Citations sur Le roi vient quand il veut (21)
Le Classique n'existe, ne parle et ne règne que s'il y a du Barbare - que s'il est le Barbare déguisé : Garouste, le peintre, dit que le grand art consiste en ce que le premier doit habiller le second; mais les deux doivent coexister. La pellicule d'or de la belle langue est plus pure, plus fragile, plus menacée, donc plus entière, d'être travaillée en dessous par la boue des patois.
C'est ça, la relance de la littérature :
un jeu de vessies et de lanternes
où on vous dit que vous êtes maître ès lanternes
à l'instant où vous commencez à soupçonner
qu'il n'y a que des vessies.
Et bien sûr, la reconnaissance est impossible puisqu'elle vous vient toujours de porteurs de vessies comme vous :
deux augures ne peuvent se regarder sans rire.
Oui, l'absence du père fait marcher mes textes.
Je ne suis pas sûr d'avoir souffert de cette absence
Le Il dans son inhumaine perfection
ceux qui n'auront jamais de nom :
tous ces hommes méritent un chapitre.
Mme de Mortsauf Balzac : est-il possible que je meure, moi qui ai si peu vécu ? Moi qui ne suis jamais allée chercher quelqu'un sur une lande ?
C'est au nom de cela que tous les hommes méritent un chapitre.
Ceux qui ont existé, les anciens vivants, aspirent à un corps de mots, plus solide, plus chantant, un peu mieux rétribué, un peu moins mortel que l'autre.
Ils nous font signe de les rappeler et de les envoyer CHERCHER quelqu'un sur une lande.
Je pense à l'instant à mon grand-père, Félix, qui était l'innocence en personne.
Il est scandaleux que cette innocence soit morte et inconnue.
l'émoi, le bouleversement que m'en donne le souvenir, dans une prose de fer, peut-être que c'est ça mon devoir d'écriture.
Oui, le bref est une sorte de tyrannie.... le récit bref, qu'on peut préparer pendant des mois, doit être écrit d'un seul tenant, dans l'ivresse et la fièvre, peut-être la grâce, sans retour ni repentir, sur la corde raide. Cette mise en risque ne permet que l'échec (la plupart du temps), ou la merveille d'une cinquantaine de pages retombant sur leurs pieds, comme tissées d'échos, nécessaires. Et la moindre fausse note précipite l'ensemble au panier. Le bref ne se rattrape pas.
Faulkner disait que nous disposons tous d'un territoire pas plus grand qu'un timbre-poste, et que ce qui importe n'est pas la superficie, mais la profondeur à laquelle on creuse. Mon timbre-poste est minuscule. Je ne sais pas si je le creuse bien.
Il y a ceux qui jouissent de la vie, et les rêveurs exaspérés : quand les deux se rencontrent dans un même, il se fait une oeuvre très forte et très violente. Quand la gloutonnerie de vivre et l'impossibilité de le faire se rejoignent, la résolution ne peut se faire que dans la violence. L'art est cette violence.
Roullin, ce facteur révolutionnaire, habité d'un rêve de communauté mondiale : sa visée rencontrait celle de Vincent Van Gogh tout en étant radicalement autre.
A travers leur rencontre : deux grands et beaux mythes
du XIXe : l'Art et la Révolution lequel s'est malheureusement effondré il y a peu.
Ecrire, c'est changer le signe des choses, transformer la douleur passée en jouissance présente, faire de l'art avec la mort. Je ne valorise absolument pas la douleur, je ne suis ni doloriste ni saint-sulpicien. Seule l'écriture, cet après-coup inouï, peut la sublimer en joie, c'est-à-dire lui donner un sens. L'écriture n'est jamais là au moment où les choses se passent, elle vient après, bien après parfois.
La littérature est une forme déchue de la prière, la prière d'un monde sans Dieu. On écrit comme jadis on s'adressait à quelqu'un, à un autre qu'autrui, à une grande instance fantasmatique mais comblante, qu'on appelait Dieu.