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EAN : 9782070706228
238 pages
Gallimard (03/02/1986)
3.72/5   146 notes
Résumé :
«Quand je vis l'Inde, et quand je vis la Chine, pour la première fois, des peuples, sur cette terre, me parurent mériter d'être réels. Joyeux, je fonçai dans ce réel, persuadé que j'en rapportais beaucoup. Y croyais-je complètement ? Voyage réel entre deux imaginaires.
Peut-être au fond de moi les observais-je comme des voyages imaginaires qui se seraient réalisés sans moi, ouvre d'«autres». Pays qu'un autre aurait inventés. J'en avais la surprise, l'émotion... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (16) Voir plus Ajouter une critique
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C'est le premier livre, je crois, que je lis de Henri Michaux. Je ne connais pas sa poésie. Et je reste un peu dérouté par cette lecture. Nous sommes en 1931 et Michaux parcourt l'Asie. Dans sa nouvelle préface de 1967, on peut lire : « L'Asie continue son mouvement, sourd et secret en moi, large et violent parmi les peuples du monde. Elle se remanie, elle s'est remaniée, comme on ne l'aurait pas cru, comme je ne l'avais pas deviné. Il date ce livre. de ma naïveté, de mon ignorance, de mon illusion de démythifier, il date. »
Ces propos reflètent bien le contenu du livre. IL s'agit d'un arrêt sur image sur l'Inde, la Chine, le Japon, la Malaisie, l'Indonésie, quelques pages sur le Népal et Ceylan, plus quelques textes sur la nature. le « barbare », l'étranger, c'est bien évidemment l'auteur-voyageur, l'Européen, Le Blanc. « Ici, barbare on fut, barbare on doit rester ». D'une manière générale il découvre l'Orient. On le sent curieux de tout. Surtout des échanges avec la population. Il décrit beaucoup les habitudes, les comportements qui l'étonnent, en comparaison avec ceux de l'Occident. Mais, parfois, il n'est pas tendre dans ses descriptions. Ses nombreuses assertions comme : « les Chinois sont…, les Japonais sont... » nous mettent parfois mal à l'aise, tant son propos est réducteur et se résume à une observation fugace qu'il présente comme une vérité. C'est dommage, mais l'intérêt du livre est ailleurs. Pour le lecteur d'aujourd'hui, il révèle plus la pensée d'un occidental en Asie dans les années 30 qu'une bonne description des peuples d'Extrême-Orient. A lire en resituant le livre dans son contexte.
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"Qu'est-ce que c'est qu'une pensée ? Un phénomène qui trahit un esprit - son cadre - et ce que ce cadre désirait.

L'occidental sent, comprend, divise spontanément par deux, moins souvent par trois et subsidiairement par quatre. L'Hindou plutôt par cinq ou six, ou dix ou douze, ou trente-deux ou même soixante-quatre. Il est extrêmement abondant. Jamais il n'envisage une situation ou un sujet en trois ou quatre subdivisions."

Michaux non poète...
Michaux nous parle ici des Hindous, des Chinois, des Japonnais... C'est de l'Asie qu'il veut parler, et de l'humanité dans son rapport avec Dieu, le divin, autrui, le monde. Mises en regard, comparaisons, ce livre est agréable à lire, léger et parfois amusant.
Aussi, Michaux nous fait discrètement part de certaines réflexions philosophiques qui nous éclairent un peu sur ses idées si peu dévoilées...

"Qu'est-ce qu'une civilisation ? Une impasse.
Non, Confucius n'est pas grand.
Non, Tsi Hoang Ti n'est pas grand, ni Gautama Bouddha. Mais depuis on n'a pas fait mieux.
Un peuple devrait être honteux d'avoir une histoire.
Et l'Européen tout comme l'Asiatique, naturellement.
C'est dans l'avenir qu'ils doivent voir leur Histoire."

Une histoire collée à la Contemplation.

