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Paul Viallaneix (Préfacier, etc.)
EAN : 9782080700834
314 pages
Flammarion (07/01/1993)
3.51/5   129 notes
Résumé :
Nullement échaudé par la violente campagne cléricale menée contre lui après la publication du livre Le Prêtre, l'historien Jules Michelet aura une nouvelle fois l'occasion d'étaler au grand jour son aversion envers le catholicisme dans La Sorcière, un essai que l'on pourrait qualifier de proto-féministe derrière lequel d'aucuns crurent distinguer l'ombre d'Athénaïs, son épouse de vingt-huit ans sa cadette.

Or, non content de rendre hommage à la femme... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (26) Voir plus Ajouter une critique
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Etrange livre que cette Sorcière, essai historique qui se lit comme un roman, voire même parfois comme un fièvreux poème épique en prose, à la fois fascinant et agaçant, d'une justesse parfois imparable et qui ne s'obtient pourtant qu'à force de distordre les faits.
La thèse proposée est intéressante, séduisante même. Si le terme de féminisme est encore bien trop moderne pour ce texte, la figure initiale de la sorcière telle qu'elle se forme au cours du Moyen-Âge en est pourtant une figure superbe, par sa révolte et son savoir, conquis au prix de tant de souffrance.
Pourtant, la nature de la femme n'est justement pas dans la révolte : seule l'iniquité, la violence terrible dont elle a fait l'objet, ont pu la pousser sur cette voie, et le lecteur (la lectrice ?) moderne a parfois du mal à ne pas grincer un peu des dents devant cette image de la prétendue nature féminine que Michelet renvoie. Certes non plus maléfique, mais idéalisée et fragilisée à outrance, fantasmée en grande partie, si culturelle encore et au fond si peu naturelle.
Regard contemporain sur le texte, qui en fausse un peu la portée ? Certes, peut-être. Parlons plutôt alors de la fameuse iniquité, de la fameuse violence évoquée par l'auteur, qui crée au fil de ses chapitres un Moyen-Âge littéralement horrifique, un Ancien Régime odieusement corrompu dans lequel Eglise et aristocratie portaient tous les vices. La charge est d'une lourdeur asez pénible - même pour qui n'est pourtant guère porté à défendre l'Eglise, et reconnaît aux hommes une tendance générale à abuser plus ou moins du pouvoir qu'ils détiennent. Sans souci de nuance, Michelet ne retient que ce qui l'arrange dans l'univers qu'il fait revivre, et ne comprend au fond pas grand chose à ce qu'il incrimine pour défendre sa thèse, celle d'un triomphe de la nature initié par la femme au plus noir des âges et que la société moderne peut enfin accomplir.
Cette nature, d'ailleurs, aussi libre, saine et généreuse qu'elle puisse paraître, n'est-elle pas au fond qu'une autre idéologie, guère moins despotique que celle qu'elle condamne ? le terme contre-nature est souvent utilisé, pour qualifier surtout les pratiques de l'Eglise, coupable d'avoir préféré les hommes aux femmes. Ce qui, en un sens se justifie, si l'on pense a la diabolisation de la femme qui en a indubitablement résulté, mais ouvre aussi très vite sur une restriction dangereuse des limites de la nature, susceptible de faire autant de victimes que le poids du péché.

Toutefois, à défaut du sens de la nuance et de l'objectivité historique, il faut reconnaître à Michelet des intentions superbes, et surtout un superbe talent de conteur par lequel revivent avec puissance et démesure les siècles passés. Grand maelström de faits et d'idées, foisonnant, complexe, brillant parfois, la Sorcière reste un texte passionannt, daté sans doute mais ouvrant déjà à la modernité.

