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Citations sur Tablée - Fraternité (6)

On sait tout de Manet. De l’homme appelé Manet et de la peinture de Manet. On ne peut y ajouter que des bricoles diverses. C’est dans ce divers que je vais me tenir, en pensant à une réflexion de Marcel Mauss que par hasard je viens de lire : « Dans les sciences telles qu’elles existent, on trouve toujours une vilaine rubrique. Il y a un moment où la science de certains faits n’étant pas réduite en concepts, ces faits n’étant pas même groupés organiquement, on plante sur ces masses de faits le jalon d’ignorance : « Divers ». C’est là qu’il faut pénétrer. On est sûr que c’est là qu’il y a des vérités à trouver. » Cette rubrique, ajoute Mauss, concerne la plupart du temps ce qu’il appelle « les techniques du corps », c’est-à-dire la façon dont les corps en société se tiennent, bougent ou se reposent, se signifient et signifient entre eux. C’est un point de vue de sociologue, un peu étroit donc, mais nous pouvons partir de là. Nous pouvons l’appliquer à la peinture, aux objets de la peinture. La peinture de chevalet, quand elle ne s’esquive pas dans la nature, nature morte ou paysage, quand elle traite son véritable objet, l’homme bipède, à travers les portraits, les scènes de genre et les scènes héroïques, en somme tous les frottements des hommes entre eux, ou les frottements de l’homme seul avec ses atours, son épée, sa fourchette, ses hochets – la peinture montre ce divers, ces techniques.
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Et quelle passion aussi, nous, quand nous les regardions. Quelle passion à les voir monter et descendre, à les faire monter et descendre, à la tribune et dans la charrette, étreints par Sanson, - ah que de regards de passion ils eurent tous en partage, que d'amour même et surtout quand ils avaient déjà la tête dans la petite lucarne du Styx, quand Sanson s'activant regardait on ne sait quel point à l'horizon, quand Santerre faisait donner les tambours, quand nos coeur à nous battaient plus haut que les tambours de Santerre, et alors on ne savait pas si c'était le grand couteau qui glissait, si c'était un effet des tambours, si c'était comme le point final de leur dernière phrase hurlée hier à la tribune [...]
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Que fait-on dans un café si on ne parle pas ? On y boit, certes, j'y reviendrai. Mais entre deux gorgées de bière ou d'absinthe ? Entre les deux grands vertiges de l'oralité, la parole et l'alcool, que fait-on ? On coexiste.
Dans un café, un café à l'heure de pointe comme celui-ci, on fait l'expérience nue de la promiscuité, qui est le mode aigu de la coexistence. On touche l'autre, on l'évite.
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Je n’ai pas besoin d’inventer le nom du personnage central, c’est la Table, la table de marbre qui porte les bières, le café, l’absinthe au fond et sa carafe, le petit vase à allumettes du premier plan. Qu’est-ce qu’une table ? C’est un opérateur spatial et un médiateur social merveilleux, une césure entre les corps, qui espace les corps les uns des autres et les distribue, qui fait des corps des antagonistes pacifiés. La table semble prendre de la place aux hommes ; mais non, en réalité elle en donne.
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Dans un café plein, on fait l’expérience des stratégies sociales du contact et de l’évitement, de la promiscuité et de l’esquive, du mélange et de la différenciation. On est soumis à la contagion de l’autre, et pourtant on fait mine de ne pas y toucher. Avec tout ça, on se fait une identité provisoire et menacée, périlleuse et incertaine. Voilà de quoi je veux parler, toutes choses dont Manet, dans ce tableau, parle. Qu’il montre, en tout cas.
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Que fait-on dans un café si on n’y parle pas ? On y boit, certes, j’y reviendrai. Mais entre deux gorgées de bière ou d’absinthe ? Entre les deux grands vertiges de l’oralité, la parole et l’alcool, que fait-on ? On coexiste.
Dans un café, un café à l’heure de pointe comme celui-ci, on fait l’expérience nue de la promiscuité, qui est le mode aigu de la coexistence. On touche l’autre, on l’évite. On effleure, on se rétracte. On déploie son corps, on le replie. On est serrés, on ne sait pas où mettre ses bras, et pourtant on use de ses bras comme si on avait toute la place, comme si c’était nous qui avions choisi de replier nos bras, nous, et non pas l’espace, la restriction de l’espace à partager. On a le corps sur une chaise, et l’esprit entre deux chaises. Tout cela bien sûr en public, puisque dans ce café nous sommes public et acteur à la fois, puisque nous sommes foule et que dans le même temps nous voulons paraître l’unique, l’indépendant, le seul qui dans la foule dépare la foule, s’en échappe en y demeurant, la transcende. On est tous figurants, mais on n’oublie pas que quelque chose en chacun de nous a le premier rôle. On est dans une boîte de sardines, mais chaque sardine de la boîte veut passer pour requin tout en restant sardine. C’est du travail. On ne se repose jamais au café et quand on en sort on a la gueule de bois, absinthe ou pas.
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