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Partant à la rencontre des civilisations asiatiques des années 1930, Henri Michaux nous délivre ses impressions de voyage sous la forme de jugements si tranchés qu'ils semblent avoir été découpés avec un poignard malais : une violence que reflète bien le titre du livre. Ainsi, non sans une bonne dose de cynisme, Michaux décortique tous les signes qui s'offrent à lui (parole, alphabet, coutumes, art...), et n'hésite pas à les dénoncer quand ils ne renvoient à rien, à ses yeux. Exemple avec le théâtre japonais :

"Aucun acteur au monde n'est aussi braillard que le Japonais avec un
résultat aussi maigre. Il ne dit pas sa langue, il la miaule, et
brame, barrit, brait, hennit, gesticule comme un possédé et malgré ça,
je ne le crois pas. "

Le ton sec et sentencieux de Michaux peut s'avérer désagréable, notamment lorsqu'il s'enferme dans des certitudes peu convaincantes pour un lecteur d'aujourd'hui (par exemple, ses prédictions de révolutions en Inde)... Des certitudes qu'il aura le bon goût de remettre en cause plus tard, comme le montrent les notes de son « moi futur » des années 50 et 80, qui parsèment cet ouvrage. Toutefois, dans ce livre, la civilisation dont les idoles sont le plus mises à mal n'est peut-être pas celle que l'on croit, comme le suggère cette mémorable invective :

« Y aura t-il encore une guerre ? Regardez-vous Européens,
regardez-vous. Rien n'est paisible dans votre expression. Tout y est
lutte, désir, avidité. Même la paix, vous la voulez violemment. »

Au moins, notre barbare sait d'où il vient.

Mais Michaux ne s'abandonne jamais totalement au bruit et à la fureur, car, à travers ses voyages, il tend toujours l'oreille attentive du poète, qui entend et retranscrit en mots la musique propre à chaque civilisation asiatique, comme ces "immenses gammes" qu'il entend résonner dans la religion indienne. Sans nécessairement admirer ce qu'il découvre, il sait en restituer une singularité à même de lancer une rêverie ou une réflexion.

La caractère très libre et fragmentaire de cet ouvrage le rend tout à fait inclassable, et on y trouve même des comptes-rendus de visites d'aquariums, où Michaux laisse percevoir son amour contrarié pour la mer (lui l'ancien marin démobilisé), et se livre à des descriptions de poissons qui pourraient tout aussi bien être des créatures fabuleuses peuplant ses "lointains intérieurs".