Lien : http://ys-melmoth.livejourna..
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La Sorcière de Michelet tient plus du réquisitoire anticlérical qu𠆚utre chose. L𠆚uteur s𠆞st ainsi donné une mission qui éclipse, hélas, son sujet : faire comparaître l’Église, repère, si j𠆞n crois ce texte, de fanatiques, de pervers, d’ignorants et d’obsédés sexuels. On se demande comment la civilisation occidentale a-t-elle pu autant briller avec un tel handicap ! Cela dit sans dédouaner l’Église de ses errances idéologiques à l’occasion meurtrières – moins tout de même que les régimes athées et fanatiques de Staline, Hitler et Mao qui n’ont jamais œuvré au nom De La Croix par exemple…

Pourtant, et pour revenir à notre sujet, ce sont surtout les laïcs qui ont majoritairement persécuté les sorcières. La lecture du livre de Jean-Michel Salmann – Les sorcières, fiancées de Satan – me semble un remède salutaire pour tempérer les ardeurs de Michelet, lequel admet tout de même que derrière le mot de « sorcière » se cachait ce goût de la calomnie frappant n’importe qui et pas seulement les femmes occupées de plantes et de Nature en général : « Notez qu’à certaines époques, par ce seul mot Sorcière, la haine tue qui elle veut. Les jalousies de femmes, les cupidités d’hommes, s𠆞mparent d’une arme si commode. »

Michelet s𠆞n prend beaucoup au Moyen Âge, décrit comme « un brouillard gris de plomb […] d’une effroyable durée de mille ans ». Ici on nous parle de « l’immonde fraternité des Templiers » adorateurs du Malin, comme en écho à toutes les calomnies dont cet ordre a été l’objet. Là on peut lire à propos de l’église gothique qu𠆞lle est la « vraie et redoutable image de la dure cité de cristal dans lequel un dogme terrible a cru enterrer la vie ». le Moyen Âge chrétien ignore évidemment les sciences et la médecine, il est forcément sale, d’où la lèpre (sic), laquelle n�tait pas exclusivement les chrétiens, mais passons. Mieux, l𠆚uteur considère le Moyen Âge comme un « entr�te » entre l𠆚ntiquité et la Renaissance. Mille ans d𠆞ntr�te ça fait long !

Parallèlement, « partout où les Musulmans, ces fils de Satan [pas sûr qu’ils apprécient le compliment !], travaillent, tout prospère, les sources jaillissent et la terre se couvre de fleurs » (sic). Michelet aime les fables, je vous disais, et fait de Satan le promoteur du progrès, comme pour mieux diaboliser l’Église. Que c𠆞st infantile ! D’où tient-il, par exemple, que les chrétiens « maudissent la Nature » ?!

À force d𠆚nathémiser l’Occident chrétien, Michelet sombre même dans l𠆞rreur historique : « Partout où le droit canonique reste fort, les procès de sorcellerie se multiplient […] Partout où les tribunaux laïques revendiquent ces affaires [de sorcellerie], elles deviennent rares et disparaissent, du moins pour cent années chez nous, 1450-1550. » C𠆞st faux : « La naissance des procès en sorcellerie accompagna en revanche l’établissement de la justice civile, comme s’il eut fallu un premier bouc émissaire pour essuyer les plâtres » (Marie Mougin : https://www.franceinter.fr/culture/la-chasse-aux-sorcieres-la-face-cachee-de-la-renaissance). Michelet ne peut l’ignorer, mais s’il admet de retentissants procès laïques en sorcellerie, c𠆞st dans une perspective de concurrence avec l’Église. Les laïcs sont pour lui les « censeurs et réformateurs des mœurs ecclésiastiques ».

Michelet doit cependant concéder qu𠆞n Espagne, où elle était pourtant très puissante, « l’Inquisition, exterminatrice pour les hérétiques, […] l’était bien moins pour les sorciers ».

Puis on glisse vers des affaires qui n’ont plus grand-chose à voir avec les sorcières, dont l’une des plus fameuses : Loudun et le malheureux prêtre Urbain Grandier – que Michelet n𠆚ime pas, lui qui voit dans chaque homme ou femme d’Église perversité, folie et lubricité, bis repetita –, plus victime de son succès auprès des femmes et de ses amitiés avec les protestants que de quelque diablerie qu’il dut toutefois payer sur le bûcher. Michelet accorde aussi une grande attention à Marie-Catherine Cadière, fervente mystique du XVIIIe siècle, abusée par un prêtre jésuite et accusée à tort de sorcellerie.

