C'est avec une écriture fluide qu'Eric Michel nous fait traverser le 20ème siècle avec l'histoire d'une famille qui n'a pas été sans me rappeler celles décrites par
Christian Signol. Grande lectrice à une époque de cet immense auteur, j'ai retrouvé dans "Julien : des Landes à la Guyane" des personnages attachants marqués par les guerres mais capables de se ressourcer dans les moments simples de la vie de famille et les plaisirs procurés par la campagne, dans la sérénité apportée par les animaux. L'auteur nous parle aussi des métiers d'une époque révolue mais que l'on retrouve avec bonheur.
C'est donc à la fois un livre historique, de terroir, et une saga familiale que nous propose Eric Michel.
Le roman commence en avril 1918 dans l'enfer des tranchées où Julien Gleiroux "le landais" et son "frère d'armes" Georges
Blondin, un normand éleveur de bétail, avancent parmi les balles et les obus ennemis aux cris de "l'assaut et rien d'autre" de leur lieutenant.
Julien se souvient du mois de juin 1914 quand Marie venait apporter un peu d'eau aux Résiniers, la vie était encore pleine de promesses sur l'airial de Luxey, petit village des Landes. On y rencontrait aussi la famille Tissandier dont le père, nommé Métayer à la place du père de Julien (redevenu Berger comme dans sa jeunesse), nourrit une haine farouche à l'égard de la famille Gleiroux.
C'est le destin de ces familles que nous allons suivre à travers 4 voire 5 générations.
Alors bien sûr, en 420 pages, même écrites serrées, nous n'aurons pas tous les détails de chaque bataille ou chaque événement, ce n'est pas nécessaire, tout y est.
De l'horreur de la 1ère guerre mondiale au bagne en Guyane, où la peine était doublée pour ceux qui s'en sortaient, coupables ou innocents d'ailleurs, car la justice n'était pas très pointilleuse pour envoyer quelqu'un au bagne. Il suffisait d'une supposition, de la parole de quelqu'un de plus riche ou plus influent dans la société que l'accusé, d'un retournement de situation, pour se retrouver à Cayenne sans forcément être coupable.
Puis, vient la 2éme guerre mondiale. L'arrivée d'Hitler au pouvoir, la déclaration de guerre, la guerre, le régime nazi, les Réfugiés, la collaboration, la Gestapo, le régime de Vichy, l'évocation d'Oradour sur Glane, la Résistance, l'arrivée des Alliés, le Débarquement, les camps, le vol des oeuvres d'art... Une Histoire très documentée et très complète vécue au rythme de ces familles qui, malgré tout, ont su participer,vivre, résister sur les fronts ou depuis leur campagne.
Au-delà de ces faits historiques et de ces années difficiles, il est intéressant de voir la vie de ces Résiniers, de ces Bergers, ou de ces chefs d'Entreprises (souvent liées à la résine) qui savaient exister au rythme des saisons et de leur travail dans les Landes, une vie simple et pas toujours facile mais où il était agréable de subsister avec la Nature.
Les campagnes avaient leurs secrets de famille aussi, les gens étaient taiseux et les non-dits pouvaient avoir de graves conséquences sur plusieurs générations. Cela aussi est évoqué dans ce livre très riche, qui se lit très facilement.
On s'attache bien sûr énormément aux personnages. Un point fort de ce livre est l'amitié indéfectible qui lie Julien et Georges. Sans compter la générosité de Georges, allant jusqu'à lui faire faire des actes ambigus pendant l'occupation, actes qu'il n'a eus qu'à regretter mais destinés à servir une cause tellement humaine !
Et l'amour, fil conducteur de ce roman. Amour dans le couple, à tous les âges, amour pour ses enfants, ses parents, sa famille, ses amis, amours interdites aussi, amour pour ses animaux, son travail, la Nature...
Avec l'amour, on a la haine, la jalousie, tout n'est pas parfait mais le temps et la bienveillance viennent à bout de beaucoup de ressentiments.
Pendant ma lecture, je me demandais si je mettrais 4 étoiles ou 4,5. Je trouvais tous les avis 5 étoiles généreux et finalement, avec le recul puisque ça fait maintenant quelques jours que j'ai terminé ce roman, je me rallie aux 5 étoiles.
Etant girondine, donc proche géographiquement des Landes, j'avais trouvé un peu dommage (je ne m'y retrouvais pas) que l'auteur ait situé le siège de la SS Das Reich à Mont de Marsan, pour le déroulement romanesque, alors qu'en réalité elle a séjourné à Montauban mais est-ce si important puisque c'est précisé au début de la période concernée ?
Pour la lecture de ce roman très intéressant, je remercie Babélio et les éditions Na pour leur envoi lors de la Masse Critique de septembre 2022 .