Mais c'est paradoxalement loin au-dessus du niveau de la mer, dans les contreforts de l'Himalaya, que Michaux laisse le plus percevoir ses capacités à éprouver de l'amour pour autrui, pour un être humain considéré dans sa singularité et non plus comme le représentant d'une ethnie ou d'une culture. Au détour d'un simple sourire, qui ôte au barbare sa parole tranchante pendant un instant de grâce.
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Pour avoir lu d'autres écrits de voyage sur cette région du monde, j'ai été pris au dépourvu par ce récit. L'Asie m'a semblé bien plus loin de mon expérience que je ne l'imaginais. Car dans ce texte, Michaux n'est pas à la recherche de ce qui réuni les Occident et Orient dans le giron de l'humanité, mais de ce qui fait leur différence.
A mon sens, ce livre n'est pas un carnet de voyage, mais plutôt "l'Orient selon Henri Michaux". Je n'y ai trouvé finalement que peu de faits, et beaucoup d'interprétations : finalement, le factuel n'intéresse Michaux que pour être réécrit par son imaginaire. Je comprends mieux le titre à l'aune de cette explication : isolé en lui-même par son incapacité à communiquer - le barbare est celui qui parle une autre langue - Michaux a toute facilité à trouver incompréhensible l'humanité qui l'entoure.
D'ailleurs, sans parler de l'écriture très puissante, je trouve que la force du livre est là, dans sa capacité à nous mettre en face d'une altérité démesurée et pourtant humaine. Et je crois voir les ferments du magnifique "Ailleurs" dans ce parcours aux confins de l'Asie.
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Il aurait été intéressant de lire ce livre en 1933 pour sans doute se trouver dans le contexte des observations réalisées en Inde, en Chine, en Malaisie et au Japon par Henri Michaux. le découvrir presque 90 années après sa parution reste aussi passionnant car on suit le regard d'un homme d'une époque, porté sur des civilisations à une époque donnée et on s'aperçoit que si bien des évolutions sont survenues, les réflexions métaphysiques et poétiques de l'auteur demeurent d'actualité.
Michaux a d'ailleurs ajouté une préface en 1945, soit douze ans après la première publication, puis une nouvelle en 1967, trente-quatre encore après. Et il ajoute dans ses notes des observations précisant ses erreurs d'analyse de 1933 sur par exemple la fin des bains dans le Gange à une échéance assez brève, et, la disparition des castes en Inde sous un autre délai qui s'avérera inexact.
Une fois intégré ce décalage inévitable, la plongée dans le livre est merveilleuse car l'auteur s'intéresse à une infinité de détails, les visages, les sourires ou leur absence, les musiques, les gestes, les vêtements, les arbres et la nature avec même les poissons d'aquarium à Madras (Chennai aujourd'hui), les oiseaux, les traditions religieuses ou non, les femmes, tous ces mystères de l'Asie qui fascinent certains des barbares que nous sommes.
Donc une très belle lecture à savourer dans un rêve éveillé.
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Citations et extraits (57) Voir plus Ajouter une citation
Certains s’étonnent qu’ayant vécu en un pays d’Europe plus de trente ans, il ne me soit jamais arrivé d’en parler. J’arrive aux Indes, j’ouvre les yeux et j’écris un livre.
Ceux qui s’étonnent m’étonnent.
Comment n’écrirait-on pas sur un pays qui s’est présenté à vous avec l’abondance des choses nouvelles et dans la joie de revivre?
Et comment écrirait-on sur un pays où l’on a vécu trente ans, liés à l’ennui, à la contradiction, aux soucis étroits, aux défaites, au train-train quotidien, et sur lequel on ne sait plus rien.
Mais ai-je été exact dans mes descriptions?
Je répondrai par une comparaison.
Quand le cheval, pour la première fois, voit le singe, il l’observe. Il voit que le singe arrache les fleurs des arbustes, les arrache méchamment (non pas brusquement), il le voit. Il voit aussi qu’il montre souvent les dents à ses compagnons, qu’il leur arrache les bananes qu’ils tiennent, alors que lui-même en possède d’aussi bonnes qu’il laisse tomber, et il voit que le singe mord les faibles. Il le voit gambader, jouer. Alors le cheval se fait une idée du singe. Il s’en fait une idée circonstanciée et il voit que lui, cheval, est un tout autre être.
Le singe, encore plus vite, remarque toutes les caractéristiques du cheval qui le rendent non seulement incapable de se suspendre aux branches des arbres, de tenir une banane dans ses pattes, mais en général de faire aucune de ces actions attrayantes que les singes savent faire.
Tel est le premier stade de la connaissance.
Mais dans la suite, ils se rencontrent avec un certain plaisir.
Aux Indes, dans les écuries, il y a presque toujours un singe. Il ne rend aucun service apparent au cheval, ni le cheval au singe. Cependant les chevaux qui ont un tel compagnon travaillent mieux, sont plus dispos que les autres. On suppose que par ses grimaces, ses gambades, son rythme différent, le singe délasse le cheval. Quant au singe, il aurait du plaisir à passer tranquillement la nuit (Un singe qui dort, parmi les siens, est toujours sur le qui-vive.)
Un cheval donc peut se sentir vivre beaucoup plus avec un singe qu’avec une dizaine de chevaux.
Si l’on pouvait savoir ce que le cheval pense du singe, à présent, il est assez probable qu’il répondrait : « Oh!... ma foi, je ne sais plus. »
La connaissance ne progresse pas avec le temps. On passe sur les différences. On s’en arrange. On s’entend. Mais on ne se situe plus.
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La cathédrale gothique est construite de telle façon que celui qui y entre est atterré de faiblesse. (...)
Les religions hindoues au contraire ne dégagent pas la faiblesse de l'homme, mais sa force. (...)
L'intérieur des temples (même les plus grands extérieurement) est petit, petit, pour qu'on y sente sa force. (p.31)
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Qu'est-ce qu'une civilisation ? Une impasse.
Non, Confucius n'est pas grand.
Non, Tsi Hoang Ti n'est pas grand, ni Gautama Bouddha. Mais depuis on n'a pas fait mieux.
Un peuple devrait être honteux d'avoir une histoire.
Et l'Européen tout comme l'Asiatique, naturellement.
C'est dans l'avenir qu'ils doivent voir leur Histoire.
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Quand je vis les Turcs d'une part et d'autre part les Arméniens, sans rien savoir de leur histoire je sentis que dans la peau d'un Turc j'aurais grand plaisir à battre un Arménien, et qu'Arménien il faudrait que je fusse battu.