On aurait aimé pourtant en savoir plus sur ce « monde singulier, délicat des fées, des lutins, fait pour une âme de femme [où] la fée est une femme aussi, le fantastique miroir où elle se regarde embellie ». La sorcière fut effectivement traquée injustement. Des manuels monstrueux ont été rédigés à son encontre, dont le plus fameux : Malleus Maleficarum (Marteau des sorcières), écrit par les dominicains Heinrich Kramer et Jacob Sprenger.

Et derrière la sorcière, il y a la femme qui, « avec son cœur et sa pitié, sa divination de bonté, […] va d𠆞lle-même à la médication ». La femme se cache en effet derrière la sorcière, avec son cortège de souffrances, sous n’importe quelle latitude de ce monde et sous n’importe quel Dieu, céleste ou laïc…

Enfin, Jules Michelet, s’il avait été parfaitement honnête, aurait dû nous parler de ce procès républicain en sorcellerie qui conduisit des dizaines de milliers d’hommes, de femmes et d𠆞nfants au bûcher révolutionnaire, allumé par les colonnes infernales en Vendée. Mais il est vrai que, chez Michelet, on ne blasphème pas la Révolution…

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Jules Michelet n'est pas ce que l'on pourrait appeler un historien neutre, au sens scientifique du terme. Historien qui reconstruirait le passé à partir de matériaux trouvés et analysés de la façon la plus objective qui soit.

C'est un historien écrivain qui se rattache au romantisme ; un historien de l'engagement, de la passion, du parti pris. Je dois dire que j'ai toujours aimé son style, le lire constitue un enchantement. Il existe une parenté chez les romantiques. Il y a quelque chose d'hugolien dans sa façon d'énoncer les choses, dans le caractère péremptoire de ses démonstrations, dans la puissance des mots qu'il emploie.

Je ne sais s'il aurait apprécié cette comparaison, car Jules Michelet, l'aîné, n'a pas besoin d'être mis en regard d'une référence quelconque…

On dit que le 19ème S. a produit deux grands historiens écrivains qui assumaient leurs engagements, Michelet et Guizot, le premier républicain, le second libéral. On reconnaît aussi, qu'ils ont donné des écrits au style superbe, qu'ils ont été d'extraordinaires conteurs.

La Sorcière paraît en 1862, en l'âge mûr de l'auteur, 64 ans ; inutile de dire qu'on est en présence d'une violente charge contre la bêtise cléricale, religieuse, et d'une réhabilitation de la femme dont le bon sens et les connaissances empiriques étaient vite taxés de sorcellerie par les clercs du Moyen-âge.

Nous savons que les historiens modernes, ont critiqués la méthode de Michelet, ainsi que ses sources et, d'une certaine façon, l'école historique romantique. Pierre Chaunu, d'ailleurs, exprimait plus que de la réserve à l'égard de Michelet, en qui il voyait davantage un écrivain qu'un historien.
La Sorcière révèle la passion de l'auteur, sa colère presque, ses convictions face à l'obscurantisme religieux du Moyen-âge que le siècle des Lumières n'avait pas tout à fait effacé. C'est un livre que j'ai lu comme un roman et moins comme un livre d'histoire ; mais quel style !
Michelet a le don de vous transmettre sa passion. Et peu importe qu'on lui reproche un certain manque de rigueur, je le trouve formidable et souhaite que nos historiens actuels soient capables de transmettre, comme lui, la passion de l'histoire.
Pat
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Qui dit occultisme, dit ésotérisme et dit alors sorcières. Ainsi, c'est au cours de différentes recherches sur le sujet que je suis tombé sous le podcast plus que décomplexée de C'est pas Sorcières réalisé par Louise et Marion. Grâce au premier hors série de cette émission, dans lequel les créatrices présentaient leurs bibliothèques magiques, j'ai entendu parler de cet essai. N'étant pas un adepte du genre et malgré sa véracité historique contestée, j'ai eu très envie de découvrir la triste et célèbre chasse aux sorcières subie injustement par la population lors de l'immergence de l'église et ses clergés dans notre quotidien.

