S’il y a bien une chose que je déteste, ce sont les parents mal élevés. Eh bien, pas de chance, j’ai récolté la pire paire imaginable.
Je prends sa petite main chaude dans la mienne et la chaleur remonte le long de mon bras jusque dans mon cœur, qu'elle inonde de chocolat fondu.
Il faut de la couleur, des images, du rythme, de la musique, des lumières, des paillettes. Il faut des rires, quelques pleurs mais pas trop, et puis de l'amour.
Madame Girofle est une obsessionnelle du rangement, et moi, j'adore ça. Chaque chose à sa place et les vaches seront bien gardées. Stylos dans la trousse, trousse dans le cartable, cartable sous le bureau, côté droit, mains sur le bureau, on ne se retourne pas, on ne parle ni avec le camarade de droite, ni avec celui de gauche, lever le doigt pour demander la parole et attendre d'être interrogé.
"Ca va, mon bébé ? Tu as bien dormi ? Oh, tu ne sens pas très bon, Gaspard va te changer..."
"Gaaaagaaga" répond-elle - ce qui prouve que c'est bien mon prénom qu'elle a choisi comme premier mot de sa vie.
- Moi, j'aimerais trop avoir des parents comme toi, me dit Arthur. Les miens sont toujours après moi, "fais tes devoirs, range ta chambre, lave-toi les mains, ne te cure pas le nez, ne mange pas avec les doigts, cesse d'embêter ton petit frère, viens mettre la table... En plus, les tiens, ils sont marrants.
Je viens de lui confier mes péripéties matinales et sa réponse me met presque en colère.
- Tu ne t'imagines pas ce que c'est ! Mes parents, ça leur arrive souvent de manger avec les doigts. Moi, j'utilise une assiette et des couverts, je mange proprement, puis je fais la vaisselle. J'ai une certaine notion de savoir-vivre. Je leur dis: "On pourrait mettre des assiettes, non, pour le poulet ? Et maman me répond en mâchonnant sa mayonnaise: "Ah non, un poulet rôti, ça se décortique avec les doigts jusqu'au sot-l'y-laisse !" Et mon père en rajoute une couche: "En plus, ça nous évite de faire la vaisselle." Si tu as une solution pour qu'ils deviennent comme les tiens, je suis preneur !
- Mais il est mort ! a soudain hurlé ma mère en écarquillant ses yeux terrifiés. Où va-t-on l'enterrer ? Etait-il chrétien ou musulman ?
Nous n'avons pas eu à trancher cette épineuse question puisque la bête s'est mise à geindre plaintivement en lançant un regard énamouré à mon père, son héros.
Papa l'a allongé sur mon lit - je dis bien mon lit - et nous a raconté.