Quand je vis les Marocains d'une part et les Juifs d'autre part, je compris que les Marocains avaient envie de violer les femmes des Juifs à leur nez et l'avaient souvent fait.

Cela peut s'expliquer. Mais alors ça devient tout autre chose.

Le serpent, la première fois qu'il voit une mangouste, sent que c'est une rencontre fatale pour lui. Quant à la mangouste, elle ne déteste pas le serpent après réflexion. Elle le déteste, et le dévore à première vue.

Quand je vis les Hindous et les Musulmans, je compris tout de suite quelle tentation subissaient les Musulmans de donner une raclée aux Hindous, et combien les Hindous, en cachette, prenaient plaisir à jeter un chien crevé dans les mosquées.

Maintenant, pour ceux qui n'ont pas vu, ou n'ont pas senti, on peut trouver quelques explications venant de loin.

Les peuples qui ont adopté la religion musulmane, Turcs, Afghans, Persans, Hindous convertis de force, Éthiopiens, Maures, Malais, etc., l'Arabe, le peuple de Mahomet a mis sa marque sur eux.

Dans l'Arabe tout est colère. Son credo est plein de menaces : « Il n'y a d'autre Dieu que Dieu. » Son credo est une riposte, presque un juron – il gronde, il est sans quartier.

Son bonjour : « Que le salut soit sur quiconque suit la vraie religion ! » (La vraie ! Aux autres pas de bonjour.)

Un jardin arabe est une leçon d'austérité. Une rigueur glacée.

Le désert est la nature de l'Arabe, et toute autre nature est sale, antinoble et dérange son esprit. Pas de peinture, pas de fleurs. « Du laisser aller, tout ça. »

L'intransigeance. A l'ancienne mosquée de Delhi deux idoles de cuivre se trouvaient liées aux pierres formant le plancher pour être foulées aux pieds ipso facto par tout fidèle qui entrait.

Dans le Nord, quelques orphelins hindous se font chrétiens. Le Mahométan, lui, est inconvertible. Le Dieu des Musulmans est le plus absolu. Les autres dieux s'effritent devant lui. Et on se traite comme rien devant ce Dieu. On se jette le front contre terre. On se relève, et puis on se jette le front contre terre, et puis encore.

La langue arabe est une pompe aspirante et foulante, elle contient des h d'aller et retour, que seuls la rogne et le désir de refouler l'adversaire et ses propres tentations ont pu inventer.
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Rien n’approche du style de Lao-Tseu. Lao-Tseu vous lance un gros caillou. Puis il s’en va. Après il vous jette encore un caillou, puis il repart ; tous ces cailloux, quoique très durs, sont des fruits, mais naturellement le vieux bourru ne va pas les peler pour vous.
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Vidéo de Henri Michaux
Sacha Guitry, Victor Hugo, Henri Michaux, Raymond Devos... Tous ces noms furent les auteurs de textes illustres, qu'André Dussollier convoque et ressuscite sur la scène des Bouffes parisiens depuis le 18 janvier. Rencontre avec cet acteur à trois césars et récompensé du Molière du comédien.
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