Malheureusement et même si j'ai apprécié l'élégante et satinée prose de Jules Michelet, il est indéniable que celle-ci semble des plus datée et alambiquée qui soit. Qu'il m'a fallu faire force de concentration et de focalisation pour tenter d'appréhender et de comprendre au mieux l'approche passionnante et parfois lyrique de la réflexion de l'auteur quant à ce douloureux épisode de notre histoire. En ce sens, j'ai été sensible au discours tenu et établi par ce dernier même s'il est vrai que celui-ci manque clairement de nuances. L'auteur intente, à l'image de l'église contre les femmes d'antan, un véritable procès contre la société ecclésiale qui dominait le monde il y a encore peu. Ce parti pris aurait pu se révéler pertinent si celui-ci s'était construit autour de réels et démontrés faits plutôt que sur certaines affabulations. Finalement, et dans son contexte historique, les travaux de recherches sont assez maigres et malgré une seconde partie axée sur certains célèbres procès, le reste de l'essai m'a semblé bien trop lyrique et mystique qu'autre chose. Néanmoins, cette dimension portée sur les croyances d'antan et autres allégories du genre permettent à Jules Michelet de narrer avec allure et distinction une analyse à l'ambiance envoûtante et mystérieuse.

C'est pourquoi et malgré la véracité de l'apport théorique et historique apportée et en prenant en compte la période antérieure esquissée, nul doute que l'historien redore la figure de la sorcière avec style et réussite. Sans en réaliser l'image moderne que nous connaissons tous maintenant – quoi que encore assez injustement diabolisée dans certains pays et autres sociétés sectaires -, ce dernier dévoile un émouvant et vivifiant portrait de ce que sont ces femmes savantes et libres. Plus que la sorcière, Jules Michelet décortique finalement la place et l'évolution de la femme au sein du monde et ce, de l'antiquité à la révolution française. C'est un des aspects qui m'a le plus convaincu même si son dessin se veut parfois fortement axé et influencé selon les moeurs de l'époque il n'en est pas moins salvateur envers cette population opprimée depuis l'ascension de l'église et dont sa critique se veut fortement tranchante. L'auteur n'hésite nullement à dévoiler au grand jour les failles et autres problématiques liées au domaine ecclésial et son sytème et dont, malgré la dimension assez pieuse de la Sorcière, cet aspect m'a semblé des plus saisissant.

Ainsi et si je passe outre les défauts de cette oeuvre, je ne peux nier avoir apprécié cet exercice de lecture. J'ai découvert à travers cet essai, une analyse passionnée et passionnante quant à un épisode marquant de notre histoire. Bien que le discours de Jules Michelet puisse parfois raisonné daté et alambiqué, je n'ai pu être insensible à la rédemption qu'il apporte avec ferveur aux femmes persécutées dans le seul but de mettre en place le système religieux qui gouverne encore certaines visions de notre monde actuel.
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Ce n'est ni un livre d'histoire (la méthode, romantique, est peu "scientifique") ni un roman, puisque la majeure partie du livre évoque bien des cas concrets, réels. Davantage qu'un livre proto-féministe (et il y aurait à redire sur ce point) c'est surtout de la part de l'auteur une charge anticléricale, en montrant les carences du système religieux, ses déviances, ses crimes. La première partie est une sorte de longue prose poétique sur l'image de la Sorcière, mêlant à la fois recherches et jugements parfois caricaturaux de l'auteur. Ici il s'agit de redorer le blason de la femme proche de la nature, qui en connaît ses bienfaits, la femme passeuse de traditions et donc héritière des cultes païens, des pratiques d'antan. Elle est forcément pourchassée même si elle tient un rôle important dans les campagnes moyenâgeuses. Elle est aussi innovatrice, avant-garde de la médecine ; de là tout une glorification de la science, du progrès, l'apanage d'un Satan défenseur de l'homme à l'inverse d'un christianisme sanglant, meurtrier. Cette partie repose comme le dit lui-même Michelet sur un "léger fil fictif", permettant de voir les théories de l'auteur se concrétiser dans le récit d'une jeune femme conspuée. Cela a certains avantages pour saisir le lecteur mais en même temps l'ensemble sonne in fine comme un brouillon de roman.

