit par les naseaux, puis il versait des larmes en cherchant les mamelles, car il ne venait au monde que pour téter. Puis il naquit d'un trombone et le trombone le nourrit pendant treize mois, puis il fut sevré et confié au sable qui s'étendait partout, car c'était le désert. Et seul le fils du trombone peut se nourrir dans le désert, seul avec le chameau. Puis il naquit d'une femme et il fut grandement étonné, et réfléchissant sur son sein, il suçotait, il crachotait, il ne savait plus quoi ; il remarqua ensuite que c'était une femme, quoique personne ne lui eût jamais fait la moindre allusion à ce sujet ; il commençait à lever la tête, tout seul, à la regarder d'un petit œil perspicace, mais la perspicacité n'était qu'une lueur, l'étonnement était bien plus grand et, vu son âge, son grand plaisir était quand même de faire glou glou glou, et de se rencoigner sur le sein, vitre exquise, et de suçoter…

p.124-125

Extraits PLUME précédé de LOINTAIN INTÉRIEUR, Nouvelle édition revue et corrigée, GALLIMARD 1963
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MAIS TOI, QUAND VIENDRAS-TU?

Mais Toi, quand viendras-tu?
Un jour, étendant Ta main
sur le quartier où j'habite,
au moment mûr où je désespère vraiment;
dans une seconde de tonnerre,
m'arrachant avec terreur et souveraineté
de mon corps et du corps croûteux
de mes pensées-images, ridicule univers;
lâchant en moi ton épouvantable sonde,
l'effroyable fraiseuse de Ta présence,
élevant en un instant sur ma diarrhée
Ta droite et insurmontable cathédrale;
me projetant non comme homme
mais comme obus dans la voie verticale,
TU VIENDRAS.

Tu viendras, si tu existes,
appâté par mon gâchis,
mon odieuse autonomie;
sortant de l'Ether, de n'importe où, de dessous
mon moi bouleversé, peut-être;
jetant mon allumette dans Ta démesure,
et adieu, Michaux.

Ou bien, quoi?
Jamais? Non?
Dis, Gros lot, où veux-tu donc tomber?
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PLUME AU PLAFOND

Dans un stupide moment de distraction, Plume marcha les pieds au plafond, au lieu de les garder à terre.
Hélas, quand il s’en est aperçu, il était trop tard.
Déjà paralysé par le sang aussitôt amassé, entassé dans sa tête, comme le fer dans un marteau, il ne savait plus quoi. Il était perdu. Avec épouvante, il voyait le lointain plancher, le fauteuil autrefois si accueillant, la pièce entière, étonnant abîme.
Comme il aurait voulu être dans une cuve pleine d'eau, dans un piège à loup, dans un coffre, dans un chauffe-bain en cuivre, plutôt que là, seul, sur ce plafond ridiculement désert et sans ressources d'où redescendre eût été, autant dire, se tuer.
Malheur ! Malheur toujours attaché au même… tandis que tant d’autres dans le monde entier continuaient à marcher tranquillement à terre, qui sûrement ne valaient pas beaucoup plus cher que lui.
Si encore il avait pu entrer dans le plafond, y terminer en paix, quoique rapidement, sa triste vie… Mais les plafonds sont durs, et ne peuvent que vous « renvoyer », c’est le mot.
Pas de choix dans le malheur, on vous offre ce qui reste. Comme désespérément, il s’obstinait, taupe de plafond, une délégation du Bren Club partie à sa recherche, le trouva en levant la tête.
On le descendit alors, sans mot dire, par le moyen d’une échelle dressée.
On était gêné. On s’excusait auprès de lui. On accusait à tout hasard un organisateur absent. On flattait l’orgueil de Plume qui n’avait pas perdu courage, alors que tant d’autres, démoralisés, se fussent jetés dans le vide, et se fussent cassé bras et jambes et, davantage, car les plafonds dans ce pays sont hauts, datant presque tous de l’époque de la conquête espagnole.
Plume, sans répondre, se brossait les manches avec embarras.
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Vidéo de Henri Michaux
Sacha Guitry, Victor Hugo, Henri Michaux, Raymond Devos... Tous ces noms furent les auteurs de textes illustres, qu'André Dussollier convoque et ressuscite sur la scène des Bouffes parisiens depuis le 18 janvier. Rencontre avec cet acteur à trois césars et récompensé du Molière du comédien.
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