La deuxième partie est plus proche du domaine de l'historien. La sorcière passe davantage au second plan, Michelet traite plutôt deux sujets qui s'entremêlent : la corruption au sein de l'Eglise et la place de la femme (et notamment de la jeune fille) dans la société, de la fin du Moyen-Age jusqu'au XVIIIe siècle. Pour cela il se base principalement sur trois affaires, comme une gradation dans l'horreur et la déviance. C'est ici que l'ouvrage semble le plus persuasif, davantage pamphlétaire, mais en même temps le lecteur moderne pourra aussi remettre en question une certaine image de la femme développée par l'auteur (à titre d'exemple la vision caricaturale de la femme provençale). Les cas sont édifiants et bien que l'on puisse remettre en cause la partialité de l'auteur on se laisse emporter par ces histoires où la foi devient un abîme.

En somme un ouvrage quelque peu daté, dont la forme peut être fortement remise en question mais qui montre quelques prémices dans la lutte féministe (un anachronisme) en revalorisant la femme du peuple qui doit faire face à des systèmes déviants.
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Citations et extraits (34) Voir plus Ajouter une citation
" Nature les fait sorcières." - C'est le génie propre à la femme et son tempérament. Elle naît Fée. Par le retour régulier de l'exaltation, elle est Sybille. Par l'amour, elle est Magicienne. Par sa finesse, sa malice ( souvent fantasque et bienfaisante ), elle est Sorcière et fait le sort, du moins endort, trompe les maux.
Tout peuple primitif a même un début; nous le voyons par les Voyages. L'homme chasse et combat. La femme s'ingénie, imagine; elle enfante des songes et des dieux. Elle est voyante à certain jour; elle a l'aile infini du désir et du rêve. Pour mieux compter les temps, elle observe le ciel. Mais la terre n'a pas moins son coeur. Les yeux baissés sur les fleurs amoureuses, jeune et fleur elle-même, elle fait avec elles connaissance personnelle. Femme, elle leur demande de guérir ceux qu'elle aime.
Simple et touchant commencement des religions et des sciences ! Plus tard, tout se divisera ; on verra commencer l'homme spécial, jongleur, astrologue ou prophète, né cromancien, prêtre, médecin. Mais, au début, la Femme est tout.
Une religion forte et vivace, comme fut le paganisme grec, commence par la sibylle, finit par la sorcière. La première, belle vierge, en pleine lumière, le berça, lui donna le charme et l'auréole. Plus tard, déchu, malade, aux ténèbres du moyen âge, aux landes et aux forêts, il fut caché par la sorcière ; sa pitié intrépide le nourrit, le fit vivre encore. Ainsi, pour les religions, la Femme est mère, tendre gardienne et nourrice fidèle. Les dieux sont comme les hommes ; ils naissent et meurent sur son sein.
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L'unique médecin du peuple, pendant mille ans, fut la Sorcière. Les empereurs, les rois, les papes, les plus riches barons, avaient quelques docteurs de Salerne, des Maures, des Juifs, mais la masse de tout état, et l'on peut dire le monde, ne consultait que la Saga ou Sage-femme.Si elle ne guérissait, on l'injuriait, on l'appelait sorcière. Mais généralement, par un respect mêlé de crainte, on la nommait Bonne dame ou Belle dame (bella donna), du nom même qu'on donnait aux fées.
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(La femme) n’a d’amis que ses songes, ne cause qu’avec ses bêtes ou l’arbre de la forêt.
Ils lui parlent ; nous savons de quoi. Ils reveillent en elle les choses que lui disait sa mère, sa grand-mère, choses antiques, qui pendant des siècles ont passé de femme en femme. C’est l’innocent souvenir des vieux esprits de la contrée, touchante religion de famille, qui, dans l’habitation commune et son bruyant pêle-mêle eut peu de force sans doute mais qui revient et hante la cabane solitaire.
Monde singulier, délicat, des fées, des lutins, fait pour une âme de femme.
Dès que la grande création de la Légende des saints s’arrête et tarit, cette l égende plus ancienne et bien autrement poétique vient partager avec eux, règne secrètement, docement. Elle est le trésor de la femme, qui la choisie et la caresse. La fée est une femme aussi, le fantastique miroir où elle se regarde embellie.
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Le grand et puissant docteur de la Renaissance, Paracelse, en brûlant les livres savants de toute l'ancienne médecine, les grecs, les juifs et les arabes, déclare n'avoir rien appris que de la médecine populaire, des "bonnes femmes", des bergers et des bourreaux; ceux-ci étaient souvent d'habiles chirurgiens (rebouteurs d'os cassés, démis) et de bons vétérinaires.
Je ne doute pas que son livre admirable et plein de génie sur les "Maladies des femmes", le premier qu'on ait écrit sur ce grand sujet, si profond, si attendrissant, ne soit sorti spécialement de l'expérience des femmes même, de celles à qui les autres demandaient secours : j'entend par là les sorcières qui, partout, étaient sages-femmes. Jamais, dans ces temps, la femme n'eût admis un médecin mâle, ne se fût confiée à lui, ne lui eût dit ses secrets. Les sorcières observaient seules et furent, pour la femme surtout, le seul et unique médecin.
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L'unique médecin du peuple, pendant mille ans, fut la Sorcière. Les empereurs, les rois, les papes, les plus riches barons, avaient quelques docteurs de Salerne, des Maures, des Juifs, mais la masse de tout état, et l'on peut dire le inonde, ne consultait que la Saga ou Sage-femme. Si elle ne guérissait, on l'injuriait, on l'appelait sorcière. Mais généralement par un respect mêlé de crainte, on la nommait Bonne dame, ou Belle dame (bella donna), du nom même qu'on donnait aux Fées.
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Vidéo de Jules Michelet
Par Annette WIEVIORKA, directrice de recherche émérite au CNRS
Tout historien, et même préhistorien, établit un lien avec "ses" morts dont il tente de restituer l'histoire, de la Lucy d'Yves Coppens aux morts qui sont ses contemporains. L'opération historiographique a souvent été décrite, de Jules Michelet à Michel de Certeau, comme opération de résurrection des morts et oeuvre de sépulture de ces morts qui hantent notre présent. Il y a aussi d'autres morts. Ceux des siens qui sont autant de dibbouk pour l'historien parce qu'ils ont orienté sa vie. Ce sont des morts fauchés avant d'avoir été au bout de leur vie, des morts scandaleuses. "Je suis le fils de la morte". Ce sont les premiers mots de l'essai d'égo-histoire de Pierre Chaunu. Ces morts nourrissent les récits familiaux, devenu un nouveau genre historique, de Jeanne et les siens de Michel Winock (2003)("La mort était chez nous comme chez elle") à mes Tombeaux (2023). Les morts de la Shoah occupent une place tout à la fois semblable et autre. C'est la tentative d'éradiquer un peuple, la disparition du monde yiddish dont ceux qui en furent victimes prirent conscience alors même que le génocide était mis en oeuvre. Ecrits des ghettos, archives des ghettos, rédaction de livres du souvenir, ces mémoriaux juifs de Pologne écrits collectivement pour décrire la vie d'avant, recherche des noms des morts, plaques, murs des noms, bases de données.... Toute une construction mémorielle. Vint ensuite le temps du "je"(qui n'est pas spécifique à cette histoire) , celui des descendants des victimes, deuxième, troisième génération, restituant l'histoire des leurs. Chaque année, plusieurs récits paraissent, oeuvres d'historiens ou d'écrivains, qui usent désormais des mêmes sources, témoignages et archives, causant un trouble dans les genres.
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